Palestine - 3 décembre 2006

Au sujet du nettoyage ethnique et du racisme

Par Ramzy Baroud

L'auteur est un journaliste Arabo-américain.

"Le terme nettoyage ethnique fait référence à diverses politiques pour faire partir de force un peuple d'un autre groupe ethnique. Pour certains, il n'est pratiquement pas différent de l'émigration forcée et du transfert de population, alors que pour d'autres, il se rapproche de la déportation et du génocide."
Selon cette définition, et d'autres, y compris celles qui sont apparues dans les années 90 suite au nettoyage ethnique dans les Balkans, les Palestiniens ont été et restent les victimes d'une politique de nettoyage ethnique déterminée qui a commencé en 1947-48 et qui se poursuit aujourd'hui.

Cependant, il est important de noter que lorsque nous examinons le sujet du nettoyage ethnique en Palestine, nous tenons compte de ses diverses dimensions, dont l'une étant le discours raciste qui l'accompagne, qui font partie maintenant de la politique de nettoyage ethniques d'Israël.

Tout acte de punition collective – que ce soit le nettoyage ethnique ou le génocide -- est souvent précédé et accompagné d'un discours raciste qui déshumanise la victime et justifie le crime sur des raisons sans fondement, un mélange de mensonges et d'inventions qui peuvent faire appel aux psychés nationales ou religieuses, mais qui ne passe aucun test de loi, de moralité ou de normes humaines de base.

Sans un tel discours – par lequel le mouvement Sioniste a dépeint les habitants originaux de la Palestine comme des cancéreux, des moins qu'humains et une nuisance face à la civilisation et au progrès -- il n'aurait pas été possible d'effectuer une campagne systématique de meurtre et de nettoyage ethnique en 1947 - 48.

Cette inhumanité a vu le massacre d'environ 13.000 Palestiniens, l'expulsion forcée de 850.000 personnes et la dépopulation et la destruction consécutives de presque 500 villages et localités.

Sans un tel discours raciste, il aurait été difficile d'effectuer les nombreux massacres préventifs, dont Deir Yassin, Tantoura, Abbasiya, Beit Daras, Bir Al-Sabaa et Haïfa, pour n'en nommer que quelques uns.

S'il n'y avait pas eu une campagne concertée de racisme institutionalisé qui s'est propagée à grande échelle et qui est maintenue à ce jour, il aurait été impossible d'abattre d'innombrables personnes innocentes après les avoir alignées contre le mur de la vieille mosquée de Tantura en mai de 1948, ou de raser au bulldozer la maison d'un infirme à Jénine en avril 2002 sans donner à sa mère la chance de l'évacuer.

Il aurait été impossible de décrire comme étant un "grand succès" le massacre de 14 civils, y compris des enfants, quand une bombe israélienne d'une tonne a démoli leur immeuble dans le quartier Zeitun à Gaza en juillet 2002, ou de pardonner le meurtre au hasard de 19 personnes, dont la majorité d'entre elles étaient des femmes et des enfants d'une même famille à Beit Hanoun début novembre.


Mais selon les responsables israéliens, toutes les autres méthodes ont été essayées, et ont échoué. "Avec le terrorisme meurtrier et sanguinaire qui veut vous rayer de la carte, vous devez répondre en conséquence : les écraser," comme l'a commenté Ben Caspit suite au massacre brutal de Beit Hanoun.

Mais si ce qui motive purement Israël, c'est la crainte de sa propre annihilation, alors, comment les partisans moralement flexibles de l'état sioniste peuvent-ils expliquer la colonisation incessante par Israël de la Cisjordanie et de Jérusalem ?

Selon un rapport de 2004 de la Fondation Pour la Paix au Moyen-Orient, la population totale des colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est est de près de 420,000 colons : 220,000 en Cisjordanie et 200.000 à Jérusalem-Est. En réalité, beaucoup croient les chiffres sont beaucoup plus élevés.

De nouvelles colonies sont construites alors que les colonies existantes continuent à s'agrandir.

Selon un rapport récent rédigé par le Département des Négociations de l'OLP, Israël a approuvé des offres pour 690 nouveaux logements dans deux importantes colonies de Jérusalem-Est : Maaleh Adumim et Beit Illit.
Ces logements pourront recevoir jusqu'à 2.800 nouveaux colons juifs.

Si l'idée du Mur de Séparation avait en effet pour but de protéger Israël des attaques palestiniennes, alors pourquoi 80% du mur sont-ils construits sur la terre palestinienne éthniquement nettoyée ?

Pourquoi encercler la population palestinienne de Cisjordanie sur l'est et l'ouest, et celle de Qalqilia de toutes parts ?

Pourquoi des milliers d'écoliers palestiniens doivent-ils attendre pendant des heures devant les portes de leurs villages pour obtenir la permission d'un soldat israélien afin d'aller à l'école ?

Le nettoyage ethnique est en effet sur l'agenda politique israélien, puisqu'Avigdor Lieberman, un politicien israélien qui préconise depuis longtemps le nettoyage ethnique des habitants Arabes de la Palestine, a été récemment nommé en tant que nouveau vice-premier ministre d'Israël.

Une de ses premières idées depuis qu'il occupe ce nouveau poste, hormis d'envoyer les Palestiniens faire leurs sacs, c'est le meurtre de l'ensemble de la direction du gouvernement palestinien élu. "Ils… doivent disparaître, aller au paradis, tous, et il ne peut pas y avoir aucun compromis", a-t'il dit la semaine dernière sur une radio israélienne.

La malheureuse réalité est que la campagne de nettoyage ethnique d'Israël, bien qu'elle pourrait avoir changé de stratégie et de rythme au long des années, ne s'est jamais arrêtée et qu'elle est maintenant plus active que ce qui s'est passé pendant des décennies.

Il est également clair que le dialogue raciste simultané qui a permis de faire durer cette politique pendant six décennies est également en marche, transformant les partisans de crimes de guerre en héros aux yeux de la plupart des Israéliens.


D'ailleurs, parmi le soutien américain sans réserves de cette politique et un silence mystérieux du reste de la communauté internationale, Israël sait que le succès de son projet colonial en Cisjordanie est une question de temps.

Ce qui est encore plus décourageant c'est le fait que les querelles internes palestiniennes détournent et gaspillent les énergies qui devraient être utilisées pour travailler à provoquer et à soutenir une campagne internationale contre les atrocités israéliennes.

Les querelles internes entre des gouvernements qui n'ont aucune souveraineté, manquent de consensus national et ne possèdent aucun programme politique clair pour fédérer les Palestiniens en interne et parmi la Diaspora autour d'un agenda politique et national, assureront certainement le succès du programme israélien et contribueront encore plus au discours raciste qui voit les Palestiniens comme incapables de prendre en charge le leadership et l'autodétermination.

Source : http://weekly.ahram.org.eg/

Traduction : MG pour ISM