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Israël - 21 mai 2009
Par Jonathan Cook
Jonathan Cook est écrivain et journaliste, installé à Nazareth, Israël. Ses derniers ouvrages sont : “Israel and the Clash of Civilisations: Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East” (Pluto Press) et “Disappearing Palestine: Israel's Experiments in Human Despair” (Zed Books). Son site web : http://www.jkcook.net/ Cet article a été publié initialement dans The National (Abu Dhabi) le 16 mai 2009.
Le Comité de Surveillance contre la torture des Nations Unis a critiqué Israël pour avoir refusé d’autoriser que soit inspectée une prison secrète, qualifiée de « Guantanamo d’Israël » et a demandé à savoir si d’autres tels camps de détention clandestins existaient.
Dans un rapport publié le 15 mai, le Comité contre la torture a demandé qu’Israël indique la localisation du camp auquel il est fait officiellement référence comme « Etablissement 1391 », et y donne accès au Comité international de la Croix-Rouge.
Des conclusions d’un groupe israélien pour les droits de l’homme montrent que la prison a servi par le passé à détenir des prisonniers arabes et musulmans, dont des Palestiniens, et que la torture et les abus physiques ont été pratiqués par les interrogateurs.
Un panel de 10 experts indépendants du Comité de l’Onu a également jugé crédibles les affirmations de groupes israéliens que les détenus palestiniens y sont systématiquement torturés, en dépit de l’interdiction de telles pratiques par la Cour suprême israélienne en 1999.
L’existence de l’Etablissement 1391 a été révélée en 2002, lorsque des Palestiniens y ont été détenus pour la première fois, pendant la ré-invasion de la Cisjordanie par Israël.
Dans un renvoi au Comité de l’Onu, Israël a nié que des prisonniers étaient actuellement tenus sur le site, bien qu'il admette que plusieurs Libanais y aient été détenus pendant l'attaque du Liban en 2006.
Le Comité a exprimé ses inquiétudes vis-à-vis d’une décision de la Cour suprême israélienne de 2005 qui jugeait "raisonnable" que l'Etat n’enquête pas sur les soupçons de torture dans la prison. Le Comité craindrait que, sans inspections, la prison puisse être toujours en fonction, ou pourrait être réutilisée très rapidement.
La Cour israélienne, écrit le Comité, « doit s’assurer que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements sur les détenus de l’Etablissement 1391 fassent l’objet d’enquêtes impartiales et que les résultats soient rendus publics. »
Hamoked, une association israélienne pour les droits de l’homme, a d’abord identifié la prison après que deux cousins palestiniens, arrêtés à Naplouse en 2002, n’aient pu être retrouvés par leurs familles. Les responsables israéliens ont finalement admis qu’ils étaient détenus dans un endroit secret.
Israël refuse toujours d’indiquer la localisation précise de la prison, qui est à l’intérieur d’Israël et à environ 100 km au nord de Jérusalem. Quelques bâtiments sont visibles, mais l’essentiel de la prison est souterrain. (photo ci-dessus)
« Nous n’avons appris quelque chose sur la prison que parce que l’armée a fait l’erreur d’y mettre les Palestiniens lorsqu’il n’y avait plus de place dans les principales prisons en Israël, » dit Dalia Kerstein, directrice d’Hamoked.
« L’objectif réel du camp est d’interroger des prisonniers du monde arabe et musulman, dont il sera difficile de retrouver la trace parce qu’il est peu vraisemblable que leurs familles prennent contact avec des organisations israéliennes pour leur demander de l’aide. » Mme Kerstein a dit que la prison était une violation encore plus grave du droit international que Guantanamo parce qu’elle n’a jamais été inspectée, et que personne ne sait ce qui s’y passe.
Selon les témoignages des cousins palestiniens, Mohammed et Bashar Jadallah, ils ont été détenus dans des cellules d’isolement mesurant 2m², aux murs noirs, sans fenêtres et une ampoule électrique faible allumée 24h par jour. Dans les rares occasions où ils ont été autorisés à sortir, ils devaient porter des lunettes noircies.
Quand Bashar Jadallah, 50 ans, demandait où il était, on lui répondait qu’il était « sur la lune ».
Selon le témoignage de Mohammed Jadallah, 23 ans, il a été battu à maintes reprises, ses fers ont été resserrés, il a été attaché à une chaise dans des positions douloureuses, on ne lui a pas permis d’aller aux toilettes et on l’a empêché de dormir en l’aspergeant d’eau dès qu’il s’endormait. Ses interrogateurs lui ont également montré des photos des membres de sa famille et ont menacé de leur faire du mal.
Alors que les Palestiniens passant par cette prison sont interrogés par les services de la sécurité générale, le Shin Bet, les nationaux étrangers de la prison relèvent d’une branche spéciale du renseignement militaire connue sous le nom d’Unité 504, dont on pense que les méthodes d’interrogation sont encore plus dures.
Peu de temps après que la prison ait été révélée, un ancien détenu – Mustafa Dirani, chef du groupe shiite libanais Amal – a intenté un procès à Israël affirmant qu’il avait été violé par un gardien.
M. Dirani, arrêté au Liban en 1994, a été détenu dans l’Etablissement 1391 pendant huit ans, avec le chef du Hizbollah Sheikh Abdel Karim Obeid. Israël espérait leur soutirer des informations sur le sort d’un aviateur, Ron Arad, dont l’avion s’était écrasé au Liban en 1986.
M. Dirani a affirmé lors de son procès qu’il avait été physiquement agressé par un interrogateur de l’armée haut placé, connu sous le nom de « Major George », et qu’il avait été sodomisé avec un bâton.
La plainte a été abandonnée début 2004 lorsque M. Dirani a été libéré lors d’un échange de prisonniers.
Mme Kerstein a dit qu’il n’y avait pas de preuves que d’autres prisons comme l’Etablissement 1391 existent en Israël, mais certains des témoignages recueillis d’autres détenus suggèrent qu’ils ont été incarcérés dans différents lieux secrets.
Elle a dit qu’il était à craindre qu’Israël ait été un des pays qui ont reçu des « extraordinary renditions » (littéralement « redditions extraordinaires », NdT) dans lesquelles des prisonniers capturés par les Etats Unies sont transportés clandestinement dans d’autres pays pour y être torturés.
« Si une démocratie autorise une de ces prisons, qui peut dire qu’il n’y en a pas d’autres ? » dit-elle.
Le Comité a examiné d’autres suspicions de torture impliquant Israël. Il s’est dit particulièrement préoccupé par le manquement d’Israël à enquêter sur plus de 600 plaintes portées par des détenus contre le Shin Bet depuis les dernières auditions des experts, en 2001.
Il a également souligné les pressions sur les Gazaouis qui ont besoin d’entrer en Israël pour traitement médical pour qu’ils deviennent des informateurs.
Ishai Menuchin, directeur exécutif du Comité public contre la torture d’Israël, a dit que son groupe avait envoyé plusieurs rapports au Comité montrant que la torture était systématiquement utilisée contre les détenus.
« Après la décision de la Cour en 1999, les interrogateurs ont simplement appris à être plus créatifs dans leurs techniques, » dit-il.
Il a ajouté que depuis qu’Israël avait redéfini Gaza comme « Etat ennemi », certains Palestiniens arrêtés à Gaza étaient détenus comme « combattants illégaux » plutôt que comme « détenus de sécurité ».
« Auquel cas ils peuvent ressortir d’une incarcération dans des prisons secrètes comme l’Etablissement 1391. »
Sur le même sujet, du même auteur, lire « Dans la prison secrète d’Israël », dossier du Monde Diplomatique, novembre 2003.
Source : Redress
Traduction : MR pour ISM
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