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Egypte -

Le terminal de Rafah demeure une porte de prison pour de nombreux Palestiniens de Gaza

Par

Rami Almeghari est journaliste et Maître de conférences, basé dans la Bande de Gaza. Son témoignage a été publié le 7 décembre 2012 sur The Electronic Intifada

« Je suis en route vers la maison », dis-je à ma femme au téléphone alors que le bus me ramenait du terminal égyptien de Rafah, poste-frontière avec Gaza. « Quoi ? » répondit-elle, surprise, « mais je pensais que tu étais déjà entré en Egypte. Il est presque 17 heures ! Que se passe-t-il ?”
Je suis parti tôt, jeudi matin, de notre maison située dans le camp de réfugiés de Maghazi, au centre de Gaza, en emportant le dossier médical de ma femme, dont les résultats de sa dernière IRM. Ma destination était Le Caire où j’avais l’intention de montrer les derniers clichés de ma femme à ses médecins afin qu’ils décident de la suite de son traitement pour un cancer chronique.

Le terminal de Rafah demeure une porte de prison pour de nombreux Palestiniens de Gaza

Des Palestiniens attendent au terminal frontalier de Rafah pour aller de Gaza en Egypte (Eyad al-Baba/APA images)
Ces dernières années, nous avons fait plusieurs fois ce voyage difficile de Gaza au Caire à cause de son traitement, mais cette fois, j’y allais seul afin de lui épargner – ainsi qu’à nos enfants – cette épreuve. Je serai revenu et je l’y aurai emmené ultérieurement si les médecins en avaient exprimé la nécessité.

Pendant ce que je pensais être une visite de quelques jours dans la capitale égyptienne, je comptais également renouveler mon accréditation de presse, étant donné que ma carte officielle égyptienne de presse expire à la fin du mois.

Pas sans ma femme

Je suis arrivé au terminal frontalier de Rafah vers 10 heures et demie, comme des dizaines d’autres voyageurs, et ai commencé à remplir les formulaires d’enregistrement. J’ai écrit que je voulais traverser la frontière pour raison médicale et autres motifs.

Après avoir attendu quelques heures, un officier en poste à la frontière a appelé mon nom ; et il devint évident que je pouvais être questionné par un agent de la "Sécurité Nationale" égyptienne, anciennement "Sécurité d’Etat", sous l’ancien régime.

« Pourquoi allez-vous en Egypte ? », demanda l’officier. J’expliquais mes raisons et lui montrais tous les documents que j’avais avec moi.

« Je ne peux pas vous laisser passer sans que votre femme soit avec vous », dit-il.

« Elle attend à la maison les recommandations des médecins, et nous ne pouvons pas laisser nos quatre enfants seuls, comme ça, maintenant », répondis-je.
Il ne fut pas convaincu et m’adressa vers un bureau voisin où des agents du renseignement effectuaient des contrôles.

Un autre officier prit mon passeport, me demanda de m’asseoir et d’attendre. J’attendais donc, rempli d’inquiétude, en me demandant si je serais autorisé à passer, ou renvoyé vers Gaza.

Des restrictions pour les hommes palestiniens

Les hommes palestiniens de Gaza sont autorisés à entrer en Egypte, sans soi-disant "coordination" – bureaucratie et autorisations chronophages – à condition qu’ils soient âgés de plus de 40 ans. J’ai 39 ans.

Ce fut une des mesures prises pour "alléger" le blocus de Gaza, suite à la révolution égyptienne du 25 janvier 2011.

Ironiquement, c’est la même condition que celle imposée par Israël aux hommes palestiniens de Cisjordanie occupée qui souhaitent se rendre à Jérusalem pour prier à la mosquée Al-Aqsa.

Mais bien que mon âge soit en-dessous du nombre magique, j’ai eu régulièrement l’occasion de faire des allers-retours avec l’Egypte.

Toujours assis et perdu dans mes pensées, j’entendis soudain l’officier des renseignements appeler mon nom ; je sautais sur mes pieds avec l’espoir que j’allais être autorisé à passer.

Je le suivis dans une pièce où se trouvait un autre agent, un officier supérieur. L’officier supérieur me posa les mêmes questions, et je lui donnai les mêmes réponses.

« Veuillez attendre dans le hall », me dit-il.

Attendre, espérer, et fumer

Même après toutes ces longues heures d’attente, le fait que l’on me demande de m’asseoir et d’attendre à nouveau me laissait encore de l’espoir.

Vers 16 heures, personne n’avait appelé mon nom, alors que de nombreux autres voyageurs avaient vu leurs passeports tamponnés et avaient été autorisés à quitter le hall, en route vers l’Egypte.

Finalement, après avoir fumé le double de ma consommation habituelle de cigarettes, et consommé uniquement une bouteille de jus de fruits de toute la journée, mon nom fut appelé par un policier tenant une grosse liasse de passeports dans ses mains.

« Oui, Monsieur », répondis-je.

« Prenez vos sacs et attendez là », m’ordonna-t-il.

Mon cœur se serra. Je réalisai qu’il était beaucoup plus probable que je sois renvoyé, étant donné que l’on m’avait demandé d’attendre, avec de nombreuses autres personnes, à côté du portail menant côté Gaza de la frontière.

Ne pas abandonner

Je posai mes bagages sur le sol et demandai au policier de me laisser revoir l’officier supérieur.

« Je me demande pourquoi vous ne me laissez pas passer. S’il vous plait, regardez mon passeport, vous voyez que j’ai même obtenu un permis de résidence temporaire dans votre pays en mai dernier, et s’il n’a jamais été validé, c’est parce que j’ai dû quitter l’Egypte avant que la procédure puisse être finalisée, parce que je devais rentrer à Gaza pour des raisons importantes. »

Je fis remarquer que mon passeport était plein de visas égyptiens. Je leur lis les mots inscrits sur ma carte égyptienne de presse : "Veuillez procurer toute forme d’assistance dont aurait besoin le détenteur de cette carte".

Je dus bien parler, car l’un des deux officiers me félicita et me dit : « Vous êtes un journaliste et un orateur éloquents. »

Mais les mots ne suffirent pas.

Refoulé

Finalement, je retournai voir le premier officier qui avait semblé serviable au tout début. Mais maintenant, le ton de sa voix avait changé et il hurlait à ses subordonnés, « Faites venir les agents de la sécurité ! »

J’arrêtai de parler à ce moment précis, pris mes bagages et sortis en direction du bus qui allait nous ramener vers Gaza.

Ce jour-là, les autorités égyptiennes en poste au terminal de Rafah ont renvoyé 38 Gazaouis, dont moi.

Pendant que nous étions à bord du bus, certains des passagers rejetés se mirent à parler. L’un dit qu’il avait payé 400$ au bureau de la coordination basée à Gaza afin de traverser, et se demandait pourquoi il avait été renvoyé. Un autre homme, âgé d’une bonne vingtaine d’années, dit : « J’ai fait les démarches de coordination nécessaires et j’ai une lettre d’invitation pour une conférence en Turquie. »

Un troisième, âgé de 21 ans et originaire de la ville de Rafah dans la Bande de Gaza, ne parvenait pas à retenir ses larmes : « Pourquoi m’ont-il renvoyé ? Je voulais voir mon oncle malade, juste là du côté égyptien de Rafah. Il est seul et a besoin d’aide en urgence. »

Cela fait deux ans que les "révolutions" arabes ont commencé, et les changements en Egypte ont apporté beaucoup d’espoir au peuple de Gaza. Mais pour tant de personnes qui attendent à Rafah, il est frustrant de constater que la situation reste la même.


Source : Electronic Intifada

Traduction : CR pour ISM

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