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ISM France - Archives 2001-2021

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Etats-Unis -

Conseil d'un vieux Chinois

Par

« La confusion apparente résulte de l’ordre, la lâcheté du courage, la faiblesse apparente de la force. » Sun Tzu, l’Art de la Guerre.
Interprétation de Tu Mu :
Ce verset signifie que si l’on désire feindre le désordre pour attirer un ennemi, il faut être soi-même bien discipliné. C’est seulement alors que l’on peut feindre la confusion. Celui qui désire simuler la lâcheté et se tenir à l’affût de l’ennemi doit être courageux, car c’est seulement alors qu’il sera capable de simuler la peur. Celui qui désire paraître faible afin de rendre l’ennemi arrogant doit être extrêmement fort. C’est seulement à cette condition qu’il pourra feindre la faiblesse.

Le journaliste australien Peter Hartcher venu en invité de la Chambre du Commerce du régime de Tel Aviv au milieu du mois d’avril a été gratifié de quelques confidences de la part du le vice-premier ministre du régime de Tel Aviv, Dan Meridor.
Meridor est aussi ministre de l’Énergie nucléaire et du Renseignement.
Il s’est dit avoir été surpris de l’attitude d’Obama face à la révolution en Égypte, de l’abandon de Moubarak dès les premières manifestations, lui, un si fidèle et si vieil allié.
La perception qu’ont les dirigeants des États arabes des US(a) est celle d’une puissance du passé, incapable de mettre de l’ordre dans cette région.
Cette image que les US(a) donnent d’eux-mêmes est très dommageable et il faut donc la restaurer au plus vite. Ils ont entrepris une guerre en Afghanistan, en Irak et maintenant au Pakistan. Il s’interroge alors sur la limite de l’emploi de la force.
Meridor se montre particulièrement inquiet à propos de l’équilibre des forces qui va résulter de l’évolution de ces guerres, et c’est pourquoi il lui semble qu’un conflit engagé immédiatement avec l’Iran serait le mode idéal de leur résolution. Ne pas frapper l’Iran signera la fin du Traité de Non Prolifération, non seulement parce que l’Iran disposera d’une bombe, mais parce que tous les États de la région vont se doter de cette arme.
Cette éminence du Likoud semble encore chaussée d’oculaires adaptés aux circonstances de l’après deuxième guerre mondialisée de l’Occident.

Il y a quelques jours, le Fonds Monétaire International a fait paraître des prévisions portant sur les économies étasunienne et chinoise et a pu projeter dans un avenir aussi proche que 5 années le moment du croisement des courbes des PIB, l’une régulièrement descendante et l’autre ascendante avec une pente nettement plus importante. En 2016, le PIB chinois sera plus important que celui des US(a). En comparant les deux pays eu égard à la parité du pouvoir d’achat, ce que gagnent et dépensent réellement les individus dans leur économie nationale, l’économie chinoise atteindra 19 mille milliards de dollars en 2016 versus 18,8 mille milliards pour l’étasunienne.
La part de la production des US(a) dans l’économie mondiale sera de 17,7% versus 18 pour la chinoise.
Il omet d’intégrer dans l’élaboration de sa réflexion aussi deux petits schémas fournis l’un par le Congressional Budget Office, l’autre par le Département d’État au Trésor qui montrent, l’un les rentrées de l’État fédéral et ses dépenses pour l’année fiscale 2010, et l’autre la courbe en milliers de milliards de dollars de la dette fédérale sur 2011. Quand les encaissements dépassent à peine 2 unités, les sorties abordent les 3,5. Le niveau de la dette fédérale grimpe vertigineusement et la possibilité de dégrader la cote de la dette souveraine étasunienne par Standart & Poors est une feinte ridicule pour les acteurs internationaux concernés qui tentent de se passer des bons du Trésor étasunien comme ils le peuvent. L’engouement pour l’or, en voie de redevenir l’unité de réserve mondiale, en est le plus fidèle des indices. L’once est passée à plus de 1550 dollars.

Il reste que les dépenses en 2010 consacrées à la « Défense » et aux postes ‘discrétionnaires’, la caisse noire des services de renseignement et du Pentagone s’élèvent à 39% du budget fédéral, soit 1373 milliards.
Comment Meridor envisage-t-il que se comportera le peuple des foyers modestes aux US(a) si ces postes continuent leur impavide inflation quand des coupes de quelques centaines de milliards mettent en péril son système de protection sociale, de santé et d’éducation ?

Mais surtout, à ce prix, combien de conflits les US(a) peuvent-ils gérer simultanément ? 4 fronts chauds en Afghanistan Irak, Pakistan, Libye ?
Et une surveillance étroite de Bahreïn, de la Syrie, du Yémen, qu’il faille aller ouvrir un autre front chaud ?

Dans la deuxième partie de son Art de la Guerre, aux versets 6 et 7, Sun Tzu met en garde :
"Si nous avons déjà entendu parler de précipitations malencontreuses dans la guerre, nous n’avons pas encore vu d’opération habile qui traînât en longueur.
Car il ne s’est jamais vu qu’une guerre prolongée profitât à aucun pays.
"

Par deux fois, la guerre que les US(a) font à l’Irak a été déclarée terminée. Le plus récemment, le POTUS Obama prix Nobel de la Paix l’a déclaré le 31 août 2010 après que son prédécesseur l’aie triomphalement annoncée quelques semaines après l’invasion en mars 2003, le premier mai 2003 depuis le porte-avion USS Abraham Lincoln.

Une guerre ? 
L’accord signé in extremis fin 2008 entre le gouvernement de Maliki et l’administration Bush le deuxième prévoit, selon les termes du SOFA (Status Of Forces Agrement), le retrait total des troupes américaines en décembre 2011. Il reste encore 50.000 soldats sur le sol irakien. De son côté le Premier ministre Nouri Al Maliki assure à qui veut l'entendre que l'armée et la police irakiennes sont prêtes à prendre la relève des forces d'occupation pour assurer la sécurité. Faut-il comprendre que le niveau des attentats ne sera pas supérieur à ce qu'il est aujourd'hui sous la protection US avec une moyenne de 3 à une bonne dizaine de morts par jour ? Le couvre-feu imposé dans la capitale entre 22 heures et 6 heures a été allégé à 3 heures par jour. Il est donc inutile de prolonger la présence très contestée. Moqtada Sadr a menacé dans une  déclaration lue à la mi-avril par son représentant Salah Al Obeidi de faire reprendre la résistance à l'armée du Mahdi. 

Des  manifestations populaires se sont produites dès le début du mois de mars dans toutes les villes, exigeant que soit mis un terme à la corruption et une de-distributions des rentrées pétrolières en faveur de la reconstruction des infrastructures détruites par 30 années d'embargo et de guerres.

Mais comment imaginer que cette expédition coloniale, dont on nous a dit qu'elle est d'essence démocratique alors que l'on nous suggère qu'elle est pour le pétrole (positivement ou négativement afin d'en priver les émergents d'un accès aisé) se soldera par un bilan aussi négatif ? Trois mille milliards de dollars, certes empruntés au reste du monde et en principe impossible à rembourser, en coût direct selon Stieglitz, i.e. hors coût des intérêts de la dette et des pensions pour les blessés et les très nombreux invalides et les familles des soldats tués.
Le profit escompté, s'il n'est dans le contrôle des puits pétroliers, serait dans la présence de bases permanentes. Les cinq plus importantes ont une taille telle qu'elles nécessitent chacune la mise en service de plusieurs lignes de bus pour la parcourir. 

3.000 milliards de dollars et une aggravation sans précédent du déficit budgétaire étasunien pour transformer donc l'Irak en Corée du Sud ?

Le Qatar, Israël, le Koweït, l’Ouzbékistan, et le Kirghizstan, sans même évoquer l'Afghanistan, ne suffisaient-ils pas comme bases terrestres pour assurer la police de toute cette partie de l'Orient ?
Doug Mac Gregor, colonel à la retraite et analyste de la situation militaire de son pays, donne l’intervention en Libye comme exemple des opérations à ne pas commettre, sans but stratégique clair.

Sun Tzu conseille, dans les premiers versets de la partie intitulée "Stratégie offensive" :
"Dans la guerre, la meilleure politique, c'est de prendre l'État intact, anéantir celui-ci n'est qu'un pis-aller.
N'encouragez pas le meurtre.
Capturer l'armée ennemie vaut mieux que de la détruire.
"

C'est exactement  le contraire que se sont empressées de faire les armées d'occupation en Irak.
L'armée et la police de l'État furent disloquées par le Général Bruner tandis que  tout le système administratif fut démembré.
Les seules constructions entreprises par les forces de la Coalition furent celles des camps militaires et des prisons.

Sun Tzu réserve en fin de son exposé le volume dédié à la guerre psychologique intitulé "l’utilisation des agents secrets".
"Or il existe cinq types d’agents secrets à utiliser, soit : les agents indigènes, intérieurs, doubles, liquidables et volants. Lorsque ces cinq types d’agents sont tous à l’ouvrage simultanément et que personne ne connaît leurs procédés, ils sont appelés ‘le divin écheveau’ et ils constituent le trésor du souverain."

La technique de l’infiltration des rangs de l’ennemi par quelques agents liquidables est-elle en train de prévaloir en Syrie ? Des snipers et des groupes mystérieux tirent sur les manifestants et des soldats.
Ainsi se trouverait appliquée la recommandation de Sun Tzu, triompher sans implication directe de l’armée.
Et enfoncer ce coin de la résistance à l’occupation sioniste, le Golan, position stratégique et aquifère de première importance est toujours détenu par le régime de Tel Aviv, c’est de plus pratiquer le jeu de Go, ouvrir un ‘œil’ pour circonvenir le territoire à soumettre, l’Iran.

Les Treize Chapitres de Sun Tzu sont un traité de polémologie dont la rédaction est habituellement située dans la période entre 400 et 320 avant JC. Ce théoricien militaire a élaboré une doctrine de l’art de mener la guerre, occupation éminemment sérieuse à l’époque des Royaumes combattants (450-30 avant JC), à un moment où les conseils des érudits errants, octroyés au plus offrant, étaient fort prisés des souverains soucieux de se défendre ou d’absorber les entités voisines. Cette période de foisonnement intellectuel et technique correspond à l’acquisition d’une maîtrise de la métallurgie qui a bouleversé l’agriculture par l’usage de nouveaux outils et la conduite de la guerre avec une industrie de la forge devenue monopole d’État.
De temporaires et privées, les troupes devinrent des recrues permanentes, entraînées, commandées par des officiers de carrière et non plus par des membres de l’aristocratie. Elles sont régulièrement grossies de conscrits dans la paysannerie. Le niveau de qualification du noyau des armées représentaient un investissement considérable.
La professionnalisation de la guerre et le mouvement de concentration des royaumes se nourrirent de corpus de tactiques et de stratégies sécrétées à point nommé dans une société en pleine mutation.
Cette datation s’appuie sur les caractéristiques des armées chinoises citées dans le texte comme leur organisation et leur équipement, le port de cuirasses, l’usage de l’arbalète et du char et l’absence de cavalerie, ce qui le donne comme contemporain de l’âge d’or d’Athènes et des trente ans du gouvernement par Périclès (461-429 avant JC).

L’essai de Sun Tzu (1) avait été traduit pour la première fois au profit de l’Occident par le missionnaire jésuite français, le Père J.J.M. Amiot en 1772. Il fut largement diffusé et apprécié, il est probable qu’il a été lu et médité par Bonaparte, le futur Napoléon.
Ce texte a été repris par le Général Sam B. Griffith qui l’a étudié quand il a quitté l’armée en 1956 après avoir servi dans les Marines dans le Pacifique et au cours de la WWII. Il en a fait une thèse de philosophie soutenue en 1961.
Remanié pour une publication, il est régulièrement réédité depuis sa première parution. Il fait partie de ce qui est proposé en lecture dans les académies militaires.

Badia Benjelloun
1 mai 2011

(1) Pour le télécharger gratuitement en pdf et en français, cliquez ici.

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