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Egypte -

Débat en Egypte au sujet du projet de traduction de textes de littérature hébraïque en arabe

Par

Le ministre égyptien de la Culture a dernièrement décidé de remettre à l'ordre du jour le projet de traduction de textes de littérature israélienne en arabe.
La décision a suscité de vives critiques au sein du milieu égyptien cultivé, qui y a vu une tentative de conciliation face à Israël et un moyen d'assurer le soutien israélien à la candidature du ministre de la Culture Farouq Hosni au poste de secrétaire général de l'UNESCO.

Le ministre égyptien de la Culture a démenti, expliquant que la traduction d'ouvrages israéliens n'avait jamais été considérée comme une mesure de normalisation avec Israël, mais qu'il fallait plutôt y voir un moyen pour les lecteurs égyptiens de connaître leur ennemi.

En outre, les traductions ne se feraient pas à partir des originaux en hébreu mais de leurs adaptations en langues européennes, afin d'éviter tout contact direct avec des écrivains et éditeurs israéliens.

Certains intellectuels égyptiens ont approuvé le projet, estimant que les traductions en arabe d'ouvrages israéliens pourraient être utiles aux services de renseignements égyptiens et enrichir la culture générale des lecteurs. D'autres en revanche redoutent que la normalisation culturelle avec Israël ne conduise à accepter cet Etat comme partie intégrante de la région arabe.

Ci-dessous des extraits de la presse égyptienne sur le sujet :

Traduction de textes de littérature israélienne sous les auspices du ministère égyptien de la Culture


Le 11 Juin 2009, le ministère égyptien de la Culture a annoncé qu'il était en voie de conclure avec une maison d'édition européenne un contrat pour la traduction en arabe de livres des auteurs israéliens David Grossman et Amos Oz.

Le directeur du Centre national égyptien de traduction, Dr Gaber Asfour, a déclaré que d'ici juillet 2009, le contrat serait signé avec des éditeurs français et britanniques, mais pas avec des éditeurs israéliens. Asfour a expliqué: "Nous ne pouvons pas avoir de contact direct avec des éditeurs israéliens, car cela créerait une vague de protestations en Egypte et dans l'ensemble du monde arabe. C'est pourquoi nous avons décidé de négocier avec les éditeurs européens."

Asfour a confié que ce projet de traduction avait vu le jour dans les années 1960 et avait pour objectif de faire 'connaître l'ennemi', mais avait été abandonné en 2000 après la traduction de plusieurs ouvrages israéliens, parce que l'Egypte avait signé une charte internationale en vertu de laquelle elle devait obtenir la permission de l'auteur comme de l'éditeur pour traduire des livres en arabe. [1]

Asfour a déclaré que le projet de traduction de livres israéliens en arabe directement à partir des originaux en hébreu avait été abandonné afin d'éviter tout contact avec des Israéliens, précisant toutefois que la politique du Centre relative à la traduction de textes de la littérature mondiale en arabe demeurait inchangée. Ainsi, depuis 2005, des ouvrages israéliens ont été traduits en arabe à partir d'autres langues. [2]

Asfour a déclaré : "Nous sommes contre la normalisation et avons tenté de la contourner en traduisant des livres israéliens à partir de leur rendu en anglais..." [3]


Opinions favorables au projet

Le directeur du Centre national de traduction en Egypte : Il ne s'agit pas de normalisation mais de connaître son ennemi.

Asfour précise que les livres pressentis pour être traduits sont des ouvrages d'Oz et de Grossman, ainsi que certains textes de "nouveaux historiens" qui, soutient-il, sont des partisans du processus de paix. [4] Il déclare : "Il est important que le public arabe lise les ouvrages d'historiens israéliens afin de se familiariser avec la culture de son ennemi. Nous traduisons même [les ouvrages] d'ennemis de l'islam, et demandons à des experts de les commenter."
Il ajoute qu'il est important que les citoyens égyptiens arabes sachent qu'il existe des écrivains israéliens opposés à la philosophie sioniste.

Selon Asfour, le projet de traduction a été avalisé par le ministre de la Culture égyptien Farouk Hosni, candidat au poste de Secrétaire Général de l'UNESCO. [5]
Hosni a affirmé par le passé qu'il était disposé à brûler tout livre juif trouvé dans la bibliothèque d'Alexandrie. Il s'est ensuite excusé. [6]
Ses excuses ont été perçues par certains comme une tentative d'apaisement vis-à-vis d'Israël dans le but d'obtenir son appui à sa candidature.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netannyahou a en effet retiré l'objection israélienne à la candidature de Hosni, ce qui n'a fait que conforter ceux qui voyaient dans la décision du ministère égyptien de la Culture de traduire les œuvres de Grossman et Oz une nouvelle tentative d'Hosni pour apaiser Israël.

Asfour a toutefois nié l'existence d'un lien entre la décision du ministère de la Cultureet les ambitions de Hosni à l'UNESCO. [7]

Le projet du ministère égyptien de la Culture a suscité diverses réactions de la part des intellectuels égyptiens. Certains ont soutenu le projet, affirmant que la traduction d'œuvres littéraires était un effort louable en soi, indépendamment de toute considération de normalisation des relations culturelles.

D'autres ont critiqué la décision du ministère de la Culture, au motif que la traduction de textes de littérature hébraïque serait perçue comme une faveur faite à Israël pour permettre au ministre de devenir Secrétaire général de l'UNESCO.


La traduction de textes de la littérature israélienne est indépendante de toute normalisation culturelle

Le directeur du quotidien égyptien en anglais Al-Ahram Weekly, 'Assem Al-Qirresh, a déclaré : "Les relations entre Israël d'une part, l'Egypte et les Arabes de l'autre, sont [comme] les relations entre l'huile et l'eau... mais tout le monde a droit à l'éducation, indépendamment du programme des décideurs." Pour lui, "le vrai défi est de traduire les œuvres d'écrivains qui incarnent la pensée juive authentique [plutôt que seulement celles des sympathisants de la gauche]."

Le poète égyptien Youssef Sha'ban a également appuyé le projet de traduction, déclarant : "la traduction de textes de littérature, [qu'il s'agisse de littérature] israélienne, brésilienne, américaine [ou autre], n'équivaut pas à elle seule à la normalisation culturelle." [8]

L'écrivain, journaliste et scénariste égyptien Bilal Fadhel a qualifié la décision du ministère de traduire des textes de la littérature israélienne de "plus que louable" et d' "attendue depuis longtemps", soulignant : "Il n'y a pas de différence entre la traduction d'œuvres littéraires et de textes politiques, lesquels sont distribués dans le monde arabe afin de faire connaître au public la position politique d'Israël."
Selon lui, il n'y a aucun risque que les lecteurs de textes de littérature israélienne se mettent à aimer Israël ou à soutenir la normalisation.

Issa Salah, directeur de l'hebdomadaire Al-Qahira du ministère égyptien de la Culture, a également soutenu le projet du ministère de la Culture, critiquant ses détracteurs : "C'est comme de s'enterrer la tête dans le sable. Je ne vois pas comment on pourrait comprendre les Israéliens si l'on ne comprend pas leur littérature, leur culture et leur art ; les Israéliens ont pour leur part traduit toutes les œuvres de [l'auteur égyptien de renom] Naguib Mahfouz. " [9]


Contre le projet

Le projet de traduction a pour but de propulser le ministre égyptien de la Cultureau poste de Secrétaire Général de l'UNESCO

Le publiciste égyptien Muhammad 'Aboud met en ligne un article réclamant l'abandon du projet, considéré comme un gaspillage de fonds publics :

"Personnellement, j'ai beaucoup de respect pour le groupe qui s'oppose à la traduction de livres de l'hébreu à l'arabe sous les auspices du ministère de la Culture... Je comprends que le ministère ait très hâte de traduire des textes de littérature hébraïque, et je ne crois pas que cette démarche importante entre dans le cadre de l'effort national visant à reconnaître Israël...
Il semble découler non pas d'une soif de connaissance, mais plutôt d'une [ambition visant un] certain poste dans une [organisation] internationale...

Traduire la littérature hébraïque de l'anglais au français, ou plus exactement, traduire le rendu en français ou en anglais d'un texte [originellement] en hébreu priverait le texte de presque toute sa valeur artistique, conceptuelle et littéraire. Il convient donc de s'opposer à ce projet, qui consisterait en un gaspillage de fonds publics.

Je lance un appel à notre père au ministère de la Culture [Farouq Hosni]: s'il vous plaît, laissez des privés s'occuper de la traduction de textes de littérature hébraïque en arabe [plutôt que le ministère de la Culture], afin que celle-ci ne soit pas entachée de la boue de la normalisation et de la coopération directe ou indirecte avec Israël. Après tout, la nomination [à l'UNESCO] se fera dans quelques jours.

Alors vous partirez, mais les objections justifiées à la traduction de la littérature hébraïque demeureront - en dépit de l'importance de ce projet pour la construction d'une base de connaissances concernant la réalité israélienne
. " [10]


La traduction de livres risquerait de supprimer la barrière psychologique entre Arabes et Israéliens et de promouvoir la normalisation

Le chroniqueur égyptien Dr Ammar Ali 'Hassan a également critiqué le projet de traduction, le qualifiant de crime. Il écrit : "Ces traductions vont grandement promouvoir la normalisation culturelle [avec Israël]. Elles représentent une étape vers la destruction de la barrière psychologique entre Arabes et Israéliens... Si cette barrière est brisée une fois par la traduction de récits israéliens, elle le sera ensuite à nouveau, des centaines de fois. Leur littérature, poésie et récits, vont progressivement trouver leur place dans la région, ce qui poussera les Arabes à mieux connaître [les Israéliens] et à les accepter dans la région…"

Hassan précise que la mission de connaître son ennemi incombe uniquement aux chercheurs et universitaires dans le cadre de la recherche politique et stratégique. [11]


NOTES

[1] Al-Chorouk (Egypte), 15 juin 2009.

[2] Al-Hayat (Londres), 12 juin 2009.

[3] Al-Misriyoun (Egypte), 17 juin 2009.

[4] l-Hayat (Londres), 12 juin 2009.

[5] Al-Hayat (Londres), 12 juin 2009.

[6] Le Monde (France), Al-Masri Al-Yawm (Egypte), 28 mai 2009.

[7] Al-Chorouk (Egypte), 15 juin 2009.

[8] Al-Masri Al-Yawm (Egypte), 17 juin 2009.

[9] www.islamonline.net, 17 juin 2009.

[10] Al-Masri Al-Yawm (Egypte), 17 juin 2009.

[11] www.islamonline.net, 17 juin 2009.

Source : http://www.memri.org/bin/french/

Traduction : MEMRI

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