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ISM France - Archives 2001-2021

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Israël -

Même dans le refus, il n’y a pas d’égalité

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L’histoire de la discrimination entre les consciences des filles et des garçons se raconte en nombres et en pourcentages. Entre la création de la Commission de réforme pour raisons de conscience en 1995, et 2002, la commission a reçu 150 demandes de jeunes gens. Six candidats ont reçu une exemption, 4 %.
Chez les filles, c’est le contraire. Chaque année, quelque 120 à 180 filles ont fait une demande. 173 en 2002. 118 d’entre elles ont été exemptée par la commission, et 23 en appel, en d’autres termes, 80 %.

Les refuzniks femmes ont toujours pris parti à la lutte, dès le début, et partagent la même idéologie, mais l’armée les réforme du service, alors qu’elle envoie les jeunes hommes en prison.

Un soir il y a deux semaines, un petit groupe de jeunes se réunissait dans une maison particulière de Tel Aviv pour ce qui ressemblait à n’importe quelle fête d’adolescents, qui se connaissaient tous très bien. Mais la raison de cette fête était très différente des autres : c’était un adieu à des amis sur le point d’entrer en prison.

La plupart des participants avaient signé la "Lettre des Terminales 2001", la moitié environ de garçons et le reste de filles, et refusent la conscription dans l’armée. Le lendemain cinq des garçons se rendaient à la Prison Militaire No 6, d’où ils sortiront dans un an pour avoir refusé de servir, pour raison de conscience et opposition à l’occupation.

Ce même matin, les filles reprenaient leur service national civil, qu’elles accomplissent à la place du service militaire, parce qu’elles ont refusé pour les mêmes raisons que les garçons.

"La petite différence" (en français dans le texte NdT) entre les sexes, sujet de louanges en France, inclut en Israël la présomption que la conscience aussi est différente. Cette discrimination, ainsi que la question du gagnant et du perdant, n’a pas échappé à l’attention du groupe de jeunes refuzniks garçons et filles.

Quand, ensemble, ils ont signé la "Lettre des Terminales", ils étaient le premier mouvement refuznik égalitaire, avec un nombre équivalant des deux sexes.

Plus tard, les garçons ont commencé à servir, puis à aller en prison et devenir des héros, avec leur propre site Internet et leurs photos sur des T-shirts.

Le séjour en prison devint dramatique, l’essence de leur lutte, et à ce moment commencèrent des attaques, sur le fait que les filles ne faisaient pas assez pour soutenir les garçons.
Quant aux filles, elles refusaient avec véhémence de devenir pom-pom girls pour les garçons. Cette crise est maintenant du passé. Ce qui en reste est l’argument fondamental sur l’essence de la société israélienne, toujours captive de la mythologie machiste.

"Le tribunal nous a donné un certain droit en nous envoyant en prison, parce que la protestation est efficace à un certain prix. L’armée refuse aux filles la capacité de payer ce prix," disait Shimri Tzameret, la veille de partir en prison.

Noa Levi, co-signataire de la Lettre des Terminales, et qui effectue son service national dans l’association Alon pour le Changement Social par l’Education, reconnaît que l’argument a été soulevé de nombreuses fois dans le groupe.

"Il y a des garçons qui pensent que ce serait mieux si nous aussi allions en prison, et que c’est un privilège qu’on nous refuse, mais d’autres pensent que les femmes jouissent d’un privilège, en ce que leur conscience est reconnue, quoique d’une manière vraiment insultante".

Deux semaines plus tard, les garçons étaient déjà en prison, et les filles seules, après une journée de travail épuisante au service national, arrivaient à une réunion dont l’axe politique principal était féministe.

L’absence marquante des garçons était alors l’expression la plus tangible de la manière dont l’armée entretient les images et la lutte de pouvoir patriarcal, même lorsque le sujet est le refus de servir dans l’armée.

Les garçons refuzniks ont toujours plus de valeur, et méritent d’aller en prison, alors que les filles, qui ne sont idéologiquement parlant pas moins « criminelles » que les garçons, ont été envoyée faire un travail qui a une dimension décidément féminine, au lieu du service dans l’armée.

"J’ai toujours su, avec des mots enfantins, que je n’irais pas tirer sur des gens ou même porter une arme", raconte Dona Bar, 18 ans. "Ce n’est qu’en Seconde, quand j’ai rencontré un refuznik pour la première fois, que je me suis rendu compte que ça avait un nom."

Elle a écrit une lettre à la Commission de Conscience de l’armée avant même de recevoir sa première feuille de route.

"Cette commission était un vrai cirque. Quelques hommes âgés ont commencé à m’expliquer que je n’étais pas vraiment pacifiste. J’ai répondu que d’après moi, la violence est comme un match de ping-pong où la balle passe sans cesse de l’un à l’autre, mais si quelqu’un s’arrêtait, la balle s’arrêterait. " dit-elle.

Puis, "un religieux qui faisait partie de la commission s’est mis à m’engueuler—qu’est ce que je connaissais au tennis, parce qu’il se trouve être joueur professionnel.
Nous avons discuté un peu, puis ils ont amené mon copain, que j’avais comme témoin, et trois secondes plus tard, j’avais mon exemption
."
Dona Bar s’est portée volontaire pour le service national, qu’elle accomplit aux urgences de l’hôpital Tel Hashomer .


Des exemptions faciles

L’expérience d’Eilat Maoz à la Commission de Conscience a aussi été frustrante. Dès l’âge de 14 ans, elle s’était préparée pour ce moment, mais quand le moment est arrivé, ils l’ont surtout questionnée sur ses habitudes.
La question cruciale était : "Que feriez-vous si tous nos ennemis traversaient la frontière ?" Maoz, jeune femme dotée d’une idéologie solide, répondit : "J’ai plus peur de votre choix de l’ennemi et des frontières."

Le témoin qu’elle devait faire comparaître, comme on le lui avait demandé, ne fut même pas appelé à la barre. Quelques jours plus tard, elle a reçu son exemption.
Depuis lors, Eilat fait son service national avec Green Action (Action Verte), association à but non-lucratif qui milite pour un changement socio-environnemental.

Pour Inbal Kaplan comme pour Noa Levi l’assassinat d’Yitzhak Rabin se révéla être une faille idéologique. Un peu ironiquement, elles se surnomment « les filles aux bougies ». Inbal Kaplan raconte que, même petite fille, elle savait qu’elle ne s’engagerait pas, parce qu’elle est pacifiste, mais après l’assassinat de Rabin, elle est devenue plus active politiquement.

Dès la 4ème, sa meilleure amie Ravit commença à se préparer pour la scène de sa vie : témoin pour Inbal Kaplan, à l’audience de la Commission de Conscience, et prépara « un discours incroyable ».


Sauf qu’elle n’eut même pas la chance de le prononcer.

A la place, sa rencontre avec la commission devint "une rencontre entre cinq gros hommes et une petite fille pacifiste.", selon ses paroles. "Ils m’ont laissé comprendre qu’à cause de moi, la sécurité de l’Etat serait détruite. J’ai eu très peur."
Elle travaille maintenant comme bénévole dans le service national dans une institution de handicapés mentaux, et elle est heureuse pour son amie Ravit, qui vient de finir une formation d’officier avec d’excellentes notes.

Contrairement à Inbal Kaplan, dont la famille a refusé de façon démonstrative de la soutenir dans sa situation difficile, Noa Levi, 19 ans, vient d’une famille gauchiste très militante. Elle aussi a été poussée à l’action politique par l’assassinat de Rabin.

"Ce n’est pas seulement qu’ils nous ont crié dessus : ‘Rabin aurait honte de vous’ quand nous avons fait une manif de refuzniks à Festirabin" se rappelle-t-elle. Festirabin ? "Oui", insiste Levi. "Quand ils ont enlevé la politique des cérémonies du souvenir, tout ce qui restait était Festirabin."

Plus tard, elle a milité avec Hadash Youth ( Jeunesse Hadash), ce qui devint le problème principal lors de son audition à la Commission de Conscience. "Ils se moquaient de ma déclaration où je disais que j’étais opposée aux guerres nationales, ils voulaient juste savoir les noms des Arabes que j’avais rencontrés. Ils ont commencé à me presser de questions là-dessus."
Finalement, on lui a demandé ce qu’elle ferait si elle n’était pas exemptée du service armé.

Elle a répondu : "J’irai en prison." Mais elle a eu son exemption facilement.


Rabin aurait honte de vous

Pendant toute cette période, les garçons du groupe ont enduré une longue « via dolorosa »de procédures disciplinaires et de détentions, période qui a culminé quand cinq d’entre eux sont passés en cour martiale il y a dix mois, où ils ont récolté un an de prison.
" Nous considérons cela comme une liberté de conscience qui a été refusée aux garçons, et pour eux aller en prison est un privilège refusé aux filles", c’est ainsi que Noa Levi résume la longue dissension interne du groupe.
"Certaines fois, les garçons ne comprennent pas que nous soyons fières d’être des civils libres, à qui on a accordé le droit d’être libérées de l’armée pour raison de conscience. Ils pensent parfois que nous avons fui la lutte."

Cependant, même parmi ces femmes, l’opinion sur le sujet n’est pas uniforme. "Je ne considère pas la facilité qui nous est accordée pour être exemptée comme un privilège", dit Kaplan. "C’est juste un droit fondamental, et ce sont les garçons qui en sont privés."

Cependant, elle raconte que les garçons leur en voulaient, et qu’elle avait entendu des accusations de leur part disant qu’elles passaient devant la Commission de Conscience, qui ne laisse pas partir les garçons, au lieu d’aller en prison.
A cela, elle répond que les garçons devraient exiger de l’armée ce qu’elle accorde aux filles.

Noa Levi comprend cette accusation. "Notre refus est un acte politique demandant un changement de consensus, et les garçons disent que si leur refus devient un acte criminel, leur action est plus forte, plus douloureuse. Ils ont raison."

La crise a culminé cet été, quand les cinq refuzniks garçons sont passé en cour martiale à Jaffa, jusqu’à suspendre toute activité pour les Terminales . "Ne pas vouloir briser le moule est ce qui a causé la crise ?", dit Levi.

"Toutes les filles avaient le sentiment de travailler pour les garçons. Il y a quatre mois, nous sommes revenues à la raison. Nous soutenons les garçons, mais notre but principal est la lutte contre l’occupation".

Après un certain temps, et alors qu’on entendait parler de mouvements de refuzniks plus couillus comme "Courage de Refuser", les filles ont appris à élever leurs voix propres.
Alors que les garçons concentraient leur lutte contre l’occupation en refusant d’y servir, les filles se focalisaient sur des activités sociales, pensant que cela servirait à réparer la société.

Cependant, elles sont obligées de reconnaître que c’est la manière violente qui marche. « Ils (Courage de Refuser) fonctionnent d’une manière macho qui perpétue le militarisme en Israël, mais leurs voix atteignent des lieux que nous sommes incapables de pénétrer »,disent-elles sobrement. "Cela produit de bons effets pour nous, et de mauvais. D’un côté, ça nous pousse sur le côté, mais d’un autre, ça élargit le cercle du mouvement refuznik".

Et en une phrase dont l’intention est d’excuser le style adopté par les membres de Courage de Refuser, qui, malgré la légère différence d’age, sont de la même génération, Noa Levi résume le changement dramatique qui a eu lieu dans la société israélienne en dix ans : "Nous avons grandi dans une société où le refus de servir était une option", dit-elle. "Les gens de Courage de Refuser ont grandi dans une réalité différente".


Ca devient dur pour les filles aussi

L’histoire de la discrimination entre les consciences des filles et des garçons se raconte en nombres et en pourcentages. Entre la création de la Commission de réforme pour raisons de conscience en 1995, et 2002, la commission a reçu 150 demandes de jeunes gens. Six candidats ont reçu une exemption, 4 %.

Chez les filles, c’est le contraire. Chaque année, quelque 120 à 180 filles ont fait une demande. 173 en 2002. 118 d’entre elles ont été exemptée par la commission, et 23 en appel, en d’autres termes, 80 %.

L’avocat Michael Sefarad, qui a présenté ces statistiques au procès du refuznik Yoni Ben Artzi, appelle cela un cas classique de discrimination contre les garçons.

Au procès des cinq refuzniks qui sont maintenant en prison, leur avocat Dov Hanin a présenté une lettre écrite par Hadas Goldman, qui devait partir au service et qui en appelait à la commission de réforme pour les filles. Elle y faisait les mêmes objections à l’occupation que celles soulevées par les cinq garçons. Elle fut relâchée avec une grande célérité.

Au procès, l’armée a prétendu que c’était une erreur. Pour Dov Hanin, c’est une indication qu’au lieu d’être plus coulant avec tout le monde, l’armée a maintenant commencé à être dure avec les filles aussi.

On doit noter que les commissions elles-mêmes sont différentes : celle des filles est une commission civile du Ministère de la Défense qui est régie par la loi, pourvue d’une instance d’appel. Celle des garçons est militaire, avec un seul civil récemment ajouté, sur la recommandation de la Haute Court de Justice, exprimée pendant une session de l’appel de Ben Artzi.

Source : www.haaretz.com/

Traduction : J-L Mercier

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