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Palestine - 12 septembre 2003
Par Marwan Bishara
Article paru in The International Herald Tribune (quotidien international)
Il y a dix ans, les Israéliens et les Palestiniens sont convenus de reconnaître mutuellement leurs droits nationaux respectifs et de se séparer pacifiquement. Mais Oslo a manifestement échoué à produire ce qu’il était fait pour produire : la fin de l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, en échange de la paix.
En lieu et place, Oslo a abouti à diviser les territoires palestiniens en 202 cantons séparés, diminuant l’accès des habitants à l’emploi, à la santé et à l’éducation, et réduisant leur PNB de plus d’un quart. Le nombre des colons israéliens a doublé en dix ans, et un réseau complexe de routes de contournement ont rendu l’occupation irréversible.
Comment ce tournant dramatique s’est-il produit ?
La part du lion du blâme échoit aux Etats-Unis et à Israël, dont les actions ont entraîné de les violentes réactions des Palestiniens. Les Etats-Unis n’ont pas su jouer de leur influence considérable afin de mettre au pas les tenants du Grand Israël, qui ont fait – lentement, mais sûrement – des confettis avec l’esprit d’Oslo.
Comme si cela ne suffisait encore pas, l’administration Bush a confié le poulailler au renard, en chargeant le Premier ministre israélien Ariel Sharon de sa vision d’un Etat palestinien futur. Il en découle que, dût un jour un tel Etat voir jamais le jour, il ressemblera aux homelands que le gouvernement d’apartheid avait créé, en Afrique du Sud, dans les années 1980.
Si Israël doit vraiment emboîter le pas à l’Afrique du Sud, il vaut mieux qu’il soit prêt à faire face aux conséquences de son choix : l’alternative à la séparation, sur le long terme, est l’intégration, et non pas l’apartheid.
Théoriquement, les Israéliens et les Palestiniens parlent de séparation : dans la pratique, ils ne veulent pas concilier leurs aspirations nationales avec cette séparation. C’est la raison pour laquelle, en sus d’intellectuels palestiniens éminents, un nombre croissant d’analystes israéliens et américains s’interrogent quant à la faisabilité de la solution à deux Etats et commencent à envisager l’Etat binational comme un moyen permettant d’installer une paix durable entre Palestiniens et Israéliens.
Pour qu’une solution à deux Etats fonctionne, Israël doit commencer par retirer physiquement ses bases militaires ainsi que ses centaines de milliers de colons de tous les territoires occupés, y compris Jérusalem. Pour créer un Etat binational, Israël devrait simplement se débarrasser du système d’apartheid qui a condamné les deux peuples à la guerre.
Un Etat unique satisferait aux exigences d’une paix authentique, qui n’ont pas même été abordées, ni a fortiori satisfaites, dans le processus d’Oslo. Les différents au sujet des réfugiés palestiniens, de Jérusalem, de la minorité israélienne en Israël, des colons israéliens en Palestine, de la sécurité d’Israël, des frontières et des ressources hydriques pourraient tous être résolus dans le cadre d’un Etat unique partagé, fondé sur la citoyenneté et sur la protection constitutionnelle de l’identité nationale et religieuse de ses habitants.
Cela pourrait être obtenu dans le cadre du fédéralisme, comme en Belgique, en Suisse ou au Canada, ou bien cela pourrait être mis en place dans le cadre d’un système « un homme – une voix », comme en Afrique du Sud. Historiquement, les partisans Israéliens de la solution à un seul Etat ont préféré la première solution, tandis que les Palestiniens se faisaient les avocats de la seconde.
Mais d’une manière comme de l’autre, la solution à un seul Etat signifie que les Palestiniens acceptent les colons juifs comme voisins légitimes et que les Israéliens considèrent les Palestiniens [« de 1948, ndt] comme des citoyens à part entière. L’Etat garantirait des droits et des privilèges égaux aux deux populations. Les deux populations auraient le droit d’immigrer, qu’il s’appelle « awdah » [retour], pour les Palestiniens ou « aliyah » [« montée » à immigration en Israël], pour les juifs. Pour les deux peuples, Jérusalem serait une capitale ouverte.
Automatiquement, le nouvel Etat aurait des relations amicales et pacifiques avec ses voisins, et il donnerait l’exemple de la réconciliation et de la coexistence.
Cette solution n’est pas réaliste, diront les sceptiques. Les Palestiniens ne sont pas prêts pour cela, et Israël, obsédé par la démographie, ne l’acceptera jamais. Toutefois, dans vingt ans, les propres citoyens palestiniens de l’Etat juif représenteront un tiers de sa population, introduisant de ce fait même le bi-nationalisme en Israël proprement dit. Alors quoi ? A la fin des fins, Israël devra traiter son problème démographique au moyen de la démocratie constitutionnelle.
Souvenez-vous : bien que les Palestiniens et les juifs n’aient jamais été officiellement mariés, ils vivent ensemble, dans le bonheur ou l’enfer, sur le même lopin de terre et sous le même ciel, depuis des siècles.
La mort d’Oslo offre la (rare) possibilité d’une nouvelle vie fondée sur une paix véritable et un avenir supportable pour les Israéliens et les Palestiniens, ensemble, qui garantirait et protégerait leurs droits collectifs.
Article paru dans le Point d'information Palestine
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Source : www.one-state.org/
Traduction : Marcel Charbonnier
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Marwan Bishara
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