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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

Tenter d’aller voir sa famille à Ramallah : une “menace à la sécurité”

Par

Asa Winstanley est un journaliste indépendant et rédacteur en chef adjoint du Palestine Times et du Jerusalem Media and Communications Center. Il a vécu à Ramallah occupé.

Après avoir pris le premier autobus de la journée, ma femme et moi sommes arrivés du côté israélien du King Hussein Bridge (Allenby Bridge, ou Jisr Malik Hussein, en arabe), pour entrer en Cisjordanie depuis la Jordanie. Nous avons expliqué que nous allions passer trois semaines à Ramallah, pour voir la mère et les frères de ma femme. Nous avions suivi exactement la même procédure l’année dernière, sans problème. Cette année, cependant, on m’a demandé d’attendre.

Tenter d’aller voir sa famille à Ramallah : une “menace à la sécurité”

Ma femme est palestinienne, née à Ramallah, où nous nous sommes rencontrés il y a quelques années. Nous nous y sommes mariés, et sa famille vit toujours à Ramallah. Nous sommes allées vivre et travailler à Londres, mais nous essayons de revenir une fois par an. Parce qu’Israël contrôle toutes les entrées en Cisjordanie , un voyage prévu pour être une visite familiale pendant les congés de mai s’est rapidement transformé en problèmes avec l’occupation.

Quatre heures après qu’on ait pris mon passeport, je n’avais toujours pas été informé de quoi que ce soit. J’ai commencé à râler, et on m’a dit que mon passeport était « à la sécurité ». Quelques heures plus tard, on m’a emmené dans une pièce à l’écart et j’ai été interrogé par un agent « de la sécurité » à la carrure imposante. Il m’a posé diverses questions sur le but de ma visite, en même temps qu’il saisissait sur son ordinateur.

Il voulait savoir si j’appartenais à un “groupe qui aidait les Palestiniens”, et m’a demandé si, puisque j’étais journaliste, j’allais travailler pendant ma visite. Je lui ai répondu que, bien que j’aie travaillé par le passé pour le Palestine Times, ce voyage n’était que familial. Ça vous en dit long sur la nature de l’occupation israélienne, qui essaie de faire passer "l’aide aux Palestiniens” pour une sorte de crime.

Après m’avoir posé ses questions, il m’a dit d’attendre « cinq minutes » dans une autre pièce. Deux heures plus tard, j’attendais toujours.

Il ne restait plus que nous dans le terminal. Une policière est finalement venue vers moi, avec mon passeport. Après m’avoir fait attendre au total neuf heures depuis le matin, on m’a dit de revenir le lendemain. Apparemment, je ne serais autorisé à entrer que si je signais un document, mais les gens du Ministère de l’Intérieur n’étaient pas disponibles, donc je devais revenir le lendemain, lorsqu’ils seraient là. Après avoir obtenu l’assurance de la policière que je serais « définitivement » autorisé à entrer le lendemain, je suis reparti à Amman, à mes frais, pendant que ma femme allait à Ramallah.

Je suis donc revenu le lendemain matin pour découvrir que même si la policière de la veille n’était pas là, sa collègue connaissait mon cas. On m’a fait passer dans un bureau dénommé « Ministère de l’Intérieur » et on m’a présenté un document à signer. Rédigé en hébreu, avec la traduction anglaise sous chaque paragraphe, il comportait trois clauses :

1. Je n’irais “qu’à l’intérieur d’Israël” et je n’étais pas autorisé à entrer dans « les zones sous contrôle de l’Autorité Palestinienne sans autorisation préalable du Coordinateur des Actions du Territoire ».

2. Si j’entrais dans « toute zone sous contrôle de l’Autorité Palestinienne », je pourrais être expulsé et me voir signifier une interdiction d’entrée en « Israël … allant jusqu’à 10 ans. »

3. Mon autorisation de visite en « Israël » était pour deux jours, et si je souhaitais une extension, je devais faire un versement de 20.000 shekels (3.700€), qu’on me rendrait au retour.


Après avoir attendu deux jours, juste pour ça, j’étais furieux. Je leur ai demandé pourquoi ils ne m’avaient pas dit tout ça la veille, mais ils n’ont rien répondu de bien cohérent.

J’ai demandé : « Qui est le coordinateur des Actions du Territoire ? »
Réponse : « C’est nous. »
- Est-ce que j’ai la permission de voir ma famille à Ramallah ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Raisons de sécurité.
- Lesquelles ?
- Nous ne pouvons pas vous le dire.

Et voilà.

Je suis resté deux jours à Jérusalem, où j’ai rencontré quelques amis avant de repartir. Je n’ai eu aucun problème pour sortir. J’ai ensuite retrouvé ma femme, sa mère et ses frères à Amman, Jordanie, où nous avons passé deux semaines de vacances.

L’« Etat d’Israël » considère donc un Gallois maigrichon de Londres comme une menace à la sécurité, simplement parce qu’il veut aller voir sa famille à Ramallah ? J’aimerais me flatter d’inquiéter les autorités d’occupation, mais non : c’est simplement leur manière de traiter quiconque veut aller en Palestine.

Les exemples abondent et sont recensés par la Campagne pour le Droit d’Entrer. La cinéaste palestinienne Annemarie Jacir s’est vue interdire l’entrée, lorsqu’elle est arrivée de Jordanie pour participer à la première de son film très applaudi « Salt of this Sea » (Le sel de cette mer) à Ramallah. Le film faisait partie de la sélection officielle du Festival du Film Cannes 2008, et les stars ont acclamé la poétesse et actrice palestino-américaine Suheir Hammad. La raison qu’ils ont donnée à Jacir pour justifier son interdiction d’enter dans sa patrie est très simple : « Vous passez trop de temps ici. »

Aussi mal que nous ayons été traités par les Israéliens, j’ai vu ou rencontré de nombreux Palestiniens, pendant ces deux jours que j’ai passé au passage frontalier, qui ont été traités de façon bien pire. Les premiers qui faisaient l’objet d’abus étaient les Palestiniens de la Diaspora : soit des Palestiniens nés à l’étranger venant en visite, soit des Palestiniens qui ont maintenant un passeport différent par le mariage. Il y avait une Palestinienne-Australienne qui venait de faire des milliers de kilomètres pour rendre visite à sa famille, et que pourtant les Israéliens ont refoulée. Je n’oublierai jamais ses yeux pleins de larmes, quand ils l’ont renvoyée en Jordanie. Comme je n’oublierai jamais son attitude de défi, tandis qu’elle refusait de leur donner la satisfaction de la voir pleurer.

J’ai discuté avec une Palestinienne qui rentrait à Jérusalem. « J’aimerais qu’au moins ils me donnent une réponse, quelle qu’elle soit, » lui dis-je. « Au moins je pourrais en finir avec cette attente. »

« Moi je n’ai pas le choix, » me répondit-elle ? « Je dois rentrer pour travailler. »

Ils l’ont traitée d’une manière dégueulasse. Ce n’était pas suffisant de la faire attendre pendant des heures, sans aucune information. Lorsqu’elle a osé demander, poliment, ce qui se passait avec son passeport, la réponse a fusé, sous forme de beuglement : « Va t’asseoir ! ». Le comportement classique.

Si ma femme avait été originaire de Gaza, les choses auraient été encore pire. Au moins ma belle-mère peut venir à Amman, où nous pouvons nous retrouver. Pour quelqu’un de la Bande de Gaza, aller en Egypte, même pour un traitement médical d’urgence, est pratiquement impossible (et là, nous devons accuser la dictature égyptienne soutenue par l’Occident, autant que les Israéliens).

Le second jour, j’ai également vu Jeremy Bowen, rédacteur en chef pour le Moyen Orient à la BBC, traverser le terminal. Il n’a pas été retenu plus de 15 minutes, au mieux. Mais il a du pouvoir et de l’influence. J’aurais aimé qu’ils le retiennent : il aurait pu en faire un article, mais c’est bien sûr précisément pour ça qu’il ne l’a pas été.

Les Israéliens font tout ce qui est en leur pouvoir pour obliger les Palestiniens à partir. Pour le moment, ils ne peuvent pas recommencer le nettoyage ethnique de masse de 1948 – cela s’avèrerait politiquement problématique. Alors, à la place, ils « encouragent » le déplacement indirect, lent, de la population palestinienne – le « transfert », dans le vieux jargon sioniste. Un tel traitement aux frontières, qui rend un voyage difficile ou impossible, est un autre aspect de cette politique.

Si vous avez encore le moindre doute, réfléchissez à ce simple fait : ils ne m’auraient pas fait tous ces problèmes si j’avais été marié à une juive, ou si j’étais allé voir ma famille à Tel Aviv. Une politique similaire était appelée « apartheid » en Afrique du Sud, et le monde entier a boycotté et isolé ce régime jusqu’à ce que, grâce à la lutte du Congrès National Africain (ANC) soutenue par une campagne de solidarité internationale, l’Etat ait été contraint d’accepter la démocratie.

Pourtant, le monde laisse Israël s’en tirer, alors qu’il applique une politique similaire. Il a tué plus de 1.400 Palestiniens lors du dernier round de massacre que son armée a entrepris en décembre-janvier derniers. Mais l’Union Européenne veut toujours rehausser ses relations avec Israël. Les USA, sous le Président Barack Obama, ont toujours l’intention de financer l’apartheid israélien à hauteur de quelques 3 milliards de dollars d’aide militaire, rien que pour cette année. Il est temps de se réveiller et de répondre à l’appel de la société civile palestinienne de boycotter Israël.

Il est évident que je veux revenir en Palestine, et avec ce que les fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur m’ont dit, la porte ne m’est pas totalement fermée. Il faut que j’explore les voies légales.

En ce 61ème anniversaire de la Nakba de 1948, lorsque la moitié de la population de la Palestine a été ethniquement nettoyée de sa patrie par les gangs sionistes, il est important de se souvenir, relativement parlant, que moi et ma famille faisons partie des favorisés.

Source : Electronic Initifada

Traduction : MR pour ISM

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