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Gaza -

Pourrir dans la "zone tampon" ou "la paix d'Israël"

Par

Ahmed Abu Hashish, bédouin de 18 ans d’une communauté rurale du nord de la Bande de Gaza, manquait depuis 54 jours. Un berger avait remarqué un vol de corbeaux au-dessus d’un pan de terre, d’où émanait une odeur très forte, mais il n’avait pu approcher assez près pour voir ce que c’était. Ce secteur est ce qu’Israël appelle la « zone tampon », une bande de terre à l’intérieur de « La Bande », le long de la frontière avec Israël, et dont l’armée israélienne applique l’interdiction en tirant depuis des positions de l’autre côté de la frontière sur quiconque y pénètre. Elle ressemble à un no man’s land, vide de gens - ou du moins de gens en vie.

Pas de greffon vidéo disponible...

Bien sûr la plupart des Gazaouis choisissent maintenant de ne plus y aller. D’autres continuent, par nécessité, par désespoir, ou par détermination, pour montrer qu’ils ne se laisseront pas chasser de leur terre. Habituellement, ils survivent. Les soldats ne tirent pas toujours dans la ferme intention de tuer. Souvent les tirs passent très, très près, assez près pour terrifier. Assez près pour faire croire que le but des tirs est de tuer, et que le prochain touchera sa cible. Et le fait est que le prochain peut l’atteindre.

Abu Ayesh, le père d’Ahmed, savait que c’était vraisemblablement sur ce pan de terre que son fils gisait, se décomposant lentement dans la chaleur de l’été. Aucune organisation « officielle » n’a pu ou voulu l’aider à chercher le corps de son fils dans cette zone - même le Comité International de la Croix Rouge, qui peut normalement se coordonner avec l’armée israélienne dans ce genre de cas, a refusé. Il a alors demandé assistance à l’Initiative Locale de Beit Hanoun et au Mouvement International de Solidarité, ISM.

Le dimanche 14 juin, des membres de la famille d’Ahmed, dont son père, et des volontaires de l’Initiative Locale de Beit Hanoun et d’ISM se sont « aventurés » dans la « zone tampon ». Alors que nous nous étions organisés en ligne pour ratisser le terrain à la recherche du corps, nous pouvions voir les jeeps et les hummers israéliens rassemblés juste de l’autre côté de la grille frontalière, en face de nous. N, d’ISM, a expliqué aux soldats, par mégaphone, le but de notre présence, et notre statut de civils. Beaucoup d’entre nous portaient des gilets réfléchissants, montrant clairement que nous étions un groupe de civils.

A peine nous commencions nos recherches que les premiers tirs sont partis. La terre sur laquelle nous avancions est cabossée, parsemée de buissons d’épineux. Nous maintenir en ligne et nous assurer qu’aucun morceau de terre n’échapper à notre examen s’est avéré difficile dans ces conditions - traçant notre chemin parmi les buissons, examinant le sol autour de nous et tentant instinctivement d’éviter les balles qui écorchaient l’air dans un sifflement très audible.

Nous nous dépêchions, et les tirs croissaient et décroissaient - quelquefois des tirs de fusils d’assaut, quelquefois de mitraillettes, ponctués de l’explosion spécifique. Les soldats étaient visible debout sur leurs jeeps, ou au sol, juste contre la grille. N a continué à leur demander d’arrêter de nous tirer dessus. Soudain, nous avons repéré le corps d’Ahmed. Alors que deux des bédouins s’en approchaient et commençaient à s’agenouiller pour l’examiner, les tirs ont soudain redoublé, directement sur eux. Ils se sont écartés du corps pour se mettre à l’abri. Notre groupe a convergé à l’endroit où était le corps. Nous avons commencé à l’envelopper dans un drap pour le transporter hors du champ. L’odeur de la décomposition était nauséabonde, et un coup d’œil rapide à l’état du corps, qui venait de passer 54 jours à l’air libre, était suffisant pour donner des haut-le-cœur.

Alors que nous nous dépêchions à emmener le corps d’Ahmed, les tirs se sont intensifiés. Nous nous éloignions tous de la barrière. Nous avons crié aux soldats, par mégaphone, que nous avions trouvé le corps et que nous partions. Le père d’Ahmed, angoissé et en pleurs, tentait à toute hâte de rattraper ceux qui portaient le corps de son fils, pleurant eux aussi. Les balles ont continué à siffler au-dessus de nos têtes, ou au sol juste derrière nous.

Lorsque finalement nous nous sommes trouvés hors de portée des fusils des soldats, j’ai été frappée par le fait que notre présence dans ce secteur, ce jour là, n’était certainement pas une surprise pour eux. Il est plus que vraisemblable que ceux sont eux qui ont tué Ahmed, de sang froid, 54 jours auparavant. Ils savaient où gisait le corps. L’armée israélienne n’en a jamais informé personne. Ils n’ont transmis aucune information du meurtre d’Ahmed à sa famille. Au lieu de cela, ils ont attendu presque deux mois, sachant qu’à un moment donné, et en dépit du danger, les recherches seraient lancées pour retrouver le corps.

Quel besoin de tirer sur un groupe de civils en mission humanitaire ? Quel besoin de nous tirer dessus alors que nous partions ? Quel besoin d’obliger un père en deuil à faire face à sa propre mortalité, au moment même où il est contraint d’admettre celle de son fils ?

Source : Palsolidarity

Traduction : MR pour ISM

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