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Gaza - 13 juillet 2009
Par Eva Bartlett
A parcourir le sentier sablonneux du quartier As-Samouni de Zeitoun, il est clair que peu de choses ont changé, rien ne s’est amélioré, six mois après les attaques israéliennes sur Gaza qui ont tué 48 membres de la famille Samouni dans une série de tirs et de bombardements israéliens visant les civils.
Um Talal (photo Eva Bartlett)
Un bulldozer a commencé à pousser de côté les empilements de maisons fracassées, tamisant, nettoyant les souvenirs de vie et de mort. Mais ces derniers demeurent, présents dans chaque bâtiment démoli, dans les allées entre les maisons, dans les terres rasées, dans l’absence pour les membres des familles.
Dans la maison de Mousa Samouni, les souvenirs de mort sont plus forts. Les graffiti des soldats israéliens n’ont pas été nettoyés ni masqués à la peinture, ils s’étalent sur les murs, insultant ceux qui passent par l’escalier et les pièces. Plusieurs des trous des attaques à la roquette ont été bouchés, d’autres béent.
Deux des tantes de Mousa, dont les maisons ont été détruites, vivent maintenant avec lui et ses frères et sœurs orphelins.
Mousa était à l’université lorsque je suis arrivée, dans l’après-midi. Mais la jeune Mona, une cousine qui a été sous les feux des médias pour son calme et sa maturité en dépit de son jeune âge, était là. Elle parle de réalités qu’aucun enfant ne devrait connaître. Et elle n’est pas la seule, en Palestine.
Sa grand-mère vit maintenant avec la famille. Um Talal, la mère de Talal, a trois martyrs dans sa famille proche. Elle revit sans cesse les jours de terreur, décrivant en détail ce qui s’est passé, qui était couvert de sang, qui appelait à l’aide, l’âge des enfants martyrs… C’est dans la maison à trois niveaux de Talal qu’environ 50 membres de la famille s’étaient regroupés, subissant une frappe de missile et des tirs avant d’être emmenés à la pointe des fusils israéliens dans le bâtiment Waed Samouni. C’était l’immeuble qui a été plusieurs fois bombardé ensuite, tuant et blessant des dizaines d’autres.
Après ma visite à la famille de Mousa, je suis allée voir la famille al-Helo. Sur mon chemin, le bruit des marteaux sur le ciment s’amplifiait. Un groupe de 5 jeunes garçons, de 12 ans et moins, était occupé à enlever de vielles pièces de mortier de blocs de ciment, pour pouvoir les réutiliser pour leurs maisons détruites. Ils travaillaient joyeusement, m’interpellant : “Daali, ashrub ahua,” “Viens boire un café”, m’a dit un d’entre eux dans un sourire. Ahmed était le plus sociable, mais tous les garçons étaient amicaux, accueillant, et semblaient heureux de travailler à quelque chose qui améliore leur condition de vie.
Ils ont commencé à discuter sur un journaliste qui était resté sur le secteur, et un photographe, se souvenant avec plaisir comment ils les avaient connus, puis me demandant de revenir souvent.
Je les ai laissés à leur travail de préparation et suis partie chez Shireen al-Helo. Sa maison est facile à trouver, même depuis un taxi qui va vite : les restes calcinés d’une voiture de livraison jouxtent toujours leur maison de ciment balafrée par les missiles.
Shireen et ses trois enfants étaient assis dans la cour, au rez-de-chaussée de leur maison, une brise agréable défiant la chaleur de l’après-midi. Elle rayonnait, et m’a très vite révélé la raison de sa beauté : elle est enceinte. Elle m’a annoncé la nouvelle avec un large sourire, et les mots : « C’est un cadeau de Dieu, parce que nous avons perdu notre dernier bébé. »
La petite Fara de Shireen et Amer a été tuée à bout portant par les soldats israéliens envahissant le secteur Zeitoun, après que le père d’Amer ait subi le même sort, et que la famille terrifiée aient reçu l’ordre de passer par une ruelle derrière la maison. C’est lorsqu’ils marchaient sur ce chemin, et dans les bras de Shireen, que Fara a été visée.
Leur plus jeune fils survivant souffre toujours de désordres psychologiques, passant du rire nerveux aux larmes et à la confusion en un instant.
En février dernier, lorsque j’ai rencontré Amer et Shireen pour la première fois, Amer était sous le choc du meurtre de sa fille. A l’époque, il disait qu’ils n’auraient plus jamais d’enfant, l’angoisse était trop grande, l’idée d’en perdre un autre trop douloureuse. Mais la grossesse inattendue de Shireen les remplit de joie, en dépit de leur immense chagrin.
Un peu plus tard, j’ai lu que la 1.505ème victime du massacre israélien de décembre-janvier à Gaza a été découverte, c’est un jeune homme d’une 20ne d’années, enseveli jusqu’à maintenant sous les décombres près de l’université islamique.
Les gravats commencent maintenant, très lentement, à être dégagés. Le même rapport parle d’un programme des Nations Unies de déblaiement, et d’un représentant qui appelle à l’ouverture des frontières de Gaza, pour reconstruire Gaza, pour « se remettre ».
Se remettre de quoi, exactement ? Des 23 jours d’attaques ? Des années de siège ? De décennies d’occupation ? Ou d’être ignoré du monde ?
Le dernier convoi, Viva Palestina 2, une délégation américaine, attend du côté égyptien, tentant d’abord de passer les nombreux checkpoints d’Egypte pour rejoindre Rafah, puis passer le passage frontalier qui a nié à des milliers de Palestiniens le droit à la vie, à la liberté, à la dignité. Pour aucune autre raison que la complicité dans le siège israélien contre les Palestiniens de Gaza, l’Egypte bloque l’entrée à Gaza à la délégation forte de 200 membres.
Et ceci survient juste deux semaines après le dernier bateau de Free Gaza ait été arraisonné sous la menace des fusils par plusieurs navires israéliens, les forces spéciales israéliennes donnant l’abordage et les 21 militants humanitaires et l’équipe enlevés et trainés dans une prison israélienne, puis expulsés sans charge.
Le Mouvement International pour Ouvrir la Frontière de Rafah (Intmorb) continue résolument à s’opposer au siège, à attirer l’attention sur les frontières bouclées, à mettre en lumière les cas des gens empêchés d’entrer à Gaza, et à faire pression sur le régime de Mubarak pour l’ouverture des frontières.
Près du port de Gaza-ville, aux premières heures, l’arrivée des carrioles tirées par des chevaux et des ânes sonnent le réveil du premier marché aux poissons de Gaza, jadis le marché vivant d’une industrie prospère, aujourd’hui le témoignage de la résilience des pêcheurs et des Palestiniens sous siège : en dépit de tout, en dépit des maigres prises, les pêcheurs continuent d’affronter la brutalité israélienne dans les eaux de Gaza, pour garantir un moyen d’existence à leurs familles, pour exister. Ils résistent.
Voir les photos prises par Eva ce jour-là.
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