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Palestine -

La gauche palestinienne écartelée entre le "paradis" du Fatah et le "feu" du Hamas

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Cet article, publié le 4 décembre 2014 sur le site en anglais de Al-Akhbar, est une traduction de l'édition en arabe.

La gauche palestinienne est l'otage de la division politique bipolaire en Palestine. Elle n'a réussi ni à devenir une force conséquente comparée aux autres factions, ni à développer une identité indépendante dans l'équation politique post-Oslo.
Nous élucidons la réalité de la gauche en Palestine à la lumière de la domination du Fatah et du Hamas sur le paysage politique, et du fait que leurs choix politiques, respectivement de négociations et de résistance, ont atteint une impasse ou un état d'incertitude associés à une limite des options.

La gauche palestinienne écartelée entre le 'paradis' du Fatah et le 'feu' du Hamas

Meeting du FPLP à Gaza
Gaza – Dans la région arabe, la nouvelle génération ne connaît pratiquement pas d'autres acteurs en Palestine que le Fatah et le Hamas, les deux factions aux joutes constantes, tandis que le nom du Jihad islamique palestinien ne vient au premier plan que de temps à autre pendant les guerres israéliennes et les représailles. Au-delà de ces trois noms, les factions de la gauche palestinienne n'ont presque pas de voix, bien qu'elles soient à l'origine de la résistance contre l'occupation israélienne, bien avant les islamistes.

A la lumière de la dichotomie entre le Fatah et le Hamas, l'équation suivante a été bétonnée pendant les huit dernières années : en Cisjordanie , l'Autorité palestinienne a absorbé le Fatah et soumis les villes de Cisjordanie à la sécurité et à la "domestication" économique. A Gaza, le Hamas souffre de confusion évidente résultant de ses liens régionaux problématiques, après que le Hamas a choisi - en fonction de son identité idéologique - de s'aligner sur un camp qui a été récemment assiégé. Ce qui a empêché récemment le Hamas de récolter les fruits de l'après guerre, malgré la performance impressionnante de toutes les factions de la résistance.

Malgré la crise actuelle, les factions de gauche d'origines diverses n'ont pas réussi à élaborer de nouveaux programmes et solutions, que ce soit dans la cadre de la lutte et de la libération, ou des services et des problèmes socio-économiques croissants. La raison principale à cela est que la plupart de ces groupes ont été absorbés dans le "régime Oslo", tandis que d'autres sont devenus des ONG engendrant des ONG obéissant aux contraintes et aux conditions des pays donateurs, des pays majoritairement occidentaux.

Néanmoins, il est difficile d'ignorer le rôle des Brigades Abu Ali Mustafa, la branche armée du Front populaire de Libération de la Palestine (FPLP) dans la guerre de Gaza. Les opérations des Brigades et des unités de tirs de roquettes ont contré la récession globale de la gauche palestinienne, surtout après le différend entre le FPLP et l'Autorité palestinienne/Fatah au sein de l'OLP, et les menaces de l'OLP de couper le budget alloué au groupe.

La résurgence du rôle opérationnel du FPLP dans le contexte de la résistance contre Israël a fait des vagues dans des eaux par ailleurs stagnantes. Mais elle a également soulevé un certain nombre de questions quant à savoir s'il pouvait en profiter pour effectuer un examen complet de son approche militaire et politique, et s'il pouvait développer une identité unifiée car le mouvement est divisé entre une branche pro-Hamas et une branche pro-Autorité palestinienne. Même si la gauche a récemment joué un rôle de médiation entre le Fatah et le Hamas, elle est restée largement absente, tandis que les deux factions principales progressaient vers la réconciliation sans consulter les autres factions.

Les facteurs expliquant le déclin

Il serait injuste de dire que le déclin de la gauche palestinienne est uniquement le résultat de l'effondrement de l'Union Soviétique. Il y a des facteurs subjectifs et objectifs antérieurs et postérieurs à l'ère Gorbachev.

Les groupes de gauche avaient importé des théories soviétiques, maoïstes et guévariennes toutes faites et les avaient projetées sur la réalité palestinienne sans essayer de prendre en compte ses caractéristiques spécifiques. De plus, leur identité idéologique vacillait souvent entre le nationalisme marxiste et le communisme, car la plupart des groupes de la gauche palestinienne avaient leurs racines dans les mouvements nationalistes pan-arabes, à l'exception du Parti communiste palestinien (le Parti du Peuple actuel), qui a ses racines dans le Parti communiste syrien.

Ce dilemme idéologique a produit une scission nette entre les nationales et les communistes palestiniens suite à la position prise par l'Internationale communiste (komintern) pendant l'ère stalinienne concernant le mouvement sioniste et son approbation du plan de partage de 1947, tout en reconnaissant l'Etat d'Israël. Des divisions organisationnelles ont également un rôle central dans la rupture de l'unité des forces de gauche, surtout après que le Front démocratique de Libération de la Palestine (FDLP) a quitté le Front populaire. Ceci en plus de l'incapacité des mouvements de gauche à coupler la lutte sociale et la rigidité de leur structure organisationnelle centrale qui a créé un abîme entre la direction et la base populaire.

L'écrivain Adel Samara donne plus de détails, "Dès le début, on a tenté de marginaliser la gauche palestinienne en finançant massivement la droite pour qu'elle absorbe la majorité des jeunes palestiniens, notamment le FPLP, que les premières défections ont fragmenté (le groupe d'Ahmed Zaarour, Ahmed Jibril, le FDLP et le front révolutionnaire Abu Shihab)."

Cela s'est traduit par le déclin de la gauche, qui avait brillé dans les années 1960 et 1970 et monté des opérations impressionnantes. Le déclin s'est accru dans les années 1980 avec la montée du sentiment religieux et des forces islamiques (le Jihad islamique puis le Hamas), en plus d'événements majeurs pour la région tels que les Accords de Camp David entre l'Egypte et Israël, la révolution iranienne, les guerres du Golfe et le départ de l'OLP du Liban.

Tout ceci a aggravé la division de la région arabe, créant des factions de gauche attachées aux autorités en place dans les pays arabes qui ont été entraînés dans la sphère des Etats Unis. On peut ici placer le déclin de la gauche palestinienne dans le contexte du déclin de la gauche arabe. Cependant, des caractéristiques spécifiques à la situation palestinienne ont fait que ce déclin a eu un double impact pour les factions de gauche qui font partie de l'OLP, puisque cette dernière s'est impliquée dans la guerre civile libanaise, et puisque l'inflation de ses appareils l'ont écartée des masses. La faction la plus touchée n'est autre que le FPLP.

La position de l'OLP de soutien à l'invasion irakienne du Koweit a également créé un nouveau fossé dans une gauche déjà affaiblie. L'aide financière du Golfe, qui soutenait le Fonds national palestinien - dont la gauche bénéficiait - a cessé, ce que l'Autorité palestinienne utilisera plus tard pour faire chanter la gauche.

A ce sujet, Rabah Muhanna, membre du bureau politique du FPLP, dit, "L'aide financière n'est pas la charité. C'est le droit du FPLP, 'autant plus qu'il n'est subordonné à aucun régime arabe ou intérêt régional." Il ajoute, "Abu Ammar (Yasser Arafat) et Abu Mazen (Mahmoud Abbas) ont sorti cet argument pour faire pression [sur le FPLP].”

Point de rupture

Dès les deux premières années de la Première Intifada, il fut évident que la présence de la gauche diminuait considérablement. Les factions de gauche n'arrivaient pas à formuler de stratégies capables de déloger les segments "compradores" de droite au sein de l'OLP. Immédiatement après la fin du soutien financier et logistique soviétiques à l'OLP, le Parti du Peuple palestinien (anciennement Parti communiste) changeait son nom et commençait à courtiser le Fatah, jusqu'à devenir une copie conforme de ce dernier, et cherchant à se glisser dans chaque cortège du gouvernement à Ramallah.

Pendant cette Intifada, le FPLP était plus proche du Hamas, mais il en a payé le prix par l'arrêt du soutien financier de l'OLP. Après le passage de la Cisjordanie et de Gaza sous le contrôle de l'Autorité palestinienne (Oslo 1993), les groupes de gauche armés furent jetés dans les prisons de l'Autorité palestinienne car ils considéraient les accords d'Oslo comme un abandon de la cause. Néanmoins, ces groupes ne purent maintenir longtemps cette position, et ils rejoignirent le régime d'Oslo et traitèrent avec lui comme un fait accompli ; de nombreuses personnalités de gauche intégrèrent ensuite l'appareil sécuritaire palestinien en échange de privilèges, bien qu'en apparence ils soient dans l'opposition et servent ostensiblement d'intermédiaires entre le Fatah et le Hamas.

De plus, la gauche a suivi les traces du Fatah en participant aux élections législatives et en déversant l'argent de l'Occident dans ses ONG et ses organismes, qui saturent actuellement la Cisjordanie et Gaza. Mais la surprise, ce fut la victoire écrasante du Hamas aux élections législatives de 2006, alors que les forces de gauche n'obtenaient que 2 pour cent des sièges en raison de leur alignement sur le Fatah. Ces forces n'ont pas accepté ce pourcentage faible et ont demandé à l'époque de refaire l'élection à la proportionnelle au lieu du système basé sur le district.

Un an après, la scission se produisait et le Hamas prenait le contrôle de Gaza, en 2007. Les factions de gauche ont implicitement soutenu le Fatah, et l'ancien secrétaire général adjoint du FPLP, Abdel-Rahim Mallouh, a accusé le Hamas pour tout ce qui se passait à Gaza.

Alors que l'Autorité palestinienne poursuivait son programme de deux Etats, qui cède plus de 70 pour cent de la Palestine historique à l'occupation, les factions de gauche affiliés au Fatah n'ont pas formé de bloc réel pour s'opposer aux négociations et à la coordination sécuritaire avec Israël. Quelques figures de gauche ont même participé à des réunions de normalisation ; par exemple, Qais Abdel-Karim, membre du comité central du FDLP, était présent à l'une des infâmes réunions de normalisation entre le Président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas et des étudiants israéliens.

Malgré le triste état de la gauche palestinienne, d'autres voix existent en dehors du courant dominant, et leurs prises de position leur ont couté cher en terme de dotations financières. Un exemple concerne la député au Conseil législatif Khalida Jarrar, qui a quitté une des sessions du Comité exécutif de l'OLP pour protester contre les négociations et la corruption au sein de l'OLP. A l'époque, les tensions ont augmenté de façon spectaculaire entre le FPLP et Mahmoud Abbas, qui a procédé à la rupture des liens avec le FPLP et à la suspension de ses subventions.

En parallèle, les positions des jeunes de gauche et des étudiants dans les universités en opposition aux négociations et au programme d'Oslo sont devenues une vraie préoccupation pour l'Autorité palestinienne et les groupes de gauche qui la soutiennent. Adel Samara a fait le commentaire suivant : "Il y a au sein du FPLP une lutte interne entre la génération révolutionnaire et les dirigeants de droite, qui a poussé de nombreux membres à quitter le groupe malgré les tentatives du martyr Abu Ali Mustafa de remettre les pendules à l'heure en faisant revenir quelques leaders en Cisjordanie et Gaza - ce à quoi George Habash était opposé," a ajouté Samara. "L'esprit nationaliste et socialiste révolutionnaire n'est pas mort au FPLP. Dès qu'il y a eu une occasion de revenir à la lutte armée, comme lors de la dernière guerre, les combattants du FPLP ont fait de leur mieux malgré le manque d'armes et d'argent."

Pour revenir à la question de la participation dans le processus politique, une source de gauche qui a requis l'anonymat a dit à Al-Akhbar, "C'est vrai, la participation du FPLP aux élections législatives fut un exemple de faiblesse idéologique, mais en dépit de notre faiblesse à l'intérieur de l'OLP et à l'extérieur, nous sommes une source d'angoisse permanente pour l'Autorité palestinienne, en particulier après la septième conférence nationale, où il y eut des signes clairs d'une forte opposition à la politique et aux pratiques de l'Autorité palestinienne, et une convergence sensible avec les positions du Hamas."

La source a poursuivi, "Le Parti du Peuple, par exemple, est devenu plus de droite et libéral que le Fatah. Nafez Ghoneim, un de ses membres du bureau politique, est directeur dans un des services de l'Autorité palestinienne et est payé 8.000 shekels (1.650€) par mois pour adopter la rhétorique d'Abbas et défendre le président contre les dissidents de gauche." Il a ajouté, "Le Front de lutte populaire, dirigé par l'ancien ministre du Travail Ahmed al-Majdalani a même demandé lors d'une réunion du Comité exécutif de couper les salaires et d'annuler les traitements à l'étranger des gens de Gaza, pour les punir de ne pas s'être levés contre le Hamas."

Ce n'est pas un secret que d'autres personnalités de premier plan sont vassalisées par les mêmes tactiques. Un autre exemple : Yasser Abed Rabbo a été nommé secrétaire du Comité exécutif, alors qu'Abdul-Rahim Mallouh reçoit un salaire mensuel entre 4.000 (3.300€) et 6.000$ (4.900€) et autres privilèges, et certains dirigeants l'accusent en échange de contrecarrer les décisions prises par le FPLP pour s'opposer à Oslo, à la politique de l'Autorité palestinienne et de chercher à se retirer du Comité exécutif de l'OLP.

La lutte armée : le FPLP comme modèle

La plupart des factions de gauche ont déposé les armes, bien qu'elles furent les pionnières de la résistance armée dès le début des années 1960. Toutefois, l'alignement du FPLP sur la résistance armée a été clairement démontré lors de la récente guerre à Gaza. Des années se sont écoulées depuis sa dernière tentative d'assassinat contre le ministre israélien du Tourisme Reham Zeevi (17 octobre 2001), mais le FPLP fut le premier à rompre la trêve et à répondre aux attaques de l'occupation, avec les Brigades Al-Quds (Jihad islamique) avant le déclenchement de la guerre.

Rabah Muhanna explique que le FPLP, dans le récent round, a pris part à la résistance en utilisant des tactiques appropriées en rapport avec ses capacités financières limitées, disant que celles-ci devaient être renforcées, puisque le FPLP a fait la preuve qu'il n'a pas abandonné la résistance armée. Muhanna a rappelé que la septième conférence nationale avait souligné le rejet du régime d'Oslo, ses répercussions et la polarisation politique actuelle.

En ce qui concerne l'absence de la gauche, Muhanna l'attribue à l'absence d'un cadre de gauche unifié, avec une vision claire par rapport à la bipolarité du Fatah et du Hamas ainsi qu'à d'autres facteurs. Il poursuit, "Comme on le sait, les dirigeants influents de la gauche sont dans les prisons de l'occupation. Un changement interne a lieu, mais il est lent."


Source : Al Akhbar

Traduction : MR pour ISM

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Orouba Othman