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Egypte - 14 février 2011
Par Sami Moubayed
Alors que les Egyptiens fêtent l'éviction d'Hosni Moubarak, beaucoup sont inquiets des plans USisraéliens et que les militaires égyptiens puissent voler et réduire la révolution. La formation d'un gouvernement civil, configuration d'un organe chargé de rédiger la nouvelle constitution, la levée de l'état d'urgence, la libération des prisonniers politiques, le démantèlement des tribunaux militaires, l'instauration de la liberté des médias, la dissolution du gouvernement récemment nommé par Moubarak, la dissolution du parlement élu en 2010 et les poursuites contre les responsables des centaines de morts parmi les manifestants font partie des autres demandes des manifestants.
Press TV a interviewé un analyste politique de Damas, Sami Moubayed, pour avoir une idée de la façon dont la population égyptienne est informée sur ce qui se passe en coulisses.
Press TV : On a dit que ce n'était pas dans l'intérêt de l'appareil militaire égyptien de transférer réellement le pouvoir à une entité civile ou à un gouvernement ou à une force de transition. Qu'en pensez-vous ?
Sami Moubayed : Même s'il y a des officiers ambitieux au sein de ce groupe, ils ne peuvent même pas penser à rester au pouvoir. Je pense qu'il faut faire la différence, ici, entre ce qu'aimeraient ces officiers – tous aimeraient certainement être un autre Hosni Moubarak, et tous, comme nous le savons, sont formés par le régime Moubarak et nourris par le régime Moubarak.
En théorie, si un officier militaire veut démissionner et se présenter à la présidence, il le peut. Il n'y a rien, d'un point de vue de la constitution, qui l'en empêche. Mais en tant que groupe militaire, avoir l'ambition de rester au pouvoir ou imposer une sorte de force militaire à l'Egypte, je pense que c'est impossible.
En tenant compte du fait qu'en Egypte, la population ne déteste pas les officiers et l'armée en général – la population avait un problème avec la police d'Etat de Moubarak ; avec ces policiers à qui ils avaient affaire tous les jours, il y avait beaucoup de frictions. Ils voient l'armée comme un niveau supérieur à l'avant-garde de l'indépendance, il n'y a donc pas de haine, comme dans certains autres pays arabes, entre les forces militaires et le peuple égyptien.
Mais ce commandement aujourd'hui au pouvoir aura-t-il des ambitions grandioses ? Etant donné la situation actuelle et ce qui a été accompli Place Tahrir en 18 jours, je pense que c'est impossible.
Press TV : Pensez-vous que les protestataires – le mouvement d'opposition – surveillent de près les faits et gestes de l'armée en ce moment ? S’ils voient la moindre déviation de la voie que veut le peuple, redescendront-ils à nouveau en masse dans les rues ?
Sami Moubayed : Je pense qu'il faut noter deux choses : d'abord que les gens sont très prudents à ce stade. Les manifestants qui ont passé les 18 derniers jours sur la Place Tahrir savent ce qu'il a fallu pour se débarrasser de Moubarak. Mais maintenant que Moubarak est parti, beaucoup d'entre eux sont inquiets que quelqu'un vienne détourner leur révolution, que ce soit el-Baradei, Amr Moussa ou d'autres officiers militaires, comme mentionné plus haut.
Je pense donc qu'il y a un sentiment très fort d'alerte par rapport à ce qui pourrait arriver, étant donné que certains de ces officiers sont proches des Etats-Unis, étant donné la déclaration faite aujourd'hui selon laquelle les officiers respecteront tous les traités internationaux signés par le régime précédent, qui comprennent le traité de Camp David signé par Sadat. C'est une chose, il y a donc un sentiment de "attendons de voir ce qui se passe".
Mais s'il y a la moindre déviation par rapport aux exigences de ces jeunes Egyptiens, les dés ont déjà été jetés et il y a le sentiment, dans les rues d'Egypte, que s'il se passe quelque chose que nous n'apprécions pas, nous redescendrons dans les rues. Si nous avons fait partir Moubarak, nous pouvons forcer n'importe quel régime, qui viendra ensuite, à se conformer à nos exigences.
Y a-t-il un sentiment de crainte générale de la part de ces officiers ? Il existe un sentiment de crainte que quelques-uns de ces officiers, ou Amr Moussa, ou El Baradei, ou quelqu'un d'autre puissent essayer de détourner la gloire de la révolution ; mais pour l'instant, c'est attendons de voir.
Press TV : Comment voyez-vous le rôle de la direction en ce moment avec ce mouvement ? Selon vous, que doivent faire les dirigeants ?
Sami Moubayed : D'abord, les manifestants de la révolte du 25 janvier doivent décider qui dirige. Jusqu'à aujourd'hui, ce qui est si incroyablement unique dans cette révolution, c'est qu'elle n'est représentée par aucune personnalité, contrairement aux autres révolutions dans l'histoire contemporaine.
En Egypte en 1952, si vous vouliez parler à quelqu'un qui représente la révolution, vous alliez voir le Général Néguib ou le Colonel Nasser. A ce stade, en Egypte, vous n'avez pas une seule personne qui représente ces masses ; il faut donc quelqu'un de jeune et qui soit accepté par la population égyptienne dans son ensemble, qui se présentera probablement soit aux prochaines élections législatives puisque le parlement est dissous, soit sera représenté dans le gouvernement à venir et qui finalement se présentera à la présidence égyptienne.
Nous avons besoin d'un leader. Le fait de n'avoir aucun leader parmi ces masses, qui fut parfait pour ces derniers 18 jours, ne fonctionnera plus parce que si cet état de fait se poursuit un seul jour de plus, cette révolte sera submergée et, comme je l'ai dit plus haut – détournée, utilisée et abusée par les hommes politiques qui tous, essaieront de prendre la main pour eux-mêmes ou pour leur parti – et ces gens sont établis, ils ont des masses derrière eux et des capacités d'organisation, et c'est ça que les jeunes d'Egypte ne devraient pas laisser faire.
Ce n'est pas la révolte d'un occupant ; ce n'est pas la révolte des Frères musulmans égyptiens ; c'est la révolte de la jeunesse égyptienne et c'est là qu'est le vrai défi pour la période à venir.
SC/PKH
Source : Press TV
Traduction : MR pour ISM
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