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ISM France - Archives 2001-2021

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Ramallah -

Abdullah Abu Rahme : "Nous perdrons notre terre si nous ne faisons rien"

Par

Bil`in, un petit village de cultivateurs palestiniens situé à 4km à l'est de la Ligne Verte, est une communauté de Cisjordanie menacée.
Le tracé prévu du mur passera à quatre mètres de la dernière maison de Bil`in et dévorera plus de la moitié des terres du village, pour "protéger" la colonie voisine de Modiin Illit, où plusieurs des colons évacués de Gaza seront réinstallés.

Maintenant qu'Israël a retiré ses colons et ses Forces de Sécurité de la bande de Gaza, l'objectif s'est déplacé en Cisjordanie , où les colonies juives s'accroissent et une barrière de séparation continuent de contribuer à l'annexation des terres palestiniennes.

Bil`in, un petit village de cultivateurs palestiniens situé à 4km à l'est de la Ligne Verte, est une communauté de Cisjordanie menacée.
Le tracé prévu du mur passera à quatre mètres de la dernière maison de Bil`in et dévorera plus de la moitié des terres du village, pour "protéger" la colonie voisine de Modiin Illit, où plusieurs des colons évacués de Gaza seront réinstallés.

Depuis février, quand Bil`in a reçu une sommation des militaires que ses terres seraient confisquées, ses 1600 habitants ont tenu plus de 50 manifestations non-violentes qui sont devenues un modèle de solidarité et de créativité dans l'ensemble de la Cisjordanie .

Les forces israéliennes ont blessé plus de 350 Palestiniens en utilisant une variété de munitions expérimentales de dispersion de foule, beaucoup de Palestiniens ont été détenus et battus et le village a été soumis chaque semaine à un couvre-feu militaire.

Le commandant du secteur de l'armée israélienne, Tzachi Segev, a dit que : "Plus les actions contre la barrière seront fortes, plus nos opérations le seront".

Abdullah Abu Rahme est le chef de la communauté de Bil`in et un membre important de la section du Comité Populaire Contre le Mur et les Colonies de Bil`in qui organise les manifestations hebdomadaires.

Il a été battu, arrêté, interrogé et menacé au milieu de la nuit par les Forces israéliennes, mais il s'est promis de continuer à mener la lutte non-violente contre le mur et contre l'expansion des colonies.

Abu Rahme a parlé par telephone à Aljazeera.net depuis sa residence à Bil`in.

Aljazeera.net : Parlez-nous de Bil`in.

Abdullah Abu Rahme : Bil`in est un petit village de cultivateurs qui se trouve environ à 17km à l'ouest de la RamAllah. Avant l'occupation de la Palestine en 1948, Bil`in dépendait de la municipalité d'Al-Ramle. Nous avions 1700 habitants. La plupart étaient des fermiers.

En 1979, des colonies israéliennes ont été établis sur une partie de nos terres.
En 1991, 1300 autres dunams de terres agricoles ont été confisqués par l'état d'Israël pour la construction de la colonie de Kiryat Sefer.
200 dunams d'oliviers sont restés entre les mains des Palestiniens. Elles ont été ensuite vendues grâce à des contrefaçons en 2003.


Comment la barrière de séparation israélienne affecte-t-elle votre village?

Bil`in perdra 1000 autres dunums derrière le mur.

Bil'in possède 4000 dunums de terre. Les colonies et le mur ont confisqué 2300 dunums – soit plus de la moitié. La majeure partie de cette terre était utilisée pour la culture des oliviers et en tant que terres à paturâge pour le bétail.

Cette bande de terre se trouve entre les deux anciennes colonies et le mur, ce qui montre le véritable but derrière le mur : annexer la terre et agrandir les colonies.

Il y a deux ans, soit fin 2003, Israël a commencé à construire une nouvelle colonie - MattitYahu-Est - sur notre terre, tout simplement sous le prétexte d'agrandir la plus ancienne, appelée MattitYahu. Pourtant, il n'a aucun occupant et le but est juste de construire pour confisquer plus de terre. De plus, il y a un plan pour construire deux nouveaux avant-postes sur le reste de la terre.

Ils disent qu'il y a "des portes" qui nous permettront d'aller sur nos terres, mais à ce rythme, nous n'aurons plus aucune terre. Ils la détruisent en l'isolant d'abord, en nous empêchant d'y accéder et ainsi elle s'assèche, alors ils la revendiquent en tant que propriété négligée qui doit être rendue à l'état, en se basant sur une vieille loi Ottomane qui dit que si la terre n'est pas entretenue pendant plus de 10 ans, alors elle devient propriété de l'Etat.

Nous sommes des fermiers et nous semons la terre pendant la saison d'été et nous moissonnons en automne. Ainsi en été, elle donne l'impression de ne pas être entretenue et c'est à ce moment qu'ils viennent l'expertiser.
Et c'est la méthode par laquelle ils prennent notre terre. C'est la terre où le blé est semé.
Les oliviers sont encerclés par le mur.


Quel est l'impact économique sur votre village?

Nous dépendons de la culture des olives. C'est notre principale source de revenu et notre vie. 60% de villageois sont des fermiers qui dépendent de la vent d'huile d'olive et d'olives. Leur futur est en péril.

5 à 10% dépendent du bétail, et puisqu'une partie de la terre qui a été prise par le mur était destinée au paturâge du bétail, il n'y a aucune chance pour qu'ils puissent continuer, ils sont donc forcés de vendre leurs animaux. Le mur détruit notre village et nos vies. Il détruit une communauté entière.

Il y a également un groupe des personnes qui travaillent en tant qu'ouvriers en Israël. Ils sont autorisés à y entrer librement, avec leurs permis, mais bientêt ils ne pourront plus le faire avec le nouveau système de portes.

D'une perspective économique, c'est une situation catastrophique. Elle sera très, très mauvaise.

Puis, il y a l'angle démographique. Nous ne pouvons pas nous étendre. Nous ne pouvons pas nous agrandir verticalement parce qu'il n'y a pas de fondations pour cela : les constructions sont très vieilles et il n'y a plus aucune terre pour l'expansion horizontale.


Où iront les générations à venir ? Elles seront forcés d'émigrer à RamAllah ou à l'extérieur de la Palestine. Et les deux migrations sont considérées comme une forme moderne et civilisée de transfert et d'expulsion. C'est fait de manière discrète et apparemment involontaire.


La Haute Cour Israélienne a décidé le 15 septembre qu'une partie de la barrière de séparation imposait d'importantes difficultés à un groupe de villages palestiniens et devait être déroutée. Votre village est-il inclus dans la décision ?

La décision était positive parce qu'elle modifiera le tracé du mur qui affecte défavorablement certains des villages, mais malheureusement elle n'inclue pas Bil`in. J'ai été également informé que la décision de la Haute Cour disait également qu'à l'avenir la Cour traitera chaque appel sur une base de cas-par-cas, selon les circonstances, et prendra en compte la "sécurité".

Ainsi, l'affaire ne sera pas forcément un précédent pour des secteurs durement affectés comme les notres.


Avez-vous essayé de déposer votre propre cas devant la Haute Cour contre l'empiétement du Mur sur votre terre?

Nous avons déposé un appel contre l'itinéraire du mur à Bil`in. Il a été approuvé et nous attendons une audience.

On nous a dit que notre affaire est liée à la décision des villages autour de la colonie d'Alfei Menashe, que la Haute Cour a récemment jugé. Nous avons l'impression qu'il y a un peu d'espoir et nous continuerons avec notre affaire.

Nous basons notre défense sur le fait que le mur est construit loin des colonies voisines qu'il est censé protéger – bien que ce soit en théorie une barrière de sécurité.

Aussi notre argumentation serait qu'il est construit non pas pour protéger les colonies actuelles, mais pour annexer la terre pour des futures colonies, alors que des colonies sont évacuées à Gaza et au nord de la Cisjordanie .

Les officiels israéliens déclarent que le Mur sert des intérêts sécuritaires : qu'il empêche l'entrée des kamikazes.

Pour toute personne qui a visité notre village, il est clair qu'ils ont utilisé cela comme justification et comme moyen d'annexer une large partie de la terre de la Cisjordanie et de la Palestine.

En réalité, nous avons vu que dans certains secteurs, la construction du Mur n'empêche pas les kamikazes de passer, et dans d'autres secteurs où il n'y a pas de Mur, rien n'arrive.
Ce n'est pas une question de sécurité mais il s'agit de vol de terre, de prendre autant de terre que possible à la Cisjordanie et d'éliminer toute possibilité de créer un état palestinien dans l'avenir. C'est un cancer qui tue tous les rêves en Palestine.



Chaque semaine vous effectuez des protestations non-violentes et créatrices contre le mur. Parlez-nous d'elles.

Nous tentons de créer un nouveau thème pour chacune de nos manifestations parce que nous nous rendons compte que cette lutte durera longtemps.

La persistance requiert de l'innovation. Faire chaque fois la même chose mène à l'ennui pour ceux qui le couvrent : et je veux dire les médias. Je suis sûr qu'en tant que membre des médias, vous savent ceci : Quand il y a quelque chose de nouveau, vous allez voir.

Si nous avons une protestation, et quelqu'un est blessé, ou que sept personnes meurent, semaine après semaine, alors cela deviendra bientêt les mêmes vieilles nouvelles. Donc l'innovation permet d'avoir des nouvelles fraîches pour les journalistes.

D'abord, nous avons commencé de façon un peu spontanée - en février de cette année quand nous avons appris notre terre était menacée. Puis, les manifestations sont devenues organisées et planifiées.

L'idée était d'envoyer un message en Palestine, à l'armée israélienne et au monde entier qu'il y a un petit village appelé Bil`in dont l'existence même est en jeu et qu'il ne restera pas sans rien faire.


Quelle manifestation gardez-vous à l'esprit?

La première chose mémorable que nous avons faite et qui a obtenu l'attention des médias, de l'armée et du monde fut quand nous nous sommes attachés à nos oliviers au début du travail des bulldozers. Nous avons eu envie de continuer sur ce chemin de la résistance innovatrice et non-violente.

Un officier de l'armée israélienne est venu me dire que : "Demain nous déracinerons vos oliviers, dites aux villageois de choisir un endroit pour les replanter".
Selon la loi israélienne, les oliviers qui sont déracinés sur le tracé du mur doivent être replantés ailleurs. Mais nous avons refusé.
Qu'allons-nous faire de nos oliviers si la terre nous est prise ?

Nous avons beaucoup réfléchi sur ce que nous allions faire. Cela a pris un bon moment.

Nous avons pris la décision de nous attacher aux oliviers à 22h la nuit précédent l'arrivée des bulldozers. Nous avons acheté des chaînes et des cadenas à RamAllah; nous avons dessiné des affiches; Nous avons également réalisé que nous avions besoin de quelqu'un pour nous protéger : ils pourraient nous frapper, nous tirer dessus, nous tuer.

Alors, nous avons appelé les medias.

Nous sommes partis têt et nous nous sommes attachés aux arbres, et nous avons essayé de ne pas nous faire remarquer pour que l'armée ne se méfie pas trop têt. À 6h quand les soldats sont arrivés, ils ont été absolument choqués. Ils ne savaient pas quoi faire ou comment réagir, ils ont donc appelé leurs commandants, qui sont venus un par un.

Les médias couvraient l'événement en direct.

L'armée a finalement pris la décision de couper les chaînes et de détenir les activistes étrangers et israéliens d'une manière très violente. C'étaient des moments inoubliables, et sur cette base, nous avons commencé nos manifestations hebdomadaires.

Dans les semaines qui ont suivi, nous avons rampé dans des tonneaux et nous nous sommes placés sur le chemin des bulldozers; nous avons porté des faux cercueils et des pierres tombales pour symboliser la mort de notre village; nous nous sommes enfermés à clef dans de grandes cages; nous nous sommes mis sous de fausses guillotines sur le chemin du mur, et l'une de nos stratégies les plus efficaces fut quand nous avons tenu des miroirs face aux soldats pour leur montrer comment ils nous apparaissent.



Qu'avez-vous fait cette semaine?

Nous avons placé des haut-parleurs énormes sur le toit de ma maison - parce que nous étions sous couvre-feu - et le pianist juif Jacob Allegro Wegloop, un survivant de l'Holocauste, a été invité pour jouer un certain nombre de morceaux de musique, y compris l'hymne national palestinien.

Il a dit : "Je suis venu en solidarité avec les villageois de Bil`in qui subissent la même oppression que nous avons dû affronter."

Les enfants ont chanté dans les rues et sur les toits. Le chanteur folk-protestataire américain, David Rovics, s'est aussi produit.

Après les prières du vendredi, les Palestiniens et les activistes israéliens et internationaux, y compris David Rovics, ont rempli les rues de chansons et de protestations. Plus de 50 autres activistes israéliens n'ont pas été autorisés à d'entrer dans Bil`in parce que le secteur avait été déclaré : "Zone Militaire Fermée".
Des heurts entre les forces militaires et les Palestiniens ont éclaté. Onze personnes ont été blessées par des balles en caoutchouc, dont un journaliste, deux enfants et deux personnes âgées.


Quel est le rêle des activistes étrangers et israéliens dans tout ça ?

Nous avons entendu parler d'eux par d'autres comités qui ont eu des expériences similaires, et quand notre village a commencé à être menacé pour la première fois, nous leur avons demandé de l'aide. Cela commencé avec une ou deux personnes puis ce fut plusieurs dizaines de supporters.

L'idée est "de dire au monde que l'existence même de Bil`in est en jeu."`

Leur présence est très importante. Quand des Palestiniens sont détenus, ils essayent de les libérer et tentent de les protéger en étant détenus avant. De plus, avec leur présence dans les manifestations dont un grand nombre d'Israéliens, ça devient très difficile à l'armée israélienne de tirer sur nous à balles réelles.
Ils servent essentiellement de gardiens. Ils apportent avec des caméras pour observer ce qui se passe.

Donc, quand quelqu'un est détenu et qu'un soldat israélien ment et accuse cette personne de l'avoir agressé ou d'avoir jeté des pierres en sa direction, les caméras peuvent prouver qu'il a menti. Cela nous a aidés plus d'une fois.


N'avez-vous jamais l'impression que vous luttez en pure perte?

Nous perdrons beaucoup plus si nous ne faisons rien. Nous perdrons notre terre, notre moyen d'existence et notre communauté.

Et l'histoire ne sera pas indulgente envers nous. Nos enfants nous blâmeront, et nous demanderont : Où étiez vous et qu'avez-vous fait pour tenter d'arrêter ça ?
Nous ne pouvons pas perdre plus que ce que nous avons déjà perdu en tant que Palestiniens.

Je vois une lueur d'espoir qui me mène à persister et elle est installée chez tous mes collègues, chez tous les villageois et chez tous nos supporters.

Aussi longtemps que vous continuez à réclamer nos droits, vous ne les perdrez jamais. Même si le mur est construit autour de Bil`in, nous avons des projets pour continuer nos manifestations, de la même façon et dans le même esprit.

Bien que cela nous prenne beaucoup de temps, que l'année est presque finie et que la construction sur le mur est presque achevée, nous persévérerons, nous nous accrocherons à cet espoir et continuons sur le même chemin de la résistance non-violente.
Parce que ce sera un réalisation énorme pour nous si le mur est enlevé ou au moins repoussé .



Signer la pétition pour demander au gouvernement israélien de cesser le vol des terres à Bil'in

Source : http://english.aljazeera.net

Traduction : MG pour ISM

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