Naplouse - 19 novembre 2005

Qu'y a-t'il de si spécial à Naplouse ?

Par Henry

Je viens juste de faire le voyage Naplouse-Ramallah, qui, lors d'un bon jour; n'est qu'à une heure ou une heure et demi de voiture.
Naturellement, un mauvais jour, qui sait, cela peut vous prendre toute la journée, ou pire; la difficulté est de passer les checkpoints qui se trouvent sur la route, en particulier le checkpoint d'Huwwara, juste à l'extérieur de Naplouse.
Le checkpoint est une collection de barres, de cages, de barrières en béton, d'un toit fait de bric et de broc et des zones pour arrêter les voitures et les autobus.

Quand je suis arrivé à Naplouse il y a une semaine, c'était un jour pluvieux pas très agréable, ce qui était probablement l'une des raisons pour laquelle les soldats criaient sur les Palestiniens qui essayaient de quitter Naplouse; c'était une scène vraiment pas très jolie.

Une fois, un Israélien m'avait dit que, dans l'armée, ils apprenaient ce qu'ils appellent "oppresseur d'Arabe"c'est à dire crier divers ordres : levez-vous, arrêtez, tournez, ouvrez la porte, etc...

Vraiment, à quoi peut-on s'attendre quand on donne une arme à un(e) gosse de 18-20 ans et qu'on lui fait passer ses années à venir à détenir le pouvoir de vie et de mort sur d'autres personnes dont il/elle ne sait pas grand-chose ?

Sur notre chemin du retour vers Ramallah, nous sommes passés par Huwarra, avec un minimum de commentaires de la part des soldats.
Un jour, une Irlandaise avec qui je voyageais s'est vue demander sur un checkpoint : Etes-vous d'Irlande? Buvez-vous de la bière?

Quoi qu'il en soit, nous avons pris une camionnette et un Palestinien nous a rejoints, et nous sommes partis... jusqu'à ce que nous ayons atteint le prochain checkpoint, au village de Zaatara.

Là, le conducteur de la camionnette a nerveusement rassemblé nos passeports et les a apportés au soldat, est revenu en courrant et a ensuite approché la camionette près du checkpoint. Le soldat a alors remarqué qu'il y avait un Palestinien dans le van et que ses papiers d'identité n'étaient pas avec les passeports qui lui avaient été apportés.

Il lui a demandé : "Pourquoi vousn'avez-vous pas donné vos papiers d'identité, pourquoi ?" sur un ton très bourru et condescendant (pour ne pas dire plus).

L'enfer, ce gosse n'avait pas plus de 21 ans, dont l'accent faisait penser qu'il était Russe, et il parlait à cet homme qui était à l'évidence d'âge moyen comme s'il s'adressait à un enfant stupide; mais, le Palestinien a répondu calmement, intelligemment, et dans bien meilleur anglais : "Vous ne lui avez pas demandé, vous avez seulement demandé les passeports, si vous voulez mes papiers d'identité, vous pouvez les demander et je vous les donnerai."

Voyant qu'il ne l'intimidait pas et probablement un peu énervé par la présence de 6 internationaux qui sortaient de Naplouse, il s'est alors tourné vers nous, bon, vers moi puisque j'étais le plus proche.

Il m'a demandé : "D'où venez-vous ?" et j'a répondu : "de Naplouse" (une chose que vous apprenez rapidement, il faut faire des réponses courtes et simples, pas besoin d'entrer dans les détails!).

Il a alors dit : "Qu'y a-t'il de si spécial à Naplouse ?" sur un ton vraiment condescendant.
Alors, j'ai répondu : "Hé bien, c'est une ville ancienne."


Maintenant, ceux qui connaissent bien Naplouse savent que c'est vrai, c'est une vieille ville; mais c'est aussi une plaisanterie, parce que le nom Arabe de Naplouse vient du nom Romain de la ville, Neopolis, qui signifie réellement "Nouvelle Ville."

Mais bien sûr quand il a dit cela, son attitude signifiait : "Pourquoi êtes-vous allés là-bas, qu'est ce qu'il y a de si spécial dans ce ghetto?"
Mais, sans plus d'agitation et après avoir dit que nous allions à Jérusalem, nous avons pû partir.


Après avoir déchargé sa colère et maudit le soldat, le Palestinien, qui était sur le siège avant s'est tourné vers nous et a dit : "Qu'y a-t'il donc de si spécial à Naplouse ?"

Naturellement nous avons ri, et il s'est présenté : son nom est Khaled et il dirige un restaurant à Abu Dis. Il nous a alors dit qu'il revenait de sa première visite à Naplouse en 5 ans.

Son ami de Naplouse ne peut pas venir à Abu Dis, et il n'avait pas pû aller à Naplouse ces dernières années.

C'est une histoire ordinaire dans l'ensemble de la Palestine, puisque la "matrice de contrêle" de l'armée et des colons israéliens, selon les termes de Jeff Halper (ICAHD), découpe le territoire en cantons et limite la capacité des Palestiniens à voyager d'un endroit à un autre.

Et bien sûr, c'est un processus qui n'a pas commencé il y a un an, ni même quelques années, mais pendant la période de "Paix."

Bien que les colonies aient commencé peu après la guerre de 1967 et se soient considérablement développées à partir de la fin des années 70, rien n'est comparable à l'expansion des colonies et de l'infrastructure des colonies (routes, murs, etc..) de l'ère d'Oslo; c'est à ce moment où le projet de séparation ethnique et nationale a commencé et qu'il est devenu manifeste sur le terrain et ne s'est pas arrêté depuis.

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MG pour ISM