Hébron - 11 décembre 2003

Le Syndrome du Checkpoint

Par Richard Meyer

Le Christian Peacemaker Teams est une initiative oecuménique pour soutenir les efforts de réduction de la violence dans le monde entier

Devant les soldats, l’officier a commencé à faire la morale au chauffeur : "Si un soldat vous demande votre journal, vous lui donnez. S’il vous demande vos sous-vêtements, vous lui donnez, puis venez les réclamer plus tard. Au checkpoint, le soldat est Dieu et vous obéissez à tout ce qu’il vous dit. Maintenant, donnez-lui le journal. Ok, maintenant, asseyez-vous là jusqu’à ce qu’il soit prêt à vous parler."

Le taxi, après s’être rempli à Hébron, est parti pour Jérusalem.

Au checkpoint d’Etzion, Greg Rollings, un membre du Christian Peace Teammakers (CPT) m’a présenté à mon voisin de siège, un professeur de biologie moléculaire qui travaille avec un groupe d’étudiants du troisième cycle dans un laboratoire de génie génétique à l’Université Hébraique. Son nom est Yakov.

Il dit que la majorité de ses étudiants ne savent pas qu’il est Palestinien. "Certains pensent que je suis un colon de Kiryat Arba" dit-il en souriant. Un jour par semaine, il enseigne à à l’Université Hébraique.

"Deux mondes différents" dit-il, "Je parle même hébreu avec un accent différent quand je suis à l’Université Hébraique et quand je parle avec les soldats à ces checkpoints". Yakov est marié à une Espagnole, il parle arabe, hébreu, turc, espagnol, catalan et anglais.

Au checkpoint suivant, Yakov a traduit pour nous les parties de la conversation que nous ne pouvions pas comprendre. Au début de l’interrogatoire au checkpoint, le soldat israélien a demandé à notre conducteur le nouveau journal sur son tableau de bord. Le conducteur a refusé et le soldat a dit : "Ok, mettez-vous là sur le côté et attendez."

Après environ 10 minutes, notre chauffeur a remarqué un officier gradé. Le chauffeur est allé vers l’officier et lui a dit : "Ces soldats me font attendre parce que je n’ai pas voulu leur donner mon journal."

L’officier a appelé les deux soldats qui sont venus vers notre véhicule. Devant les soldats, l’officier a commencé à faire la morale au chauffeur :
"Si un soldat vous demande votre journal, vous lui donnez. S’il vous demande vos sous-vêtements, vous lui donnez, puis venez les réclamer plus tard. Au checkpoint, le soldat est Dieu et vous obéissez à tout ce qu’il vous dit. Maintenant, donnez-lui le journal. Ok, maintenant, asseyez-vous là jusqu’à ce qu’il soit prêt à vous parler."

Cette semaine, j’ai lu dans plusieurs journaux qu’un nouveau livre écrit par un soldat israélien était sorti et s’appelait : “Le syndrome du Checkpoint”. Il parle du fait d’être jeune, armé, totalement libre, et complètement soutenu par l’armée et l’Etat.

La principale question est, dit-il : "Quelles sont les limites à MA violence ? Personne ne fait rien. Peu importe qui je saigne ou qui j’humilie, mes camarades et mes supérieurs approuvent. Quelles sont MES limites ?
Quand m’arrêterai-je, et pourquoi ? et Comment ? Il fait référence à ses années dans l’armée comme une période d’exploration de son propre potentiel de violence, de décider par lui-même quelles sont ses limites."

Ici, à ce checkpoint, j’ai vu l’absence de limites. Apparemment, aucune autorité dans le gouvernement israélien ou chez les militaires ne tient compte du professionalisme dans les forces disciplinées. C'est, au moins, un souci mineur, inférieur à celui de soumettre la population palestienne, du plus vieux au plus jeune.

Après quelques minutes, le soldat a rendu le journal. Puis, il s’est dirigé vers la porte sur le côté, l’a ouverte et a demandé à tous les passagers leurs cartes d’identité. A ce moment-là, alors que nos passeports étaient avec les pièces d’identité des Palestiniens, les soldats ont réalisé qu’il y avait deux Canadiens et deux Américains dans le véhicule parmi les Palestiniens.

- "Rollins ? Gregory Rollins ?"
- "C’est moi."
- "Venez ici."
Greg, Bob Holmes et moi étions assis sur le siège arrière.
Le passage était bloqué par deux gros sacs à dos et un gros sac.
- "Je suis coincé. Est-ce que vous pouvez bouger les sacs pour que je puisse sortir ?"
- "Bougez-les vous-mêmes"
Un passager a demandé au chauffeur et le chauffeur a fait le tour puis a sorti les sacs à l’extérieur. Greg est sorti.
- "Où est l’autre Canadien ?" Le soldat l’a ensuite appelé. Bob est descendu.
- "Richard Meyer ?" : je suis descendu.
- "J’ai un rendez-vous au Consulat américain dans 20 minutes." ai-je dit au soldat. "Comment vais-je pouvoir leur expliquer mon retard ?"
- "Pourquoi n’êtes-vous pas sorti tout de suite quand je vous ai appelé ?"
- "Vous avez d’abord appelé les Canadiens. Je suis venu dès que vous avez cité mon nom."

Puis les soldats ont eu une courte conversation entre eux pendant qu’ils regardaient le passeport de Kristin Anderson :
- "Que pouvons-nous faire pour faire sortir ce joli visage du véhicule ?"
- "Demande-lui son visa."
- "Mais son visa est là."
- "OK, OK."

Les soldats nous ont rendu nos passeports, nous sommes remontés dans le véhicule, le chauffeur a remis les sacs et nous sommes partis. Juste un arrêt de 25 minutes.

“C’est comme cela chaque jour." ont dit les autres passagers.

Source : www.cpt.org

Traduction : MG