Naplouse - 5 janvier 2005

Passage à l’année 2005 : Incursion à Naplouse

Par M

Il est à peu près minuit la veille du nouvel an à Naplouse.
Il y a une série de détonations et de fortes explosions.
Mais aucun klaxon, aucune embrassade ou confetti;
Il s’agit seulement de 7 jeeps des Forces de l’Occupation Israélienne qui lancent des bombes assourdissantes à l'entrée de la vieille ville; je ne sais pas si il y a eu des tirs d’armes à feu ou non.

Puis, le jour de nouvel an dans le camp de Balata : 2 jeeps blindées arrivent vers 18h45. C’est difficile de décrire cela sans carte comme aide visuelle, mais j'essayerai. Le camp s’étend le long de de 3 routes parallèles principales avec quelques carrefours et, entre ces routes, un labyrinthe de ruelles étroites.

Donc, la jeep n°1 est au milieu de la route; les combattants de le résistance sont aussi dehors; nous nous frayons un chemin parmi les ruelles entre la route au nord et la route au milieu pour tenter de trouver un endroit à l’écart des combattants mais d’où nous pouvons voir ce que se passe. Nous tournons et tournons tellement que je suis complètement désorienté et je serais perdu sans guide.


La jeep lance quelques gaz lacrymogène et bombes assourdissantes. Il n'y a pas de bon endroit pour nous; nous tournons et revenons sur nos pas, beaucoup d'autres personnes font plus ou moins la même chose que nous.

La jeep n° 2 prend la route au nord et se dirige vers le nord au-delà de l'entrée, juste au moment où nous apparaissons à cet endroit Les shebab ont installé rapidement une barricade en travers de l'entrée et ont allumé un feu devant.

Nous partons furtivement par cette entrée et nous trouvons une position intéressante juste à l’extérieur du camp, sous la tente d'un magasin de l’autre côté de la route.


La jeep n° 2 attend sur notre gauche à l’extérieur du camp, au delà de la route nord, à courte distance de l'entrée d’où nous arrivons.

Encore des grenades assourdissantes et des insultes, outre le principal chant patriotique hurlé du haut-parleur de la jeep n° 2;
Encore du gaz lacrymogène de la jeep n° 1.
D’autres pierres de la résistance.


Pendant que jeep n°2 s'approche, l’un de nous crie, "Internationaux, ne tirez pas!" La réponse de la jeep est de foncer droit sur nous. On dirait qu’elle va nous heurter, elle pile pour s’arrêter à 1 mètre ou 2, et tire sur nous.
Il y a des gros morceaux de roches et de béton qui nous tombe dessus; nous reculons dans le magasin.

Quelques moments plus tard, la jeep part et tourne pour entrer dans le camp par un autre chemin, en évitant la barricade en feu. Nous faisons la même chose dans la direction opposée et nous montons sur le toit de notre appartement.

Maintenant jeep n° 2 est garée sur la route nord, derrière la barricade, en face de la Mosquée;

Aucun changement pour la jeep n° 1. Du gaz lacrimogène nous parvient.
Deux toits plus loin, des jeunes hommes et des jeunes garçons bombardent la jeep en dessous avec tout ce qu’ils peuvent trouver : des cailloux, du béton, du verre, etc...
L’un d'eux vient vers nous et nous crie très poliment: Y a-t-il des pierres sur notre toit que nous pourrions leur jeter pour qu’ils les utilisent ?

Heureusement pour moi, il n'y en avait pas; Cela m'a épargné un dilemme moral parce qu'à ce moment j'ai souhaité de tout mon coeur que je pourrais leur envoyer quelques pierres.

En fait à ce moment-là, j’ai pensé que j’aurais pu sauter sur leur toit (trop loin) et que j’aurais pu aller moi-même les jeter bien que je sache que j’aurais été expulser de l’ISM,

A ce moment-là, au fond de mon cœur, je ne pouvais pas admettre qu’agir ainsi, c’est-à dire résister à une jeep militaire blindée avec des M16 sortant des vitres, en jetant des cailloux d'en haut, même des grosses pierres effrayantes, quand la maison de quelqu’un a été envahie pour la provocation agressive d'un adolescent, était un acte violent. (de toute façon, je n'ai fait rien...)

Finalement les jeeps se sont retirées, et les ambulances qui sont toujours à proximité dans de telles situations conduisent à vitesse normale autour du secteur pour s'assurer que tout va bien; ce qui est généralement le signe que tout est presque terminé pour l’instant.

Nous descendons pour nous assurer que nos amis sont sains et saufs; la rue est couverte de débris suite au bombardement depuis le toit. l'activité reprend lentement.

C’est très important de se rappeler que c'est juste une autre nuit à Balata, pas quelque chose sortant de l'ordinaire et je ressens une immense frustration parce qu'il n'y a rien du tout que nous puissions faire pour cela.

Est-ce assez d’être seulement là ? D’être témoin et d'expérimenter, et de ne rien faire ? Est-ce que raconter ce que nous voyons est mieux que de ne rien faire du tout?
Je l'espère parce que c'est tout que je peux faire en ce moment.

J’espère que 2005 apportera la justice qui est nécessaire à la Paix

Source : www.palsolidarity.org