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Ramallah - 29 octobre 2008
Par Cherrie Heywood
Les soldats israéliens ont tiré et tué trois jeunes palestiniens dans le district de Ramallah au centre de la Cisjordanie la semaine dernière. L'armée israélienne a déclaré que les palestiniens étaient sur le point de jeter des cocktails Molotov sur les soldats et les colons dans la colonie de Bet El.
Mais les circonstances dans lesquelles on a tiré sur les jeunes hommes, si réellement ils ont jeté ou tenté de jeter des bombes, et s’ils ont réellement menacé la vie d'un soldat ou d’un colon, ont été mises en doute.
IPS a visité la zone où deux des meurtres ont eu lieu dans le camp de réfugiés palestinien de Jalazone, au nord de Ramallah. Les familles des défunts ont donné une version des évènements complètement différente de celle de l'armée, et ont accusé les Israéliens de meurtre prémédité.
Le négociateur en chef palestinien, Saeb Erekat, a condamné «les cruelles tactiques militaires israéliennes qui sapent les efforts de l'Autorité Palestinienne pour établir la loi et l'ordre».
Selon les investigations des médias, un porte -parole de l'armée a dit que les soldats israéliens ont tendu une embuscade en réponse à une série d'incidents de jets de pierres et de cocktails Molotov qui ont visé les véhicules des colons israéliens les semaines passées.
Le porte-parole a ajouté que les soldats «supposaient que les défunts étaient en train de préparer des cocktails Molotov quand ils leur ont tiré dessus».
Aziz Yousef, 21 ans, du village de Kufr Malik près de Ramallah a été visé à la tête mardi. Le mercredi, un habitant de Jalazone, Muhammad Ramahi, 21 ans, mourait de ses blessures à la suite d'une échauffourée avec les troupes israéliennes dans le camp de réfugiés.
L'affrontement de mercredi entre des manifestants palestiniens et des soldats israéliens a eu lieu après les funérailles d'un autre habitant de Jalazone, Abdel Qader al-Zaid, 17 ans, qui avait été tué par les soldats le jour précédent.
Depuis la maison à deux étages des Ramahi, la vue sur la route qui sépare le camp de Jalazone de la colonie israélienne de Bet El située à environ 400 mètres, était dégagée. Seuls les motocyclistes palestiniens utilisent cette route. Une route séparée pour l'usage exclusif des colons israéliens longe l'autre côté de Bet El.
La colonie est située sur le sommet d'une colline escarpée. La plupart des colonies israéliennes, pour des raisons de sécurité, sont construites sur des zones en hauteur qui donnent sur les villes et villages palestiniens situées en bas dans les vallées.
Entourant la colonie de Bet El, il y a un mur de 12 mètres de haut surmonté de barbelés tranchants électrifiés. La plupart des maisons de la colonie sont positionnées bien au-delà du mur, avec aussi des lampadaires au faisceau puissant à intervalles réguliers.
Gardant la colonie il y a une tour de guet militaire israélienne de 15 mètres de haut depuis laquelle des snipers armés de fusils automatiques et d'un projecteur observent le camp et la vallée en bas à travers une vitre à l'épreuve des balles. Un tank israélien est garé près du poste d'observation.
La loi interdit aux Palestiniens d'approcher du champ de mines de 400 mètres qui sépare le camp de la colonie. Quiconque le fait est tué.
Ayman Ramahi, l'oncle de Muhammad et professeur du second degré à l'école de garçons de Jalazone dirigée par les Nations-Unies a dit que son neveu devait se marier sous peu.
«Il était excité au sujet de sa nouvelle vie avec son épouse après que sa famille ait accepté de faire un emprunt à la banque pour financer le mariage» a dit Ramahi à IPS. «Il n'était pas du tout impliqué dans la politique et était non violent par nature. Il était simplement en train d'essayer d’éloigner les plus jeunes garçons des soldats israéliens. Les garçons avaient commencé à jeter des pierres sur les soldats après leur entrée dans le camp pour briser la manifestation.»
«C'est toujours comme ça que commencent les confrontations. Il me semble que les soldats sont délibérément entrés ici pour provoquer des affrontements.»
Muhammad est mort plusieurs heures après dans un hôpital de Ramallah après que son foie, ses reins et son aorte soient déchiquetés par une balle.
Ikhtikhaar, 36 ans, mère d’Abdul kader al-Zaid, a dit que son fils avait fait une pause de deux heures dans ses études afin d’aller acheter du pain pour la famille et pour pratiquer la dabke, la danse arabe traditionnelle, avec ses amis.
«C’était un passionné de sport qui avait toute la vie devant lui, et qui avait prévu de faire des études d'ingénierie électrique à l'université» a-t-elle dit à IPS.
«Il a été tué au bord du camp. Son corps a été ensuite été transporté à 200 mètres du camp en direction de la colonie par les colons» a dit son frère Iyad qui a été témoin de l'incident.
«Les soldats ont empêché, sous la menace des armes, les membres de la famille et une ambulance de rejoindre mon frère. Son corps est resté là quatre heures surveillé par les soldats avant qu'il soit enfin rendu à la famille,» a dit Iyad.
Manaf Abbas, un travailleur de terrain de l'organisation palestinienne pour les droits de l'Homme Al-Haq, qui a enquêté sur les tirs a dit «qu'il aurait été extrêmement difficile pour les jeunes de traverser les 400 mètres à travers un champ de mines sans être aperçus. Les soldats ont des jumelles et un télescope et la zone est incroyablement bien éclairée.»
«Et pour jeter une bombe à des centaines de mètres de là, passer par-dessus un haut mur et réussir son coup soit sur une maison de colons soit sur un soldat dans la tourelle, c'est impossible».
La famille et les amis qui ont été témoins des évènements ont insisté sur le fait que les jeunes ont été tués dans les limites du camp, et non près de la colonie.
L'organisation israélienne pour les droits de l'Homme B'Tselem a expliqué dans son rapport de 2002, «Les règles d'ouverture du feu dans les territoires occupés : la gâchette facile», que l'armée israélienne a changé sa politique de tirer pour tuer, juste après le début de la seconde intifada en 2000.
Avant cela, les soldats n’étaient autorisés à tirer à balles réelles que lorsque la vie humaine était en péril, ou si un dangereux suspect essayait de s'échapper ; et cela seulement en dernier ressort.
A la suite de l'insurrection, que l'armée israélienne a qualifiée de «conflit armé en manque de guerre», les actes ordinaires de maintien de l'ordre tels que disperser des manifestations et procéder à des arrestations ont été alors élargis pour cadrer avec le terme «menace pour la vie»
«Les nouvelles réglementations permettent, entre autres, de tirer dans les jambes des jeteurs de pierres, et aux tireurs d’élite de tirer depuis une embuscade. Dans certaines zones, la procédure d'arrestation des suspects est annulée, et les soldats ont l'autorisation de faire feu sans sommations sur les suspects palestiniens,» a dit l'association.
B'Tselem dit que ce changement de politique est contraire au droit international, et qu’en plus l'armée israélienne est responsable du bien-être de la population civile selon le droit international.
Cependant, un porte-parole de l'armée a dit que les militaires israéliens continueraient à «renforcer leur présence secrète» de façon à déjouer davantage d'incidents de jets de pierre.
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