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Bilin - 22 avril 2007
Par Martinez
"Merci aux medias présents ici de dire la vérité…Portez cette vérité dans tous les pays d'où vous venez !"
C'étaient les paroles de Mairead Corrigan Maguire, une lauréate nord-irlandaise du Prix Nobel de la Paix, juste une heure avant d'être blessée par une balle de caoutchouc tirée par les Forces d'Occupation Israélienne.
Photo Martinez : "Tout ce que nous avons eu pour déjeuner, ce fût du gaz lacrymogène" (voir les autres photos de la manifestation)
"La Non-violence résoudra les problèmes ici en Israël et en Palestine," a ajouté Mme Maguire.
"Souvent, le monde ne voit que la violence. Mais les Palestiniens sont des gens biens qui travaillent pour la non-violence. Ce mur doit tomber ! Construire des Murs d'Apartheid au 21ème siècle est une insulte aux êtres humains et au monde! Plus de quarante ans d'occupation et de vol de terres.
Mme Maguire a demandé aux spectateurs du monde entier d'arrêter la "forme légère de dictature israélienne" et le "contrôle total du gouvernement israélien".
Le Dr. Barghouti l'a remerciée ainsi que les 500 participants à la Seconde Conférence Internationale de Bilin sur la Non Violence. Au sujet du Mur, il a déclaré qu'il "était un instrument du nettoyage ethnique, tout comme ce qui s'est produit en 1948."
Barghouti a suggéré de lire le livre d'Ilan Pappe : "Le Nettoyage Ethique de la Palestine" afin d'avoir une explication claire.
Barghouti a ajouté que le Mur d'Apartheid était utilisé pour étouffer l'idée de la solution à deux Etats et d'un Etat palestinien indépendant.
En décrivant le Mur, Barghouti a indiqué qu'il faisait 850 kilomètres de long, ce qui représente trois fois la longueur de la Ligne Verte (la Ligne d'Armistice de 1967) et que le mur entoure et emprisonne les villes et les villages.
Il a mentionné Qalqilia, une ville de 46.000 habitants, qui est complètement entourée par le Mur d'Apartheid.
"Ce Mur est construit entre les Palestiniens. Il n'est pas construit entre Israël et la Palestine.
850,000 Palestiniens se retrouvent de l'autre côté du Mur. Il détruit les systèmes palestiniens sociaux, économiques, sanitaires et éducatifs."
'Il a été condamné par les plus hautes institutions juridiques, dont la Cour Internationale de Justice et il doit être démantelé !"
"Vous verrez ici aujourd'hui l'armée israélienne utiliser la violence."
Le Dr. Barghouti a rejoint Madame Maguire à Bilin, en tant que "symbole de la lutte non-violente des Palestiniens après 60 ans de dépossession et 40 ans d'occupation."
Il a également demandé la libération du journaliste Britannique de la BBC, Alan Johnson, "qui a tout fait pour dénoncer la vérité, un homme merveilleux qu'il connaît bien, un journaliste fantastique. Nous demandons sa liberté. Cela continue à nuire à l'image des Palestiniens."
Barghouti a terminé en disant qu'il n'y avait pas besoin de propagande : il faut juste montrer les images du Mur et des checkpoints qui parlent d'eux-mêmes.
Juste avant la fin de la conférence de presse, un camion de police à canon à eau a franchi l'ouverture dans le mur, en exigeant que tous les véhicules de presse quittent les lieux.
Bien au-delà du mur, Tito, un activiste portoricain attendait le signal.
Quand la conférence de presse a été terminée, il est monté au sommet de la tour de l'armée israélienne abritant la caméra de surveillance qui observe le village de Bil'in comme l'œil de la pyramide qui voit tout, enregistrant chaque mouvement des Palestiniens enfermés dans Bilin.
En criant : “Tito! Tito!,” les amis et les activistes ont pris des photos et un groupe de supporters est resté en bas de l'énorme tour. Les véhicules de l'armée se sont déployés pour tenter d'empêcher le grimpeur trop rapide de Porto-Rico.
Quand il est parvenu au sommet, les acclamations ont retenti et les couleurs rouge, vert, blanc et noir flottaient fièrement au dessus du magnifique village de Bilin.
Il a fallu cinq autres heures avant que Tito ne descende de la tour.
De l'autre côté du village, les prières du vendredi se terminaient à la mosquée et des centaines d'activistes solidaires palestiniens, israéliens et internationaux ont descendu la route pour se rendre jusqu'au Mur d'Apartheid.
Mais même avec la présence du Dr. Mustafa Barghouti et de la lauréate irlandaise du Prix Nobel de la Paix, les Forces d'Occupation Israélienne ont utilisé leur habituelle stratégie violente pour tenter de calmer la résistance.
Bloquant le chemin à environ 100 mètres du mur avec des soldats armés, les soldats ont commencé à tirer du gaz lacrymogène sur la foule d'environ 400 protestataires. Les manifestants se sont dispersés en couvrant leurs visages de bandanas et avec des tranches d'oignon pour diminuer l'effet des gaz suffocants. Mais la foule s'est regroupée et a continué son cortège non-violent en direction de la struture d'Apartheid.
Les Forces israéliennes ont laissé faire pendant un certain temps, mais alors que les manifestants approchaient de leur but, les occupants ont ajouté plus d'ingrédients à leur recette, cette fois en utilisant des balles en métal recouvert de caoutchouc.
Plusieurs groupes de manifestants dans différentes parties de l'oliveraie criaient en Arabe, en Espagnol, en Hébreu, en Anglais, et dansd'autres langues : "Ne tirez pas ! Nous sommes non-violents !"
Mais les gachettes des armes de l'occupant ont de toute façon tiré : les armes de la non violence devaient êtres démantelées.
Et à 10 mètres, la réalisatrice de film espagnole, Asusena Fernando, a été touchée à la jambe gauche par l'une de ces balles en métal recouvert de caoutchouc. Elle m'a dit : "Il m'a regardé dans les yeux. Je lui ai demandé de ne pas tirer mais il l'a fait de toute façon."
Quelques instants plus tard, Masid Abu Tamer, un journaliste israélo-palestinien de la télévision britannique Channel 2 a été touché à la tête par une balle de caoutchouc. Le Croissant Rouge palestinien l'a placé sur la civière et l'a évacué en ambulance.
"C'est la seconde fois en trois minutes qu'il est touché à la tête." a hurlé quelqu'un à côté de moi.
C'est illégal en vertu de la loi militaire israélienne de tirer des balles de caoutchouc à moins de 40 mètres de distance. Sinon, elles sont considérées colle mortelles.
En août dernier, Lymor Goldstein a été touché par une balle de caoutchouc tirée d'une distance de 10 mètres par un soldat israélien. La balle a pénétré dans son crâne et est entrée dans son cerveau. Heureusement, il est toujours là et au moment où j'écris, c'est lui l'avocat de Tito.
J'ai vu Tomas, un Danois, tomber à terre, Dawood, un Anglais a été touché à l'intérieur de la cuisse, près de l'aine, Ali, un Palestinien a été blessé à la jambe. Les boîtes métalliques de gaz lacrymogène répandaient partout leur fumée blanche.
Je suis sorti la rue pour trouver un groupe de 8 Palestiniens, Israéliens et internationaux, les mains levées en l'air et criant de ne pas tirer. En tant que médecin et en raison des tirs récents précédemment mentionnés, je suis resté à côté.
Soudain, Madame Corrigan Maguire, la laureate irlandaise du Prix Nobel de la Paix a été blessée à la jambe.
Deux autres secouristes l'ont portée pour la mettre en sécurité et l'armée a continué à tirer sur la foule non violente.
La résistance était étonnante. Les manifestants ont continué à se regrouper. Même Mme Maguire, après avoir été blessée, les yeux rouges et humides en raison du gaz lacrymogène, a rejoint la marche.
Par la suite, une réunion improvisée a eu lieu à l'hôtel de ville.
Habibi, un Palestinien de Jénine est monté sur un monticule de terre et a annoncé que nous allions avancer : "Nous avons besoin d'internationaux pour venir avec nous ! Nous allons passer de l'autre côté. Bougeons rapidement en groupe et nous y arriverons !"
De l'autre côté des lignes de l'armée, se tenaient le Dr. Barghouti, les manifestants sous Tito et d'autres activistes qui étaient harcelés par les soldats.
Alors nous avons foncé à travers les nuages de gaz lacrymogène, et nous avons atteint la colline en direction du Mur. Les soldats se sont abstenus de tirer du gaz lacrymogène puisque nous étions juste à côté. Le canon à eau s'est tourné vers ce nouveau groupe d'activistes sur la colline près des jeeps.
Les Forces d'Occupation ont commencé à pousser les activistes en menaçant de les arrêter. Les soldats brandissaient leurs matraques. Un jeune Palestinien a été frappé et évacué sur l'épaule de quelqu'un.
"Honte !" a crié un manifestant au soldat. "Est-ce comme cela que l'armée israélienne tellement morale traite les enfants palestiniens ?"
Les soldats ont tenté d'isoler les activistes mais ceux-ci se sont donnés le bras et ils sont devenus un groupe solide que l'armée ne pouvait pas dissocier.
Quand les soldats ont détourné leur attention sur un activiste isolé et l'ont attaqué, les activistes se sont séparés et ils se sont couchés sur lui pour le sauver des soldats.
Les soldats ont continué à tirer du gaz lacrymogène et des balles de caoutchouc sur l'arrière de la manifestation. Ceux qui nous ont vu, on tenté de nous rejoindre mais l'armée était déterminée à ne pas les laisser faire. Et Tito était toujours en haut de cette tour.
Quand un adolescent palestinien s'est évanoui après avoir inhalé du gaz lacrymogène, les manifestants ont appelé le Dr. Barghouti. Il est venu aider le garçon, il a vérifié son pouls, jeté de l'eau sur son visage et il l'a aidé à se mettre en sécurité.
D'autres manifestants ont été soignés de l'inhalation de gaz lacrymogène.
Trois internationaux ont été détenus, menottés et emmenés dans l'une des jeeps de l'armée. Un autre a été libéré par le groupe qui l'avait déjà fait sur la colline. Les soldats isolaient ces activistes dans un petit espace.
Je voyais les soldats chuchoter entre eux et il est devenu clair pour moi que le canon à eau était pointé directement sur les activistes. (Les canons à eau peuvent vous assommer et vous blesser gravement). Et les soldats se sont écartés comme s'ils ne voulaient pas être éclaboussés.
"Suivez les soldats !" a hurlé l'un des activistes. Le soldat dans la citerne à eau serait moins enclin à tirer sur les activistes s'ils étaient juste à côté des soldats. Le canon à eau n'a donc pas été utilisé parce que les activistes suivaient pas à pas des soldats, leurs bras bien bloqués dans ceux de leurs voisins.
Au bout d'un certain temps, un Palestinien du Comité d'organisation a pris un haut parleur pour annoncer qu'il fallait mettre fin à la manifestation. Il a négocié avec les soldats pour qu'ils ne tirent pas sur les activistes pendant le retrait.
Alors qu'ils partaient, ils ont déplacé les fils barbelés que les soldats avaient utilisé comme barrage routier. Les manifestants de l'autre côté de la route ont avancé en direction de ceux qui avaient franchi la ligne de soldats en scandant des slogans et les deux groupes se sont rejoints..
Après une décision rapide, l'ensemble du groupe est revenu vers les jeeps et les soldats et ils se sont immédiatement assis sur le sol.
A l'aide d'un puissant haut-parleur, quelqu'un a raconté l'histoire de Tito : un homme qui est venu de Porto Rico pour se tenir en solidarité avec les Palestiniens, monter en haut de la tour pour accrocher le symbole palestinien de l'indépendance et risquer l'arrestation et l'expulsion. La foule a répondu en scandant : "Tito ! Tito ! Tito !"
Puis les trois hommes qui avaient été arrêtés ont été libérés et ont rejoint les manifestants.
A ce moment-là, la Seconde Conférence Annuelle de Bilin sur la Non Violence s'est terminée. Les soldats sont partis par la porte dans le Mur d'Apartheid.
Les manifestants sont allés soigner leurs blessures et expulser la poudre de gaz lacrymogène de leurs nez et poumons.
D'autres, comme Ursula de Suisse, sont allés à l'hôpital parce qu'elle avait été touchée au ventre par une balle de caoutchouc.
Ana Maria, 63 ans, une avocate espagnole à la retraite, s'est aussi occupée de son ventre après avoir été blessée par une balle de caoutchouc.
Environ 25 personnes ont été soit blessées par les balles de caoutchouc, les matraques des soldats ou ont été soignées suite à l'inhalation de gaz lacrymogène.
Et Tito reste en prison. C'est la première fois que le commandant de l'armé utilise pour un international une pratique qui est normalement appliquée aux Palestiniens. Quand un Palestinien est arrêté, l'armée détient habituellement la personne pendant 96 heures avant de la présenter devant un juge. Le commandant peut alors prolonger une nouvelle fois ces 96 heures.
Habituellement, les Israéliens ou les internationaux qui sont arrêtés dans des situations semblables, sont habituellement libérés sous moins de 24 heures.
Lymor Goldstein, l'avocat de Tito, a déclaré que le tribunal pourrait l'expulser aujourd'hui puique Tito doit de toute façon quitter la Palestine ce dimanche.
La population de Bilin et leurs amis israéliens et internationaux reviendront vendredi prochain pour poursuivre leur lutte non violente contre le Mur d'Apartheid israélien et le vol de leurs terres.
Voir toutes les photos prises par Martinez pour l'ISM
Source : http://www.palsolidarity.org/
Traduction : MG pour ISM
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