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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Une carte communautaire d’un genre nouveau

Par

Mme Condoleezza Rice, ministre états-unienne des Affaires étrangères, entame une tournée dans la région arabe, en apparence pour rebooster le processus de paix, mais en réalité, de façon moins visible, pour poser les fondations d’une alliance d’un genre nouveau, qui portera le nom d’"Alliance des pays modérés", en vue de la confrontation armée prévisible avec l’"union des pays extrémistes", à savoir l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et les deux mouvements palestiniens Hamas et Jihad islamique ; c’est-à-dire, avec ce que l’Amérique nomme l’"Axe du Mal".

Au Caire, en marge de sa visite officielle en Egypte, Mme Rice rencontrera les ministres des Affaires étrangère de huit pays : les six pays membres du Conseil de Coopération du Golfe, plus l’Egypte et la Jordanie.

Il s’agit, on l’aura compris, de redonner vie à l’organisation des "pays de la proclamation de Damas", fondée au lendemain de l’invasion irakienne du Koweït et destinée à supplanter la Ligue des Etats arabes et de constituer le fer de lance de l’agression contre l’Irak, afin d’imposer à ce pays un embargo dévastateur, d’en détruire les capacités militaire et économique, avec une différence partielle et logique, mais fondamentale : la Syrie en est sortie, et la Jordanie y est entrée !

La nouvelle alliance s’appuie sur l’idéologie de l’hostilité à l’Iran et à son programme nucléaire, au motif que le danger iranien, pour les pays du Golfe et les pays arabes modérés, serait bien plus grand que le danger représenté par Israël.

En effet, (pensent ces pays) Israël n’a pas, quant à lui, la volonté de créer un « croissant chiite » et ce pays n’a pas non plus à sa disposition de communautés juives représentant une cinquième colonne au sein des pays arabes – allusion transparente aux minorités chiites dans les Emirats du Golfe, comme le répètent à l’envi les idéologues et les propagandistes de cette alliance arabo-israélienne du troisième type !


Dans le même contexte, on peut relever que les pays arabes n’évoquent plus avec la même insistance le danger nucléaire israélien et la nécessité de débarrasser le Moyen-Orient de toutes ses armes nucléaires, à chaque fois que les Etats-Unis invoquent la question du réacteur nucléaire iranien, lequel n’est encore qu’au stade embryonnaire.

Et un nouvel « air » a fait son apparition, qui se concentre sur l’introduction [souhaitable] de la technologie nucléaire en Egypte, au Yémen et peut-être aussi, dans un futur plus lointain, en Arabie saoudite, sous l’inspiration de l’Amérique et avec sa bénédiction, afin de suggérer l’idée que cette initiative serait en quelque sorte une réplique à la technologie militaire israélienne, et une réponse aux critiques adressées à ces pays arabes centraux de négliger leur entrée dans l’ère de l’atome.

La nouvelle stratégie israélo-américaine vise à diviser en particulier les Arabes, et de manière générale les musulmans, sur des bases confessionnelles, en montant l’un contre l’autre un camp "sunnite" et un camp "chiite", et transposer les deux précédents actuels de l’Irak et du Liban dans l’ensemble de la région du monde islamique où sont susceptibles déjà se trouver ceux qui nourrissent la haine et préparent le terrain à la confrontation entre sunnites et chiites afin de détourner ces deux "camps" de l’existence de l’entité sioniste et de ses dangers.

L’administration américaine a utilisé avec beaucoup de succès le facteur chiite pour éliminer un régime « sunnite »en Iraq [celui de Saddam Hussein, ndt] (pour reprendre le qualificatif qu’elle lui accolait, et voici qu’aujourd’hui, elle veut utiliser le monde sunnite arabe pour l’aider à évincer le régime "chiite" de Téhéran, ce qui revient, en fin de compte, dans les deux cas, à servir essentiellement les intérêts… d’Israël.


Tsipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, a exprimé très clairement les finalités de cette nouvelle alliance, dans une interview accordée au quotidien israélien Yediot Aharonot, vendredi dernier, où elle a notamment dit : "Israël doit coopérer avec l’alliance sunnite ; en effet, Israël ne peut pas se contenter de son alliance avec Washington, s’il veut survivre… Et les circonstances actuelles sont mûres pour une telle coopération."

Les circonstances favorables évoquées ici par la ministre israélienne des Affaires étrangères, c’est essentiellement l’ouverture actuelle, sans précédent, des régimes arabes, sous la pression américain, en direction de l’Etat hébreu.

En effet, les rencontres israélo-saoudiennes, péché mortel il y a encore peu de temps, sont devenues une réalité après la convergence des intérêts, qui a atteint des sommets en pleine agression israélienne contre le Liban.

La ministre israélienne a révélé ses rencontres avec les ministres des Affaires étrangères de dix pays arabes et musulmans, en marge de sa participation à l’Assemblée générale de l’Onu, dont ceux du Qatar, du Sultanat d’Oman, de l’Egypte, de la Jordanie et du Bahreïn, de même qu’elle a révélé la tenue d’une rencontre secrète des chefs des services de renseignement d’Egypte, de Jordanie, d’Israël et de deux pays du Golfe n’entretenant pas de relations diplomatiques ni commerciales avec ce dernier pays, en plus de Monsieur Mahmoud Abbas, président de l’Autorité nationale palestinienne, afin de poser les fondations d’une coopération totale, en matière de renseignement, face aux pays arabes [sic] de l’"Axe du Mal" et aux organisations alliées avec eux, à savoir le Hamas et le Hezbollah.


Israël sera donc le neuvième pays membre de l’"Union des pays arabes modérés" ; ce sera un allié sur lequel compter lors de la guerre annoncée avec l’Iran au cas où les négociations autour de son programme nucléaire se heurteraient à un mur – ce qui est hautement probable.

Afin de faciliter cette adhésion israélienne, on s’attend à ce que Mme Condoleezza "arrache" quelques concessions de pure forme à l’Etat hébreu au cours de sa présente tournée dans la région, comme par exemple l’allègement du blocus qu’il impose aux territoires palestiniens, l’ouverture des points de passage frontaliers, la libération de quelques prisonniers, la facilitation de l’arrivée d’un gros pacson de biffetons sur le bureau du président Abbas et la reprise – fût-elle partielle – des négociations après la tenue d’une conférence au sommet entre ce dernier et le Premier ministre israélien Ehud Olmert.

En contrepartie, on resserrera la garrot sur le cou des pays membres de l’"Axe du Mal", autrement appelé "Alliance des Extrémistes", et ceci explique qu’Ehud Olmert ait annoncé sa détermination à conserver le plateau du Golan ad vitam aeternam, l’opposition de la ministre des Affaires étrangères Tsipi Livni à toute négociation avec la Syrie, les menaces proférées par le chef d’état-major de l’armée israélienne Dan Halutz de lancer une nouvelle guerre d’agression contre le Liban afin de liquider le Hezbollah et de rendre son prestige à l’institution militaire israélienne, ainsi que le transfert d’armes à la garde prétorienne que Monsieur Abbas est en train de mettre sur pied afin de faire face au mouvement Hamas et de contrôler les points de passage frontaliers après une probable invasion par Israël de la bande de Gaza dans les jours ou les semaines à venir, dont les complices espèrent qu’elle permettra de faire chuter le gouvernement Hamas et de mettre totalement fin à la présence armée de ce mouvement, ainsi que d’obtenir la libération du soldat israélien fait prisonnier [Gilad Shavit, ndt].

L’administration américaine comprend désormais, après la dernière guerre au Liban, que les chances de survie de l’Etat hébreu font l’objet de beaucoup de points d’interrogation ; c’est la raison pour laquelle elle s’efforce de donner de ce pays un nouveau visage, en le présentant à la région du Moyen-Orient sous un jour entièrement inédit : il s’agirait d’un pays "sage, modéré et doux" [mignon, quoi], allié à son ambitus géographique « arabe sunnite » et menant – à sa place, gratis et pour ses beaux yeux – ses guerres contre leur ennemi commun : l’Iran ! Il semble bien qu’un « marché » dont on ignore encore toute la portée a été topé, à ce sujet…


Ce n’est sans doute en rien l’effet du hasard, si de nombreux pays arabes ont accueilli extrêmement favorablement les déclarations de la plus haute personnalité [marja‘] du chiisme irakien, Hussein al-Mu’ayyed, qui a notamment déclaré que l’Iran était en train d’adopter un projet nationaliste fondé sur le mépris pour les Arabes et l’hégémonie régionale, et que ce pays était devenu, pour les Arabes, plus dangereux que l’Amérique ou qu’Israël.

C’est ce qui explique l’hystérie à laquelle nous assistons actuellement, dans la remise au goût du jour du nationalisme arabe de la part de pays et de gouvernements qui combattaient pourtant impitoyablement l’orientation nationaliste arabe depuis trente ans, au service de l’"Islam américain modéré" [sic]…

La visite de Mme Rice inaugure donc le tournant américain vers l’utilisation des Arabes sunnites en vue de la confrontation avec l’Iran, au profit du projet américano-israélien, exactement de la même manière dont l’impérialisme britannique avait utilisé ces mêmes Arabes sunnites afin de saper l’Empire ottoman islamique – bien qu’il fût lui aussi sunnite –, ce qui aboutit comme on sait à la création de l’Etat hébreu et à l’éclatement de la région arabe entre un archipel de petits pays ridiculement faibles.

Il est paradoxal que le plan visant à en finir avec l’Empire ottoman ait été entrepris voici exactement cent ans ; l’Histoire semble se répéter, mais la compromission et la bêtise arabes sont la seule constante. Tous les autres acteurs ont changé.

Mais c’est la même pièce que l’on rejoue. Et, surtout, l’objectif est resté le même…



Traduit de l'arabe par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es). Cette traduction est en Copyleft : elle est libre de reproduction, à condition d'en respecter l'intégrité et d'en mentionner sources et auteurs.

Source : Al-Quds-al-Arabiyy

Traduction : Marcel Charbonnier

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