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Nabi Saleh -

Nabi Saleh : “La résistance, c'est pour l'avenir de nos gamins”

Par

Témoignage de Markus Fitzgerald, militant ISM (son nom a été changé).

Dans la soirée du 26 juillet, plusieurs messages sont arrivés sur Twitter, venant de Nabi Saleh : "4 jeeps de l'armée et une vingtaine de soldats sont à notre porte," disait Manal Tamimi, et, plus tard, "pour le 3ème jour d'affilée, l'armée envahit le village avant iftar." Depuis la fin de 2010, Nabi Saleh fait face à des raids israéliens quasi quotidiens et le mois religieux de Ramadan ne fait pas exception. Le repas d'Iftar, en fin de journée, réconforte les populations qui jeûnent. Dans le petit village, à à peine 15 minutes au nord-ouest de Ramallah, des hôtes indésirables s'invitent souvent à Iftar.

Nabi Saleh : “La résistance, c'est pour l'avenir de nos gamins”

Manal Tamimi (photo ISM)
Les raisons de ces raids punitifs remontent à la fin de 2009, lorsque les villageois de Nabi Salah et des villages voisins ont lancé des manifestations hebdomadaires contre l'occupation et les colonies illégales.

En juillet 2008, les intrus de la colonie israélienne illégale d'Halamish, à 700m de Nabi Saleh, ont commencé à se servir de la source Al-Qaws pour leurs loisirs. Pour les Palestiniens du secteur, la source est vitale pour l'arrosage des terres, ainsi que pour des raisons culturelles et récréatives. Quand les colons se sont mis à aménager le site de la source, en endommageant des arbres et des biens, le propriétaire palestinien de la source a déposé plusieurs plaintes auprès de la police qui les a ignorées.

En janvier 2010, les autorités israéliennes ont décrété que la source était un site archéologique. En conséquence, les Palestiniens se sont vus interdits d'y accéder pendant que les colons illégaux y allaient quand ils voulaient. Ils ont continué à aménager le site, en infraction à un ordre de l'administration civile de stopper toute construction.

Par deux fois, les villages palestiniens du secteur sont allés devant la Haute cour de justice israélienne, en vain. Tout ce qu'ils ont obtenu, c'est de pouvoir revenir à la source, ce qu'ils n'ont guère considéré comme une victoire puisqu'ils ne peuvent toujours pas utiliser l'eau sur laquelle repose leur subsistance depuis si longtemps. En outre, ils continuent d'être très souvent privés d'accès à la source, contrairement aux colons qui y ont libre accès.

Tous les vendredis depuis décembre 2009, une marche est organisée depuis la place centrale de Nabi Saleh vers la source volée. La protestation est connue pour sa ténacité. Faire face à la puissante force militaire israélienne et endurer les raids et les arrestations qui s'en suivent sont des sacrifices que beaucoup de villageois sont prêts à faire.

Bilal Tamimi, dont la famille vit à Nabi Saleh depuis des générations et est père de 4 enfants, participe et documente les protestations populaires depuis le début.

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Bilal Tamimi


Il explique que Nabi Saleh ne manifeste pas seulement pour la récupération de la source, mais contre l'occupation israélienne dans son ensemble. Depuis qu'Halamish a été établie, en toute illégalité, en 1977, elle n'a cessé de croître et d'empiéter sur des terres palestiniennes. Ce vol de terre est approuvé ou ignoré par les autorités israéliennes qui nient à la population palestinienne le droit à sa terre et violent le droit international.

La résistance non violente est l'une des initiatives les plus dangereuses, du point de vue des occupants. Elle est tenace et perturbe la normalisation de l'occupation, qui ne peut y mettre fin sans nuire à l'écran de fumée démocratique d'Israël.

La participation collective de la société palestinienne dans son ensemble (hommes, femmes et enfants) ainsi que des activistes internationaux et israéliens est un facteur important dans ces protestations populaires.

L'épouse de Bilal, Manal Tamimi, qui est elle-même une manifestante active, dit que lorsque les soldats israéliens se retrouvent face à face à des femmes et à des enfants, cela a sur eux un impact particulier. Les femmes représentent la moitié des participants aux manifestations à Nabi Saleh, et beaucoup d'entre elles ont des rôles de direction, ce qui contredit les préjugés qui continuent d'infiltrer le discours dominant.

Photo
Manifestation du 27.05.2012 - Les femmes se réapproprient la source de Nabi Saleh (photo Anne Paq)


Bilal souligne l'importance du travail d'information post-manifestations que font les activistes internationaux et israéliens qui se joignent aux protestations hebdomadaires. Des militants de divers pays du monde entier partagent des témoignages, des photos et des histoires sur Nabi Saleh et ces actions ont un énorme impact sur le sort du village.

L'armée israélienne a modifié ses tactiques à Nabi Saleh au cours des deux dernières années. Les invasions brutales du village lors des manifestations du vendredi ont eu un impact négatif sur les médias internationaux présents. Tandis que les 10 heures d'attaque des vendredis ont un peu perdu de leur brutalité, les raids les autres jours ou la nuit ont considérablement augmenté, avec une pression accrue sur les vies des résidents, en coulisses et loin des médias.

Manal et Bilal Tamimi vivent depuis leur enfance avec la violence de l'armée israélienne. Arrestations arbitraires, dont celles d'enfants, attaques nocturnes, violence militaire et discrimination systématique ne sont qu'une partie de ce qu'ils ont vécu, dont les raids des deux dernières semaines ne sont que la suite.

Plutôt que de montrer la réponse militaire lourde aux manifestations civiles, la plupart des photos qui font surface dans les médias dominants sur la Cisjordanie se fixent sur des jeunes masqués qui jettent des pierres.

Bilal Tamimi sait que les pierres ne changeront pas le cours de l'histoire de façon directe.
"Mais que feriez-vous si quelqu'un vous volait depuis plus de 60 ans, sans absolument aucune conséquence à part un soutien occidental généreux ?" interroge Bilal.

Le 23 janvier 2011 à 3h du matin, des soldats israéliens se sont emparés d'Islam Tamimi, 14 ans, dans son lit. Il a été interrogé et maintenu éveillé pendant les 12 heures suivantes. Sans être informé de ses droits à se taire ou à demander la présence d'un parent, le jeune garçon terrifié a commencé à raconter les histoires que la police israélienne voulait entendre. Ses "aveux" obtenus sous ce qui s'assimile à de la torture ont été utilisés pour condamner Bassem et Naji Tamimi, membres du comité populaire de Nabi Saleh.

Cet incident est l'un des nombreux qui concernent les mineurs de Nabi Saleh. Actuellement, 4 garçons sont en prison pour jets de pierre.

Manal Tamimi elle-même a été arrêté en décembre 2009. Son fils Samer, qui avait 3 ans à l'époque, a vu les soldats israéliens la battre et la traîner par terre.

De nombreux habitants éloignaient leurs gamins chaque vendredi pendant les heures de manifestations, mais comme il est apparu que la situation ne changerait pas, Bilal et Manal, parmi d'autres, ont commencé à emmener leurs enfants aux protestations.

Bien que ce soit une décision difficile à prendre, Manal explique que les parents ont fait appel à des psychologues et des spécialistes pour traiter les gamins perturbés. La peur de l'armée israélienne était le problème principal.

"Il nous fallait briser ce mur de peur chez nos enfants pour être à même de continuer la lutte à l'avenir," dit-elle.

"La résistance," ajoute Bilal, "c'est pour l'avenir de nos enfants, pour qu'ils puissent grandir et réaliser leurs rêves, et leurs enfants après eux."

Son fils Osama, 16 ans, a été admis dans une école à Jérusalem, mais les autorités de l'occupation lui ont interdit l'entrée dans la ville "pour des raisons de sécurité". Il a trouvé un collège à Ramallah mais Bilal voit clairement la déception et la perte d'enthousiasme dans les yeux de son fils.

"C'est un moyen de mettre une population en échec. Voler leurs rêves est bien pire que briser leurs os, et il faut que nous combattions ça, et que nous apprenions à nos enfants comment combattre," dit Manal.

Son plus jeune fils, Samer, 6 ans, est connu comme "Spider Man" à cause du costume qu'il porte pendant les manifestations. Samer a réussi à surmonter beaucoup de ses peurs.

Pendant un raid nocturne dans la maison familiale il y a un mois, Samer s'est réveillé, a reconnu les hommes en vert et est simplement reparti dormir pendant qu'ils mettaient la maison à sac. Une indication claire que la prochaine génération ne cèdera pas aux pressions.

Nabi Saleh n'a que 600 habitants. Ce qui signifie qu'ils sont très unis.
"Ensemble Nous pleurons, nous sourions, nous faisons la fête, nous souffrons et nous mourons," dit Manal.

Lorsque Mustafa Tamimi a été tué par l'armée israélienne en décembre dernier, ses funérailles se sont transformées en une levée massive pour la justice. L'armée de l'occupation a tiré sur les quelques 2000 personnes du cortège les mêmes grenades lacrymogènes qui avaient tué Mustafa deux jours auparavant. Les soldats ont frappé plusieurs femmes et il y a eu des arrestations.

L'occupation israélienne est omniprésente dans toute la Palestine, elle entre dans les vies privées de tous les Palestiniens. La dernière personne à être tuée n'a pas encore été tuée. La dernière colonie illégale n'a pas encore été construite, la source d'eau claire de Nabi Saleh est devenue un souvenir et un rêve.

Pourtant, face aux armes, "Spider Man" continue de sourire à l'une de ses quêtes les plus difficiles.

Photo
Samer "Spider Man" Tamimi



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