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Jérusalem - 14 décembre 2010
Par Jillian Kestler-D'Amours
Originaire de Montréal, Jillian Kestler-D'Amours est reporter et réalisatrice de documentaires. Elle vit à Jérusalem Est occupée. On peut voir son travail sur son blog.
Un immense drapeau palestinien est passé de main en main entre les au moins 200 activistes palestiniens, israéliens et internationaux qui gravissaient la colline raide d'Issawiya, le 3 décembre pour la première marche de solidarité dans ce quartier de Jérusalem Est occupée. Les gens ont applaudi et crié tandis que le drapeau passait au-dessus de leurs têtes, et beaucoup brandissaient des pancartes disant "Stop à l'emprisonnement d'Issawiya" et "Stop à l'occupation d'Issawiya".
Manifestation à Issawiya, Jérusalem Est occupée, le 3 décembre 2010. (Anne Paq/ActiveStills)
En effet, ces dernières semaines, le contraste entre la colonie israélienne de French Hill – qui abrite le principal campus de l'Université hébraïque de Jérusalem et l'hôpital Hadassah – et le quartier adjacent d'Issawiya est apparu encore plus frappant à cause de la présence quasi constante des soldats israéliens et des forces de police dans le village palestinien.
"C'est comme si la civilisation s'arrêtait aux frontières de French Hill et d'Issawiya," dit Hani Isawi, membre du Comité de Suivi d'Issawiya pendant un meeting organisé par les résidents le 24 novembre.
"D'une part nous souffrons parce que, comme le reste du peuple palestinien, nous vivons sous occupation israélienne, et en même temps, nous souffrons d'une politique très claire de discrimination de la part de la municipalité de Jérusalem," dit Isawi.
Récemment, les média israéliens ont rapporté qu'un groupe de jeunes Palestiniens avait caillassé la voiture d'Israéliens qui s'étaient perdu à Issawiya et qui demandaient leur chemin pour revenir à Jérusalem Ouest.
Dans ce que les habitants disent être une punition collective pour l'attaque, les autorités israéliennes ont bouclé les entrées et les sorties d'Issawiya. Aujourd'hui, il ne reste que deux entrées, dont une a été transformée en checkpoint contrôlé par l'armée israélienne qui provoque continuellement des retards pour les 15.000 habitants du quartier.
"Nous décourageons et nous critiquons très clairement ce genre d'actions, comme attaquer des civils," dit Isawi. "Mais les Israéliens s'en servent comme prétexte pour appliquer contre nous une politique très dure."
Les soldats israéliens et les forces de police ont arrêté au moins dix enfants de moins de 16 ans, et plus d'une vingtaine au-dessus de cet âge depuis octobre, selon le Comité de suivi d'Issawiya. Ils ont aussi systématiquement noyé le quartier dans les gaz lacrymogènes pendant les affrontements avec des groupes de jeunes Palestiniens, y compris peu de temps après la manifestation du 3 décembre.
Le 24 septembre, un petit Palestinien de 18 mois du quartier est mort de suffocation après que les forces israéliennes aient jeté des grenades lacrymogènes sur des manifestants protestant contre l'assassinat de Samer Sarhan, dans le quartier voisin de Silwan.
Pas de place pour s'étendre
A trois kilomètres des remparts de la Vieille Ville de Jérusalem, Issawiya est situé entre les colonies israéliennes de French Hill à l'ouest, et Maale Adumim – un des plus grands blocs de colonies israéliennes en Cisjordanie , avec plus de 34.000 colons – à l'est.
En 1968, l'Etat israélien a confisqué 400 des 3.000 dunams totaux (1 dunam = 1.000 m²) de terre à Issawiya pour construire la colonie French Hill, qui relie l'Université Hébraïque et l'hôpital Hadassah à Jérusalem Ouest.
En plus de la confiscation de la terre, Israël a aussi "réservé" 2.000 dunams d'Issawiya pour des "espaces verts", rendant illégale toute construction des habitants du village dans le secteur. Aujourd'hui, il ne reste aux résidents d'Issawiya que 600 dunams pour bâtir des maisons et autres structures.
"Nous rencontrons de très graves difficultés pour fournir le nombre de maisons qui correspond à la croissance naturelle de la population d'Issawiya," dit Hani Isawi. "Nous entendons sans arrêt aux informations que des milliers et des milliers de logements sont construits dans les quartiers juifs, depuis 1990 il n'y a pas eu un seul plan de zonage pour Issawiya qui nous autoriserait à construire davantage de maisons pour satisfaire nos besoins de croissance naturelle."
Ces dernières semaines, les forces israéliennes ont détruit des enclos pour animaux, des terres agricoles et d'autres structures dans le village.
"La police israélienne des frontières et autres fonctionnaires ont détruit douze fermes dans le secteur et déraciné des arbres," explique Sheikh Riad Isawi, du Comité de suivi d'Issawiya.
"Israël est probablement le seul endroit au monde qui autorise l'arrachage des arbres. Il n'y a pas que les êtres humains qui souffrent de l'occupation israélienne, les arbres et la nature aussi," dit-il.
L'ampleur des politiques destructrices d'Israël à Issawiya s'est révélée dès juillet de cette année, lorsque les forces israéliennes ont détruit des maisons et dévasté des terres agricoles en deux semaines.
"Nous avions construit un puits, ils l'ont détruit. Nous avions planté des arbres, ils les ont arrachés. Nous avions installé des barbelés autour de la zone pour que les animaux sauvages n'y entrent pas, ils les ont enlevés," disait Abid Darwish, un habitant d'Issawiya en juillet dernier, tandis qu'il regardait la destruction en cours de sa terre.
"Avec tout ça, nous n'avons même plus de place pour nous asseoir simplement et respirer. Cette terre est pour les familles d'ici, à Issawiya : les familles Darwish, Mustafa, Alayyan, Abu Hommos et beaucoup d'autres," ajouta-t-il.
Depuis juillet, 440 arbres ont été déracinés, et au moins 16 structures ont été démolies à Issawiya.
L'annexion continue
E1, le projet de colonie actuellement au point mort qui a été proposé en 1994, annexerait 12.100 autres dunams de terre à Issawiya et dans les villages voisins de al-Izzariya et al-Tur. Le bloc de colonies E1 comprendrait 3.500 logements – pour environ 14.500 nouveaux colons – et consoliderait Maale Adumim en le reliant à Jérusalem Ouest, selon l'Institut de recherche appliqué de Jérusalem (ARIJ).
A ce jour, les autorités israéliennes ont construit un poste de police et une base militaire dans le secteur et ont goudronné quelques routes, installé des checkpoints et autres infrastructures pour préparer l'avancement du projet.
"Toute connexion entre Maale Adumim et Jérusalem Ouest se fera aux dépens d'Issawiya," dit Hani Isawi. "Le but de ces mesures est d'accentuer la pression sur les habitants d'Issawiya, et aussi de faciliter la future confiscation de davantage de terres dans notre secteur."
Pourtant, selon Isawi, que le projet de colonie E1 aille de l'avant ou non, il faut absolument rester à Issawiya malgré la pression israélienne acharnée.
"Notre lutte contre les autorités israéliennes s'exprime par notre détermination à rester ici, dans notre village, contre tous les plans de confiscation," dit-il. "Nous resterons ici. Nous ferons toujours partie du peuple palestinien."
Source : Electronic Initifada
Traduction : MR pour ISM
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Jillian Kestler-D'Amours
14 décembre 2010