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Palestine - 13 juillet 2009
Par Houria Taïk
« Je m’adresse à notre sœur palestinienne et je dis : ô sœur palestinienne, mère de martyr, mère de captif, mère d’orphelin, mère de résistant, si tu as mis ton premier enfant sur une terre étrangère, je suis sûr que le deuxième, tu le mettras au monde sur la terre de Palestine », Cheikh Raïd Salah, Conférence des Palestiniens d’Europe, le 2 mai 2009.
Les réfugiés palestiniens comme réalité humaine et historique sont, par le seul fait d’exister, la preuve irréfragable que les drames de la Nakba et de l’expulsion de tout un peuple de sa terre natale ont bien eu lieu. Poser la question des réfugiés palestiniens c’est redonner à l’Histoire objective sa place entière, c’est à la fois démentir les discours négationnistes mais aussi réhabiliter un vécu, rappeler un traumatisme et démontrer le colonialisme inhérent à l’entité sioniste déclarée en 1948.
Les réfugiés palestiniens - avant d’être « un problème » à liquider dans les « négociations », « processus de paix » et autres tentatives de submersion des droits élémentaires des Palestiniens - sont garants, avant tout, de la continuité de l’identité palestinienne par delà des frontières de la Palestine historique. Ils sont les garants de la langue, de la culture et de la dimension multiconfessionnelle de tout un peuple.
La nécessité d’évoquer les réfugiés palestiniens est d’autant plus impérieuse que le discours dominant, sioniste et occidental, tente de faire oublier cette réalité pour sauvegarder les intérêts colonialistes. Mais depuis 61 ans cette tentative continue d’échouer dans les consciences palestiniennes, tout simplement parce qu’à partir du moment où il y a un déracinement forcé, il y a immanquablement une volonté de « Retour ». Et c’est ce droit au Retour qui constitue aujourd’hui la substance de la Cause palestinienne.
Nous allons dans un premier temps rappeler rapidement l’Expulsion progressive du peuple palestinien de sa Terre depuis 47 (I), puis exposer la façon dont la « question » des réfugiés a été traitée par les sionistes dans les différents accords et « processus de paix » (II) Enfin, nous décrirons ce que revêt aujourd’hui la revendication du « droit au retour » en particulier à l’aune des récents massacres de Ghaza et nous montrerons comment elle est portée, aujourd’hui, par le Mouvement de Soutien en France. (III)
I. « Israël » ou l’artefact colonial bâti sur une idéologie de « transfert »
On peut dire que l’idéologie de transfert des populations palestiniennes s’illustre avec les préconisations de la « commission » Britannique Peel créée en 1937 et chargée de trouver, entre autres, des mesures de « pacification » à la grande révolte palestinienne de 1936 (1). Ben Gourion (2) comprend alors qu’un Etat juif serait impossible sans que la population palestinienne ne soit expulsée. Les sionistes fomentent donc un plan de nettoyage ethnique détaillé pour procéder à cette expulsion et mettent au point le « Plan Daleth » (3). Les commandants de la Hagannah, milice sioniste, se chargent de le mettre en œuvre.
Les expulsions eurent lieu dès le mois de décembre 1947 – juste après le partage de la Palestine le 29 novembre 1947. La stratégie de la Hagannah était celle de la « défense agressive » : pour chaque attaque arabe il faut une réponse décisive par la destruction des lieux ou par l’expulsion des habitants en prenant leur place. Dès le partage, la Haganah débute ses exactions (villages arabes détruits et brûlés puis occupation). Les massacres et exécutions sommaires n’étaient pas en reste : le massacre le plus connu demeure celui de Deir Yassin le 09 avril 1948.
Menachem Begin, qui allait plus tard devenir Premier Ministre du Likoud, était en 1948, le chef de la milice de l'Irgoun et a mené ses membres dans le village palestinien de Deir Yassine où ils ont massacré plus de 100 habitants, dont des femmes et des enfants.
La première expulsion massive se situe entre la date du partage de la Palestine et la proclamation de l’entité sioniste par Ben Gourion le 14 mai 1948. Une deuxième vague d’expulsion va intervenir après le 14 mai 1948. Puis interviendront diverses petites vagues d’expulsions jusqu’en 1951. Au total on peut constater le déracinement de plus de 900 000 habitants de Palestine.
S’ajoutent à ces expulsions, des massacres ainsi que des destructions de quartiers entiers de villes, de villages et de hameaux. Se sont au total 531 villes et 300 hameaux qui seront totalement détruits, et la grande majorité d’entre eux avant le 14 mai 1948. La destruction des villages et la construction de colonies à leur place ou à coté ont été réalisées afin d’empêcher tout retour définitif des expulsés sur leur terre.
Le fait que la grande majorité l’ait été avant le 14 mai 1948 est révélateur que sans cette expulsion massive, jamais l’entité sioniste n’aurait vue le jour.
La deuxième grande phase de l’expulsion commence le 5 juin 1967 avec la guerre qui donnera l’occasion aux sionistes d’occuper la Cisjordanie , la Bande de Gaza, le Sinaï en Egypte, le Golan en Syrie. Par le contrôle de ces territoires, un autre aspect du sionisme va se développer avec la politique du « fait accompli » qui permettra de mettre en place une colonisation progressive. C’est ainsi que de Cisjordanie 300 000 Palestiniens seront à leur tour transformés en réfugiés et iront pour la plupart sur d’autres territoires de la Palestine.
Depuis 1948, cette politique de grignotage et de colonisation des terres palestiniennes se poursuit inexorablement. Chaque semaines des procédures d’appels d’offre pour la construction de logements dans les territoires palestiniens non occupés sont lancés et des Palestiniens sont expulsés de leurs demeures notamment récemment des quartiers anciens d’Al Quods. L’idéologie du transfert en tant que politique raciste sioniste n’est pas enterrée, Sharon en 2001 a même proclamé que « les Palestiniens avaient déjà un pays : la Jordanie » et qu’il conviendrait de tous les y transférer. Et on ne peut rien espérer de meilleur avec l’actuelle élite politique sioniste.
Les réfugiés palestiniens sont aujourd’hui les plus anciens parmi les réfugiés de l’histoire politique contemporaine et les plus nombreux proportionnellement à la part totale des réfugiés dans le monde. Ils sont au nombre actuellement de 6.5 millions sur une population totale de 10 millions.
C’est en cela que le droit au retour est incompatible avec le sionisme et l’existence de l’entité sioniste. L’un se réalisera par la destruction de l’autre.
II. Le « problème » des réfugiés palestiniens dans les différentes « politiques de règlement »
Nous l’avons dit la question des réfugiés palestiniens a toujours constitué la substance de la Cause Palestinienne. C’est parce qu’elle revêt ce caractère qu’elle a été traitée « avec des pincettes » par les uns et les autres dans les différentes phases de la guerre sioniste en Palestine.
Le droit au retour des réfugiés palestiniens est reconnu par diverses dispositions du droit international, la résolution 194 des Nations Unies, adoptée le 11 décembre 1948, affirme notamment « qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible... ».
Mais c’est en tant « qu’élément de négociation » qu’il est intéressant de voir la question des réfugiés. En effet les sionistes ont concentré leurs efforts à faire miroiter aux Palestiniens et à chaque étape du conflit, l’éventualité de résoudre la question des frontière et donc la création d’un Etat palestinien indépendant mais sans jamais intégrer la question du Retour dans un « plan de règlement ». Les accords d’Oslo illustrent parfaitement cette démarche, la question du retour des réfugiés étant différé à des « négociations finales » c'est-à-dire des négociations hypothétique car complètement absorbée par les autres questions : Jérusalem et les frontières
C’est ainsi que les sionistes ont noyé systématiquement la question du Retour et son application car c’est en vérité le nerf de la guerre. Lors du dernier processus de paix d’Annapolis à l’initiative de Bush en 2007, le sujet était introduit dans le projet sous l’expression d’ « une solution juste pour les réfugiés ». Or non seulement le processus a été avorté sans surprise, mais en plus, la notion de « justice » chez les sionistes est difficilement compréhensible quand la solution proposée ne peut être qu’inacceptable pour la diaspora palestinienne.
On peut citer Ramadan Shallah, dirigeant du Jihad Islamique lorsqu’il décrit en ces termes la « solution juste » : « Concernant les réfugiés, pour eux, il n’y a pas de Retour. Il y a un mensonge grossier officiel, arabe et palestinien. Cent mille Palestiniens seront autorisés à retourner, dans un laps de plusieurs années, Israël définira leur âge, leur appartenance, leur poids, leur hauteur, ce qu’ils doivent manger et ce qu’ils doivent boire. Ils ont dédouané Israël de la question des réfugiés, qui ne se sentira plus obligé, moralement, de considérer ce qui se passe hors des frontières de ce qui s’appelle Israël. »
Le nouveau gouvernement sioniste ne change pas de politique, et pour cause, Netanyahu dans sa récente allocution de ce même mois a clairement exclu l’éventualité du Retour pour les Palestiniens mais a introduit la possibilité d’un Etat palestinien démilitarisé. La stratégie décrite précédemment reste inchangée, mettre l’accent et négocier sur les problèmes frontaliers c’est faire l’impasse sur la question des réfugiés et du Retour.
Dans son discours au monde musulman, Obama a souligné son « attachement » à voir la création d’un Etat palestinien mais il a également refusé d’envisager le Retour. S’adressant aux réfugiés palestiniens, il les a clairement encouragés à prendre la voie de la résignation.
Aujourd’hui, on veut vider la question des réfugiés et plus généralement la question palestinienne de sa substance politique et la transformer en « problème humanitaire ». On parle de leurs conditions de vie dans les camps, des tensions avec la population et les institutions des pays d’accueil.
Mais on élude la question du Retour comme facteur politique de résistance dans ces mêmes camps et dans les consciences de ces mêmes réfugiés.
III. Le Retour : fin d’une Utopie, début d’une culture de la Victoire
Malgré toutes les manœuvres sionistes, et dès l’instant où les réfugiés ont été dépossédés, la volonté du retour s’est faite irrépressible dans l’esprit de chacun d’entre eux. Ils ont refusé d'être niés dans leur histoire, ont cultivé le sentiment de colère et en ont fait une dynamique collective pour atteindre l’objectif final.
Le rapport d'une commission d'enquête parlementaire britannique publié au terme d'une visite des camps de réfugiés de Syrie, du Liban, de Jordanie, de Cisjordanie et de Gaza (septembre 2000) rapporte : « Partout où nous sommes passés, les réfugiés affirment que le droit au retour s'applique à tous les réfugiés, quelle que soit leur situation matérielle ou financière actuelle et où qu'ils demeurent aujourd'hui.»
En effet, cette volonté de retour chez les Palestiniens a cette particularité unique de se transmettre de génération en génération sans perdre de sa vigueur, bien au contraire... Les descendants des réfugiés palestiniens nés au Liban en Syrie ou encore en Jordanie, parlent de rentrer « chez eux » alors même qu’ils n’ont pour la plupart d’entre eux jamais foulé la Terre de Palestine. Les réfugiés de « 67 » quant à eux gardent précieusement les clés de leurs demeures.
Les accords d’Oslo ont porté un coup certain à cette conscience collective chez les réfugiés. Tout a été mené pour pousser les réfugiés à s’implanter durablement sur leur terre d’accueil, pour saper toute volonté de retour, toute perception d’une situation qui serait « temporaire ». Mais le fait de voir le but se transformer de plus en plus en utopie n’a pas pour autant eu pour conséquence de l’annihiler.
Les récents massacres de Ghaza de Décembre 2008-Janvier 2009 ont clairement changé la donne. On est passé de l’Utopie et à une nette culture de la Résistance puis de la Victoire menant au Retour. La mobilisation des réfugiés dans les camps du Liban et de Jordanie en solidarité avec leurs frères pendant les bombardements a été exceptionnelle. Le Peuple palestinien ne faisait plus qu’Un, sa conscience et sa volonté sont indivisible.
Les sionistes ayant échoué dans leur volonté d’annihiler l’esprit de Résistance, les Palestiniens sont ressorti victorieux des évènements et ceci n’a fait que raviver la flamme chez tous les Palestiniens, ceux des territoires de 48 tout comme ceux de l’extérieur. Le Retour est à nouveau perçu comme un fait inéluctable, avec une réalisation du but dans un avenir qui semble de plus en plus proche.
Comme un écho à cette nouvelle dynamique sur le terrain le mouvement de soutien en France s’achemine de plus en plus vers la défense de ce droit inaliénable et imprescriptible alors que les plateformes et mouvements étaient jusqu’alors minoritaires à se prononcer clairement en faveur du retour intégral. Les revendications militantes dans le mouvement de Solidarité étaient réticentes à ce sujet car il porte en lui même tout le positionnement sur le conflit. Les intérêts de uns et des autres qui dépassaient le plus souvent le cadre national et qui étaient en lien direct avec les partisans de la « liquidation » n’ont fait que favoriser l’abandon du Retour. C’est ainsi que beaucoup reprenait le mot d’ordre d’une « solution juste pour les réfugiés » ou encore revendiquaient un Etat dans les « frontières de 67 » excluant par là même toute éventualité d’un droit au retour intégral.
Ghaza a là aussi changé la donne, et a permis de décomplexer beaucoup de monde. Même s’il n’est jamais trop tard, ce positionnement tardif est à déplorer car la question du Retour doit être portée sans ambiguïté et avec fermeté par tout mouvement qui se dit de « soutien ». Par ailleurs, certaines organisations persistent à évacuer la question des réfugiés ou ne l’abordent que sous l’angle humanitaire ou social.
Au Mouvement de Soutien à la Résistance du Peuple Palestinien, nous revendiquons clairement le droit au retour intégral des Réfugiés en Palestine et dans leurs demeures ainsi que le démantèlement de l’entité coloniale raciste « d’Israël ». En coordination avec les militants de la Cause en Palestine et dans les Camps nous ne voyons d’autre issue pour les Palestiniens que celle de la reconquête de leurs droits inaliénables pour une réhabilitation complète d’un peuple dans son entièreté et dans sa dignité.
28 juin 2009
Houria TAÏK
Mouvement de Soutien à la Résistance du Peuple Palestinien.
Notes de lecture :
(1) Grande Révolte arabe de 1936-1939 : rébellion des Arabes palestiniens pour la création d'un État indépendant en Palestine mandataire et contre l'autorité mandataire britannique qui avait par ailleurs promis aux sionistes l’instauration d’un Foyer National Juif dans la Déclaration de Balfour.
(2) David Ben Gourion : homme politique et militant sioniste. Premier ministre « d’Israël » de 1948 à 1953.
(3) Plan Daleth : Plan établi par la Haganah en mars 1948. Il vise à spolier les arabes palestiniens de leurs terres.
6,5 millions de réfugiés palestiniens
Alors sous occupation britannique, le 29 novembre 1947, l’ONU partage un pays qui ne lui appartient pas, la Palestine.
Les sionistes soutenus par les mêmes Britanniques commencent le nettoyage ethnique de la Palestine.
C’est le début de la Nakba pour le peuple palestinien, qui se soldera par la déclaration de création de l’entité sioniste le 14 mai 1948.
La communauté internationale porte la responsabilité directe de l’expulsion du peuple palestinien de sa terre.
Si pour elle, il a été légitime de partager la terre de Palestine, pour les Palestiniens, cette décision est illégitime. Qui peut accepter le partage de sa terre, d’en être expulsé et de la laisser à des colons ?
La Nakba fut la perte de la terre, le déracinement de toute une société, l’éclatement des familles qui dure jusqu’à aujourd’hui, 61 ans après les évènements.
Pour les Palestiniens, ces évènements restent présents dans leur mémoire lorsqu'on aborde la question des réfugiés, leur Nakba et leurs droits qui ne peuvent être ignorés.
Aujourd’hui, les réfugiés palestiniens représentent la plus ancienne et la plus importante communauté de réfugiés dans le monde.
Le droit au retour et les réfugiés palestiniens eux-mêmes posent un véritable obstacle aux sionistes et aux puissances impérialistes car ils sont la preuve vivante de l’expulsion, donc de l’injustice à l’origine de la création de l’entité sioniste et leur présence pose donc la question de la légitimité de cette entité coloniale, et pose la question des biens des réfugiés confisqués par cette même entité.
Parler des droits des réfugiés palestiniens c’est remettre en cause la légitimité et lutter contre la présence coloniale dans son ensemble dans la région du Moyen-Orient.
Depuis 1948, Israël n’a jamais cessé de mener une guerre totale contre les réfugiés palestiniens, la dernière en date fût celle de Gaza afin d’anéantir l’esprit de résistance, le même esprit qui est né au lendemain de la Nakba.
Aujourd’hui, les réfugiés palestiniens sont dans l’attente de l’application de leur droit au retour, retour vers leurs droits perdus et leur dignité.
Le Mouvement de Soutien à la Résistance du Peuple Palestinien (MSRPP) soutiendra cette résistance jusqu’à l’aboutissement du projet national de libération totale de la Palestine.
Mouvement de Soutien à la Résistance du Peuple Palestinien (MSRPP)
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