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Bethléem - 16 mai 2007
Par Cara Loverock
Dans le village palestinien d'Husan, Mahmoud, comme tellement d'autres fermiers de Cisjordanie, doit quotidiennement relever le défi que représente la possession d'une terre proche d'une colonie, avec le harcèlement, la destruction et les abus que cela entraîne, sans aucune aide en vue.
Mahmoud vit dans le village d'Husan, près de Bethléem, dans la partie sud de la Cisjordanie , avec sa femme et leurs six enfants, trois filles et trois garçons. Mahmoud et sa famille travaillent leur terre, ce qui est devenu de plus en plus difficile au fil des années.
La propriété familiale est située dans une zone adjacente au village d'Husan, dans ce qui est maintenant la colonie illégale israélienne de Betar Illit. Les tentatives des colons de détruire leur terre rendent la vie de Mahmoud et de sa famille très dure : "Les gens de la colonie viennent couper nos arbres, abîmer nos murets de pierre."
Récemment, les colons ont mis le feu à la terre, non seulement pour causer des dégâts mais maintenant Mahmoud est condamné à payer pour que le feu soit éteint. "
Au début, ils nous ont demandé 40.000 shekels (7.460€) ", explique Mahmoud. Il raconte qu'après de nombreux rendez-vous avec des officiels, la somme a été réduite. "Nous avons réussi à la faire diminuer de 40.000 à 14.000 shekels (2.610€) ".
Bien que l'incendie ait été allumé par les colons de Betar Illit et éteint par les pompiers israéliens, sans les avoir appelés, c'est la famille de Mahmoud qui se retrouve avec la facture. "Les fils mettent le feu et les pères viennent l'éteindre et ils veulent que ce soit nous qui payons", dit-il.
Il exprime toute sa frustration que ce soit lui et sa famille qui doivent payer pour le harcèlement et les mauvais traitements qu'on leur inflige sans raison, en plus de la malchance d'avoir sa terre près d'une colonie. Betar Illit a été construite sur une terre confisquée en partie à la famille de Mahmoud et en partie au village de Nahalin, village très proche d'Husan et situé entre trois importantes colonies israéliennes.
Alors que Mahmoud se promène sur son modeste lopin de terre, il tombe sur un gros tas de broussailles juste de l'autre côté du grillage qui sépare sa terre de Betar Illit.
Il m'explique qu'il en trouve souvent, parce que les colons utilisent régulièrement ces matériaux pour mettre le feu à sa terre : "Ils empilent les branchages et les mettent là. Ils en rassemblent beaucoup, du bois, tout ce qui peut brûler et le mettent là. Quand le tas sera encore plus gros, ils y mettront le feu, et le feu se propagera partout."
Les colons ne mettent pas le feu près de leurs maisons, mais à cause du grillage qui sépare la colonie de la propriété de Mahmoud, ils ne peuvent pas passer sur sa terre. Lorsque je lui demande si les incendies arrivent souvent, il m'explique que c'est assez régulier. "Tous les quatre ou cinq mois, juste chez nous, dans notre champ".
Quand je lui demande ce qu'il peut faire pour arrêter ces destructions, Mahmoud répond simplement : "Nous ne pouvons rien faire". Il dit qu'ils peuvent porter plainte auprès des autorités israéliennes, mais il a appris récemment que le tribunal l'a débouté sur un dossier qui donnait tous les détails des violations commises par les colons contre la terre familiale. "
C'était il y a exactement deux jours, on nous a appris que notre dossier était clôturé et qu'ils ne feront rien."
"Les colons viennent tout le temps avec leurs ordures et les jettent sur notre terre", dit Mahmoud. Lorsqu'on jette un coup d'œil, c'est clair que les colons ont un mépris total pour la famille arabe qui essaie de vivre ici.
Des détritus jonchent la propriété : un pneu, un four rouillé, un matelas, une poussette, parmi d'autres. Il a dû tailler beaucoup de ses arbres pour les sauver après qu'ils aient été attaqué à la hâche par les colons.
Il montre une grille qui a été coupée et réparée de nombreuses fois : "Ils l'ont coupée plus de cinq fois, et nous avons dû la réparer. Ils l'avaient mise par terre, et nous l'avons redressée avec des piquets de métal pour la consolider."
Un peu plus loin, un autre morceau du grillage est complètement détruit, par terre.
Voir toutes ses destructions est vraiment accablant, et Mahmoud essaie d'expliquer sa frustration. "Nous n'avons pas assez de force, je crois".
Lorsque je lui demande si la production de sa terre s'en ressent, il semble gêné par l'évidence de la réponse. "Bien sûr qu'elle produit moins, bien sûr… Il faut que vous sachiez quelque chose… presque tous les arbres coupés sont des oliviers.
Les oliviers nous permettront de faire de l'huile dans deux ans, une fois. Ce que je veux dire, c'est que nous devons travailler beaucoup plus que ce qui serait normalement nécessaire, et que ce travail ne donne pas le pain que nous mangeons."
Alors que Mahmoud continue à marcher au milieu des arbres, un groupe de jeunes gens sont un peu plus loin, ses neveux et cousins travaillent dur, en ce matin printanier nuageux. A l'endroit où ils travaillent, il y a un grand pylône électrique.
Mahmoud dit qu'il fournit le courant à la colonie et qu'on n'a demandé la permission ni à lui, ni à sa famille, lorsqu'elle a été construite. "Quand ils arrivent, ce n'est pas à pied…. C'est avec des bulldozers et des tracteurs".
Betar Illit a été construit en 1984 et les colons ont semé la perturbation sur la terre de Mahmoud depuis le début, mais c'est particulièrement dur depuis ces cinq ou six dernières années, depuis la 2ème Intifada. "
Vous savez, à cause de l'Intifada, ils ne nous autorisent pas à aller dans nos champs quand nous voulons", dit Mahmoud. Il nous explique que durant l'Intifada, les autorités israéliennes ont durci les règles et n'autorisent pas Mahmoud à aller sur sa terre très souvent, ce qui cause des dommages à l'agriculture car il n'est pas là pour s'occuper et protéger les cultures.
"Nous faisons notre travail, juste notre travail. Ils ont peur à cause de l'Intifada, ils ne nous laissent pas venir quand nous voulons. Et à cause de ça, parce que nous ne sommes pas dans nos champs, les colons viennent sans arrêt et font ce qu'ils veulent."
Juste en face de la propriété de Mahmoud, il y a un endroit qui ressemble à une zone de construction, avec des bulldozers et des bâtiments qui ressemblent à des garages. Il dit qu'avant, ils appartenaient à son cousin, mais ils ont été confisqués parce qu'il était malade et que la terre n'était pas cultivée. "
Bien sûr, nous avons essayé de la récupérer mais les réponses étaient toujours les mêmes, que notre terre était très bonne, et du coup, ils l'ont appelée "terre appartenant au gouvernement" et ont dit qu'elle était à eux.
Ma terre est bonne et avec les arbres et les murets de pierre, ils voient que quelqu'un s'en occupe, ils savent qu'elle appartient à quelqu'un, et ils ne nous la prennent pas", dit Mahmoud.
Pourtant, il explique que le gouvernement israélien a essayé au début de l'acheter. "Au début, ils ont essayé de la prendre. Ils ont essayé… mais si nous avons les arbres, nous avons tout et nous avons refusé. Ils nous ont demandé si nous voulions la vendre. Bien sûr qu'il n'en était pas question."
La famille possède un deuxième lopin pas très loin du premier, mais ils ne peuvent plus y accéder, explique Mahmoud, parce que la petite route qui y mène est tellement abîmée qu'ils ne peuvent plus passer. "Ils détruisent tout, en particulier depuis trois ou quatre ans. Ils arrivent avec un bulldozer, avec leurs détritus et en mettent partout", dit-il.
Avant de quitter l'endroit, Mahmoud pose sa petite fille par terre et s'approche d'un arbre qui n'a pas encore été attaqué. Il revient avec une poignée d'amandes et les donne à sa fille qui éclate de rire.
Elle est heureuse, trop jeune pour comprendre les dommages autour d'elle ou la menace qui pèse sur la terre de sa famille et sur son avenir.
Voir les photos du reportage
Source : ISM
Traduction : MR pour ISM
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