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ISM France - Archives 2001-2021

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Bethléem -

Interview de Mahmud Zwahre, le chef du Comité Populaire d’al-Ma’sara

Par

Depuis deux ans et demi, le Comité Contre le Mur et les Colonies d’al-Ma'sara organise des manifestations contre la confiscation de leurs terres. Lors de la manifestation du 1er Mai 2009, l'armée israélienne a arrêté Hasan Bergia, Mohammad Bergia, Mahmoud Zwahre (membres du comité populaire), Mustafa Fuara, Azmi Ash-Shyukhi, Haggai Matar (activiste israélienne) et Tom Stocker (bénévole anglais). Ces deux derniers ont été libérés le jour même contre une caution de 1500 NIS et à la condition de ne pas entrer en Cisjordanie pendant deux semaines.

Azmi Ash-Shyukhi, Mustafa Fuara et Mahmoud Zwahre ont été libérés sous caution (d’un montant total de 50.000 NIS pour les 3 hommes), le 13 Mai, après avoir été détenus dans une prison de l’armée pendant près de deux semaines.
Hassan Bergia et Mohammad Bergia sont toujours détenus.


Interview de Mahmoud Zwahre, le maire d’Al-Ma’sara, member du Comité Populaire d’Al-Ma’sara et directeur du conseil commun des neuf villages du Sud de Bethléem.

Comment le mouvement non-violent a commencé à al-Ma’sara?

Nous avons commencé en Juin 2006 à mettre en place un mouvement de résistance non-violente contre la colonisation et le mur: nous avons organisé des réunions avec les agriculteurs, les associations des villages voisins et les conseils locaux. À ce moment-là, Israël avait commencé à confisquer des terres dans le village d'Umm Salomona.

Lorsque nous avons vu ce qui se passait chez nos voisins, nous avons formé un comité de 13 personnes venant des neuf villages (9,000 personnes) du sud de Bethléem, qui a ensuite été en mesure de rassembler 100 personnes.


Quel role joue Al-Ma’sara dans le mouvement ?

En fait, al-Ma'sara (1.000 habitants) est le village le moins affecté par le Mur, mais il compte le pourcentage le plus élevé de personnes instruites de la région, donc les gens les plus actifs du comité viennent d’Al Ma’sara. Même si nous n'avons pas été directement touchés par le mur et les colonies, nous comprenons l'importance d'élever nos voix contre la violence et les injustices dont sont victimes les Palestiniens.
Malheureusement aujourd'hui, les habitants du village d'al-Ma'sara sont les seuls à participer aux manifestations, et même si nous sommes peu nombreux, nous restons fermes et nous croyons dans l'importance de la poursuite des manifestations.


Pourquoi les habitants des autres villages ne se joignent-ils pas à vos actions ?

Les gens ne participent pas aux protestations et ils se plaignent même parfois car ils ont peur: peur d’être arrêtés, blessés ou même tués, comme cela s'est passé à Bil'in. Néanmoins, la participation aux manifestations est également compromise par certains collaborateurs influents qui continuent de décourager les gens d'assister aux manifestations afin de conserver leur «relation spéciale» avec les autorités israéliennes.

En dépit de ces opposants, en 2006, Muhammad Bergia et moi avons gagné aux élections locales des neuf villages, mais notre victoire a rendu notre position encore pire. Nous nous exposons et le résultat est que nous avons été arrêtés le 1 Mai dernier, lors de la manifestation non-violente hebdomadaire.


D’après vous, pourquoi l'armée israélienne est-elle de plus en plus agressive contre les mouvements non-violents?

L'armée israélienne travaille actuellement très dur pour empêcher les mouvements de résistance non-violente, car nos protestations montrent clairement que les Palestiniens tentent de se battre pour leurs droits par des moyens pacifiques, ce qui n’est pas seulement accepté, mais même encouragé par la communauté internationale. Grâce aux manifestations non-violentes, nous empêchons le gouvernement israélien de montrer les Palestiniens comme des terroristes violents qui menacent la sécurité d'Israël.

Nous avons mis Israël dans la position inconfortable de ne plus être en mesure de cacher ses attaques armées contre des civils non armés. Il essaie de réprimer notre lutte pacifique contre ses actions illégales. C'est la raison pour laquelle il vise principalement les personnes qui dirigent ces mouvements de résistance et c'est la raison pour laquelle ils nous ont arrêtés


Racontez-nous la journée de votre arrestation

Lors de la manifestation du 1er Mai, il y a eu un discours sur les effets du mur sur la vie des travailleurs. Ensuite, les manifestants se sont positionnés en face les soldats et Muhammad Bergia était en première ligne. Soudain, ils l’ont empoigné et l’ont embarqué. Hasan Bergia, Mustafa Fuara, Azmi Ash-Shyukhi, un militant israélien et Tom Stocker, un bénévole britannique, ont tenté de le libérer, mais ils ont été arrêtés.

Ensuite, les soldats ont commencé à tirer du gaz lacrymogène en vue de disperser la foule. Plus tard, j'ai décidé d'aller parler aux soldats, d’essayer de discuter de la libération de mes camarades, mais j’ai été aussi arrêté.

Les soldats nous ont emmenés, menottes aux mains, dans le centre de détention de la colonie de Gush Etzion où ils nous ont menacés, en disant: "Maintenant, nous allons voir comment vous serez en mesure de vous protéger sans les journalistes et les caméras."

Ensuite, un policier des frontières a commencé à frapper Muhammad juste sous nos yeux et ils ont essayé de l'étouffer. Nous avons des photos de ce policier et nous allons le dénoncer, avec le soutien de B'Tselem.

Après avoir signé un document avec nos noms et numéros de cartes d’identité, nous sommes allés chez le médecin, mais en dépit de nos problèmes de santé, il a refusé de nous donner des soins médicaux convenables. Ensuite, les soldats ont libéré l’Israélien et le Britannique et ils nous ont emmenés dans la prison de Gush Etzion.

Avant d'entrer dans la prison, les policiers ont enregistré Muhammad sous un mauvais nom et cette erreur commise par l'agent de police a été utilisée plus tard dans la procédure comme éléments de preuve contre lui, en l'accusant d’avoir donné des fausses informations. Puis, ils nous ont obligés à mettre des uniformes de prisonniers, à nous agenouiller avec les mains et les chevilles attachés, et ils nous ont empêchés de marcher la tête haute. C’était pour nous humilier.

Le lendemain matin, ils sont venus dans la cellule pour nous compter, et pendant qu’ils procédaient au comptage, ils nous ont obligés à nous agenouiller et à regarder le sol pendant que nous donnions notre nom et nous avons dû rester dans cette position pendant une demi-heure. Ensuite, ils nous ont apporté le petit déjeuner : une tomate et un yaourt pour huit personnes.

J'ai décidé de parler au directeur de la prison, en lui demandant «Pourquoi nous traitez-vous de cette façon? Nous sommes des êtres humains et vous ne respectez pas les lois internationales qui protègent les prisonniers".
Il a répondu: "pour des raisons de sécurité!"
Quand nous avons demandé un briquet pour fumer, on nous a répondu : "Shalit n'est pas autorisé à fumer!", donc, nous n’en avons pas eu. Je suis resté dans cette prison pendant 12 jours.


Et le procès ?

La première audience devant la cour a eu lieu trois jours après notre détention, le 4 Mai. Le DVD de la manifestation a été montré au juge qui a décidé qu'il n'y avait aucune raison de nous garder en détention parce que nous n'avions rien fait d'illégal qui pourrait représenter un danger pour la sécurité de l'État et il a demandé de nous libérer contre une caution de 5000 NIS. Mais l'armée a répondu qu'il lui fallait plus de temps pour terminer l'enquête et a obtenu un premier recours, repoussant le procès au 7 Mai.
L'armée a fait appel une seconde fois, en indiquant que l'enquête n'était pas encore terminée et que nous représentions toujours un danger potentiel pour la sécurité de l'État.

Ensuite, le juge a doublé le montant de la caution à 10.000 NIS. Toutefois, nous n’avons pas pu être libérés car l'armée a demandé et obtenu trois jours de plus pour trouver des preuves contre nous. Le 10 Mai, l'armée a encore fait appel et le procès a été fixé au 11 Mai.
Le lundi 11, notre avocat, qui nous avait été fournis par les Anarchistes Contre le Mur de Bil'in et le Comité, a fait remarquer qu’il y avait eu un comportement très différent entre les Palestiniens et l’Israélien et l’étranger, et ils nous ont donné comme excuse : "C’était Shabbat et la police ne peut pas détenir trop de gens".

Le jugement définitif du tribunal sera prononcé le 9 juin, mais pour être libérés sous caution le 11 Mai, Hazmi et moi avons dû payer 20.000 shekels chacun et Mustafa 10000 NIS. Nous avons également l’interdiction de participer à toute manifestation jusqu'à ce que l'affaire soit réglée.

Nous avons été en mesure de payer la caution grâce à l'aide de quelques amis, du Comité de Bil'in, d’associations et de militants israéliens. Malheureusement, la situation pour Muhammad et Hasan est plus compliquée et difficile et ils sont toujours en prison.


Quelles seront vos prochaines actions ?

Nous allons continuer à manifester. Nous ne devons pas abandonner, même si les choses deviennent de plus en plus difficiles. Nous avons besoin de l'aide des militants israéliens et internationaux, il faut qu’ils rejoignent notre lutte et nous aident à diffuser ce qui se passe ici. Mais par-dessus tout, nous devons sensibiliser les Palestiniens, car ce sont eux qui doivent être sur la ligne de front pour agir contre ce dont ils souffrent.

Source : http://palsolidarity.org/

Traduction : MG pour ISM

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