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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

La malfaisance de la collaboration

Par

> kim@dissidentvoice.org

Kim Petersen, co-editeur de Dissident Voice, vit en République de Corée.

Dans certains contextes, la collaboration symbolise le progrès : les gens travaillent ensemble pour un mieux-être. Mais la collaboration a aussi son côté noir, qui est l’anathème des principes progressistes : travailler contre sa propre société. En d’autres mots : trahison et sédition.

La malfaisance de la collaboration

Dans la société occidentale, ceux qui collaboraient avec l’ennemi étaient condamnés comme traîtres. En Europe, le nom de famille de Vitus Quisling, un Norvégien qui a collaboré avec les Nazis pendant l’occupation de la Norvège, est devenu le synonyme de « traître », de la même manière que celui de Benedict Arnold, loyaliste duplice, signifie « traître » dans la société américaine.

Au Moyen-Orient, deux hommes de premier plan sont en compétition pour une reconnaissance éponyme de traîtres : le Premier Ministre Fouad Siniora et le Président palestinien Mahmoud Abbas, qui cherchent à solder leurs frères aux sionistes et aux impérialistes.


La trahison de Siniora

Siniora est le “dirigeant” connu pour avoir pleuré en face des dignitaires arabes, pendant que les forces sionistes bombardaient le Liban. Le Premier Ministre-banquier, dont la politique a aidé à endetter lourdement le Liban et à le laisser à la merci des requins néolibéraux comme le Fonds Monétaire International et le Paris Club, attend des recettes de l’administration traîtresse de George Bush aux Etats-Unis (après tout, ce fut la secrétaire d’Etat US Condoleezza Rice qui a lancé des appels au cessez-le-feu, de manière à ce que l’agresseur israélien puisse finir ce qu’il avait commencé).

Le Washington Post parle d’une « aide » de 1 billion de dollars US. Presque 500 millions de cette « aide » sera imputée à « l’armée et la police libanaises pour aider au renforcement des forces de sécurité, pour aider le gouvernement libanais assiégé » (1). Le Post ne dit pas pourquoi le régime libanais est assiégé, ni par qui.

Le gouvernement libanais est assiégé par son propre peuple (en particulier par une coalition de Maronites et Shi’a), des gens appauvris par les politiques néolibérales et souffrant des ravages de la guerre causés par les pays avec lesquels Siniora fait copain-copain.

Et quelles sont les intentions des régimes donneurs d’aide ? Le Post répond : « Cela fait partie d’un effort des Etats-Unis, de la France, de l’Arabie Saoudite, des Emirats arabes unis et d’autres pour soutenir les forces de sécurité libanaises de manière à ce qu’elles puissent, si besoin, étendre leur contrôle à tout le pays. ». Voyons : Nous vous détruisons de l’intérieur et de l’extérieur, et ensuite nous vous envoyons de « l’aide » attachée à une ficelle pour que vous acceptiez de devenir les marionnettes de vos maîtres étrangers. Cela s’appelle un abandon de souveraineté.

Le Post ajoute que l' « aide est aussi destinée à renforcer la main du gouvernement pour contrer l’influence du Hezbollah ». Hezbollah est la résistance au crédit de laquelle on peut mettre l’expulsion d’Israël du Liban (à part les Fermes de Sheba’a) et d’avoir combattu récemment Israël jusqu’à l’immobiliser. Renforcer la main du gouvernement libanais sur le Hizbollah équivaut donc à renforcer la poigne impérialiste sur le Hizbollah.

Le Post est encore plus prédictif : “Après l’Irak, le Liban est devenu le premier terrain de bataille de l’influence entre les Etats-Unis et l’Iran. » L’influence sur le Liban fait partie des efforts des US pour redessiner violemment le Moyen Orient. « Aider » avec de desseins géopolitiques plus larges.

Maintenant que l’infrastructure du Liban a été saccagée et les fermes détruites par les bombes, pourquoi toute cette « aide » est-elle destinée à des fusils plutôt qu’à la nourriture et la reconstruction ?

Les Etats-Unis sont le pays qui a donné le feu vert à l’armée sioniste pour dévaster le Liban, qui a empêché les Nations Unis d’agir pour arrêter la violence. Pourquoi le gouvernement libanais collaborerait-il avec une entité si néfaste, qui cherche à miner la société libanaise pour lui-même et ses intérêts clientélistes d’Etat égoïste ?

Le Post cite des “officiels US” qui déclarent que l’Iran viole les résolutions des Nations Unies en faisant de la contrebande d’armes entre le Liban et la Syrie. Les grotesques Nations Unies fournissent le contexte dans lequel les US peuvent introduire des armes au Liban pour armer son régime mandataire, mais faire de même est interdit au Hizbollah.

De plus, les Etats-Unis s’oppose aux pressions du Hizbollah pour des élections qui détermineraient le soutien public au gouvernement Siniora, mais poussent pour une élection en Palestine, dans l’espoir que les Palestiniens affamés se débarrasseront du gouvernement Hamas qui résiste aux sionistes, permettant ainsi aux régimes occidentaux de les nourrir de façon adéquate.



La trahison d’Abbas

Les régimes occidentaux sont tellement déterminés à affamer les Palestiniens que l’argent collecté « légalement » par le Premier Ministre palestinien Ismail Haniyeh a été bloqué au passage de Rafah entre l’Egypte et Gaza.

Citant une « source très bien informée », United Press International (UPI) (2) rapporte qu’un membre du Fatah, Saeb Erakat, s’était assuré de la complicité de l’Egypte pour boycotter le Hamas. (3)

Le Premier Ministre Hamas revenait avec de l’argent levé pendant son voyage en Iran, au Qatar et au Soudan. Les Israéliens ont demandé au Lieutenant Général Pietro Pistolese, commandant de la Mission d’Assistance aux Frontières de l’Union Européenne – officiers de police et de douane de 17 pays – European Union Border Assistance Mission (EUBAM), de fermer la frontière, et il a accepté.

Selon un porte-parole israélien, Shlomo Dror, les Palestiniens « ont promis de faire des efforts pour mettre un terme à la contrebande d’argent ». Depuis quand un Ministre apportant de l’argent à son gouvernement « fait de la contrebande » ?


Ce n’était pas de l’armement. Ce n’était pas de la drogue. C’était de l’argent pour un pays dont la population meurt de faim. Quelle sorte de Palestinien ferait une promesse qui aggrave la famine de son propre peuple ?



UPI écrit :

« C’est une confrontation très large. Les Etats-Unis, l’Union Européenne, la Russie et les Nations-Unies, qui forment le Quartet, le Président Mahmoud Abbas du Fatah et Israël, veulent obliger le gouvernement dirigé par le Hamas à renoncer à la violence, accepter Israël et honorer les accords conclus avec lui. Le Hamas islamique refuse de le faire et est sujet à un boycott politique et économique. »

Pourquoi faire allusion à l’affiliation religieuse du Hamas ? Pourquoi cet article est si orienté ? Pourquoi n’est-il pratiquement jamais fait mention que la Palestine veut obliger le gouvernement dirigé par les sionistes à renoncer à la violence, accepter la Palestine et honorer les accords conclus avec elle – et que le parti juif Kadima refuse de le faire ?

Le gouvernement de la Palestine dirigé par le Hamas se retrouve confronté à plusieurs régimes occidentaux qui ont gelé « leur aide ». A part la promesse de rendre 100 millions de dollars de taxes palestiniennes, Israël a gelé tout transfert. Mais Israël n’a aucun droit de geler les transferts ; en fait, Israël, en tant que puissance occupante, est « légalement » (pas la peine de faire appel à la morale dans le cas de l’Etat sioniste) responsable des besoins du peuple qu’il occupe.

A cause du boycott financier, le Hamas a été forcé à faire rentrer de l’argent liquide (estimé à 60 millions de dollars par Pistolese) par Rafah. Ainsi, pendant qu’Haniyeh était à la recherche d’argent pour nourrir son peuple, Abbas et sa coterie cherchaient les moyens de bloquer cette action destinée à la famine.


Et la démarche vient d’Abbas.

Comme le révèle UPI :
"Les hommes du Président Abbas contrôlent le passage de Rafah. Toutefois, il n’y a aucune loi palestinienne qui interdise d’apporter de l’argent par cette voie. L’importateur doit seulement le déclarer. L’employé de l’EUBAM dit que la loi appliquée au passage est une loi palestinienne. Et les Palestiniens n’ont pas non plus violé la loi égyptienne, puisque l’argent ne venait pas d’Egypte mais avait juste traversé le pays."

Le Président Abbas est cité : “Nous avons entendu dire qu’il (Haniyeh) a des fonds pour faire de la contrebande dans le pays ; nous disons ici que nous avons besoin d’argent, mais pas de l’argent de la contrebande. »

Que veut dire Abbas ? Comme l’a clairement expliqué UPI, aucune loi n’a été violée en tentant de faire entrer de l’argent en Palestine. Il n’y a donc eu aucune contrebande ! Comment Abbas peut-il se mettre à genou devant les diktats sionistes lorsque ses propres frères ont faim ?



Le rejet des collaborateurs

En masse, le peuple libanais cherche à renverser le gouvernement collaborationniste de Sionora. Les oppositions transcendent les affiliations religieuses (4). Les intérêts impérialistes et sionistes soutiennent le régime de Siniora.

Au Liban, les gens dénoncent la collaboration de Siniora. En Palestine, la situation a tourné à la violence. Le régime US a poussé à la confrontation Hamas-Fatah pour obtenir l’accord du Congrès sur les 100 millions de dollars destinés à la garde présidentielle d’Abbas.

En Palestine, “une profonde insatisfaction” au sujet du Parti Fatah d’Abbas – “sa corruption, son inefficacité, son manque de résultats dans la réalisation des buts nationaux des Palestiniens pour leur indépendance et un règlement juste avec Israël » - ont vu le Hamas l’emporter d’une victoire claire (5).

La volonté démocratique des Palestiniens a été coincée par les machinations occidentales qui ont plongé les Palestiniens dans plus de pauvreté. Avec comme toile de fond cette manœuvre d’extorsion, Abbas, soutenu par ses amis impérialistes sionistes, tente un nouvel essai de victoire électorale.

En clair : « Votez pour le Fatah et mangez » ou « Votez pour le Hamas et crevez de faim ».

Le choix revient au peuple. Mais des choix soumis au peuple dans des circonstances répressives ne peuvent pas prétendre à la démocratie. Les interférences sionistes-impérialistes sont de retour pour les mordre.

Le Hamas, après tout, est une création sioniste (6) et le poste de Premier Ministre palestinien est le résultat des tentatives US pour réduire le pouvoir politique de Yasser Arafat.

Depuis des décennies, les Palestiniens incarnent le courage du héros révolutionnaire mexicain Emiliano Zapata, qui déclarait : « Je préfère mourir debout que vivre à genoux. »

Les sionistes-impérialistes ne devraient pas être surpris que le peuple palestinien, qui souffre, résiste et reste debout depuis si longtemps, même face à une élection à la vie-à la mort, rejette encore la puanteur de la collaboration – nourriture ou pas.



Notes de lecture :

[1] Robin Wright, "U.S. Readies Security Aid Package To Help Lebanon Counter Hezbollah," Washington Post, 22 Decembre 2006.

[2] UPI appartient à News World Communications, qui appartient à un mouvement religieux anti-communiste, de tendance droite dure, appelé « Unification Church » dirigé par le Reverend Moon Sun Myung.

[3] Joshua Brilliant, "Analysis: Can Hamas be reined-in?" United Press International, 21 Decembre 2006.

[4] Pakinam Amer, "Lebanon's faiths mingle at Christmas Eve rally," m&c news, 25 Decembre 2006. Un Chrétien, Hoda al-Farjiya, ext cité : “Par le passé, nous avions l’habitude de dire : Il est Chrétien, il est Musulman. Maintenant, nous nous tenons tous ensemble et nous disons : La religion est pour Dieu et le Liban pour chacun. ».

[5] Q&A, "Hamas election victory," BBC News, 26 Janvier 2006.

(6) Ndt. A ce sujet, lire l'interview de Khaled Meshaal, qui qualifie cette assertion de "bobard"

Source : Dissident Voice

Traduction : MR pour ISM

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