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ISM France - Archives 2001-2021

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Jénine -

Entretien avec Brian Avery

Par

Aaron Lakoff de l’ISM a parlé avec Brian la veille de son audition (interview diffusé sur CKUT community radio, 90.3fm à Montreal (www.ckut.ca)

L'activiste américain Brian Avery de l’ISM a reçu une balle dans le visage par des soldats israéliens à Jénine il y a presque deux ans. En dépit des importantes blessures infligées à Brian, l'incident a été débouté par une enquête militaire interne.
Quand il a été pris pour cible, Brian aidait les Palestiniens qui souffraient des effets d'un couvre-feu militaire.
Il portait une veste de secouriste, et était clairement non-armé.
Brian est maintenant de retour en Israel pour déposer une pétition devant la Cour Suprême israélienne demandant le lancement d’une enquête criminelle.

Entretien avec Brian Avery

L’audience aura lieu demain, lundi 28 février 2005


Aaron : Pouvez-vous partager avec nous ce qui s'est passé la nuit où vous vous êtes fait tirer dessus à Jenine ?

Brian : C'était à l’origine une situation où moi et un autre collègue de l’ISM, Tobias Carlson, un volontaire suédois de l’ISM, étions dans le bureau que l’ISM louait à Jénine. Nous avons entendu de nombreux tirs dans le secteur, et en se basant sur le bruit, nous avons su que c'était les Israéliens.

Ensuite cela s’est un peu calmé, nous avions un couple de volontaires de l’ISM qui étaient sortis en plein milieu de la ville. Nous avons décidé d'aller dehors et de les retrouver pour évaluer ce qui se passait avec l'armée et s’il n’y avait pas de victimes civiles dans les environs qui avaient besoin d’une aide médicale.

Nous aidions également les équipes médicales qui étaient souvent empêchées de faire leur travail par les Israéliens.

Aussi nous sommes sortis, et je portais un gilet avec des bandes réfléchissantes - les volontaires de l’ISM avaient l’habitude de porter des vetements avec des bandes réfléchissantes la nuit dans les villes de Cisjordanie pour se rendre très reconnaissables.

Nous étions à environ deux blocs de l'appartement quand nous avons été approchés par deux véhicules israéliens.
Ils conduisaient à environ 20km/h, ils arpentaient les rues.
Ils sont arrivés à notre niveau, et nous avons fait un pas sur le côté de la route pour les laisser passer. Nous avons également montrés nos mains pour prouver que nous n'avions aucune arme. Une fois qu'ils étaient à environ 30 mètres de notre position, ils ont tout simplement ouvert le feu sur nous. Elles ont tiré constamment pendant une longue période.


J'ai été frappé au visage par une balle et je suis tombé tout de suite par terre. Tobias s'en est sorti sans dommages.

Les autres membres de notre groupe sont arrivés sur les lieux et ont vu l’APC tirer sur moi et sur Tobias. Dès qu'ils ont cessé les tirs, les soldats ont juste quitté le secteur. Ils ne se sont pas arrêtés pour voir si quelqu’un avait besoin d’aide médicale, ils sont juste partis.

J'ai été transporté à l'hôpital de Jénine où ils m’ont donné les premiers soins et ont stabilisé mon état.

De là, j’ai été transporté par hélicoptère vers un hôpital d’Haïfa, et c'est là où j'ai passé les mois suivants.

Puis, je suis rentré en Caroline du Nord, où j'ai subi une série d’opérations reconstructives.



Aaron : Ce printemps 2003 fut une période très difficile pour l’ISM. Juste quelques semaines avant que vous soyez pris pour cible, Rachel Corrie a été tuée par un bulldozer israélien à Rafah, et puis juste aprés vous, Tom Hurndall a également reçu une balle dans la tête dans la bande de Gaza et est décédé plus tard.
Pourquoi pensez-vous que l'armée israélienne ait décidé d'ouvrir le feu sur vous?
Pourquoi était-ce une époque aussi violente en Palestine?


Brian : L'armée israélienne rencontrait souvent l’ISM. Ils savaient que nous étions des activistes internationaux qui étions venus pour documenter ce qu'ils faisaient et les effets sur la population locale.
Aussi, ont-il eu une attitude très antagoniste envers nous.
Pour eux, nous étions des complices de l'ennemi.

Je pense qu’après un moment, ils sont arrivés à un point où leur philosophie générale était que si l’ISM veut aider les Palestiniens, ils seront traités comme des Palestiniens. Nous sommes devenus les victimes de la violence totalement injustifiée.

Les forces d'occupation voudraient pouvoir faire ce qu'elles veulent, quand elles le veulent dans les territoires occupés. Ils n'aiment pas le fait que des gens y documentent ce qu'ils font, qu’ils soient témoins de ce qu'ils font - ils veulent pouvoir traiter les Palestiniens comme cela leur convient et partir.

Ils veulent tuer et harceler en toute impunité.



Aaron : Vous avez mentionné que quand vous étiez à Jenine, vous aidiez les gens dans la ville qui étaient sous couvre-feu. Pouvez-vous décrire ce quels sont les effets du couvre-feu en Palestine et ce que vous faisiez pour aider les gens ?


Brian : Quand j’ai reçu une balle, la ville était sous couvre-feu, et certains froncent les sourcils et demandent : "Il y avait un couvre-feu. Que faisiez-vous dehors?"


C’était très critique pour nous d’être dehors pendant le couvre-feu. Un couvre-feu est à la base un bouclage total de 24 heures du secteur. Personne n'est autorisé à être dans ou à l’extérieur de leur maison ou de la ville, et les militaires ont le contrôle total du secteur. C'est une mainmise totale sur la vie.

Ces couvre-feux peuvent se prolonger pendant des jours et parfois pendant des semaines. Dans la plupart des villes de Cisjordanie , même la nuit il y a un couvre-feu et vous êtes susceptibles d'être abattus sur place par un soldat si vous êtes dehors.


Mais puisque le couvre-feu était aussi long, les personnes locales ont cessé de le respecter. Certains manquaient de nourriture ou de médicaments, il y avait des femmes qui s’apprêtaient à accoucher, et il y avait beaucoup de situations qui rendaient nécessaire une violation du couvre-feu.

Les gens doivent survivre, et c'est quelque chose que les Israéliens ne respectent pas.
Les gens sont devenus paralysés par le couvre-feu, particulièrement les gosses.
Il y avait beaucoup de gosses à l’extérieur dans les rues de Jenine, sous les yeux des militaires, et ils ne semblaient pas trop gênés par les gosses.

Nous parlions même aux soldats en plein jour, et il n'y avait aucune indication qu'ils pouvaient penser que ce que nous faisions n’était pas bien.


Pendant le couvre-feu, il y avait des gens dehors, et ils ont été abattus pour avoir été dehors pour des raisons légitimes. Cela inclut le personnel médical, les ambulances, et les secouristes.

Il y a beaucoup de documentation sur le fait que ces personnes ont été prises pour cible et tuées parce que l'armée israélienne ne respecte pas leur travail.
L'ISM essaye d'aider ces personnes dans ces situations.


Aaron : Vous avez reçu une balle qui a traversé votre visage et vous avez survécu.
Vous êtes retourné aux Etats-Unis pendant un an et demi.
Pouvez-vous décrire le processus de rétablissement et comme est votre vie maintenant ?



Brian : Ca a été très difficile et frustrant. La balle a brisé tous les os du côté gauche de mon visage, et les médecins ont donc dû reconstruire tous ces os en utilisant des greffes d'autres parties de mon crâne.
J'ai perdu beaucoup de dents qui ont dû être remplacées.
Ma mâchoire et mon nez ont dû être reconstruits.
Je ne peux pas respirer par une partie de mon nez et j’ai un très petit sens de l'odorant.
J'ai la vision brouillée, et mon oeil gauche est endommagé de manière permanente. J'ai également dû avoir un bon nombre de chirurgie esthétique pour les cicatrices et sur mon nez. Ce sont des blessures tout à fait visibles.

C'est un processus très difficile. J'ai été vraiment arrêté dans ce que j’aimerais faire en termes d'emploi.
J'ai pu faire plusieurs prises de parole en public pour parler de la Palestine, et cela m'a aidé un peu.



Aaron : Vous êtes de retour en Israël maintenant, et vous porter votre affaire devant la cour suprême israélienne. Pouvez-vous approfondir ?


Brian : Je travaille sur une action criminelle et civile. Par le biais de mon avocat, j'ai soumis une pétition à l’avocat général militaire pour lancer une enquête criminelle.
Deux de ces pétitions ont été présentées et tous les deux ont été ignorées, aussi finalement nous avons dû soumettre une pétition devant la cour suprême pour forcer les militaires à prendre une décision à lancer une enquête.

J'espère vraiment qu’ils approuveront l’enquête. Je voudrais celui qui m'ai tiré dessus soit accusé et condamné.


Aaron : Qu'espérez-vous sortir de tout cela?

Brian : J'espère vraiment obtenir un sentiment que la justice a été rendue et que la responsabilité sera prise en compte face au fait qu'un crime sérieux a été commis.

Je voudrais voir le responsable de ce crime affronter les répercussions de ses actes.

L'aspect personnel est de voir quelqu'un obtenir la justice qu'il mérite et que l'armée israélienne assume la responsabilité de ces crimes de guerre.

Ce qui m’est arrivé est très typique parmi les Palestiniens. La seule chose peu commune en ce qui me concerne est que je suis un citoyen américain. Des Palestiniens étaient abattus presque chaque jour à Jenine et aucun soldat n'a été jamais condamné pour avoir assassiné un civil palestinien.

C'est un système très injuste en Israël.

S'il est possible que je puisse apporter un peu de justice, si tout va bien cela renversera les rôles pour que les gens pensent à ce que font ces soldats et avec quoi ils repartent.

J'espère que cela mettra une certaine pression sur les militaires et que le gouvernement imposera une politique pour qu’ils changent leur processus décisionnel.

Source : www.palsolidarity.org

Traduction : MG pour ISM-France

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