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Israël - 21 décembre 2003
Par Gideon Levy
Déshumaniser quelqu’un se caractérise par l’indifférence à la valeur de la vie humaine. Au cours des mois passés, il n’y a pratiquement pas eu un seul jour sans que des Palestiniens se fassent tuer au cours d’ affrontements dans les territoires ; des douzaines de Palestiniens, dont la plupart étaient innocents et sans armes, sont morts chaque mois, même dans des périodes où il n’y avait pas eu d’attaques terroristes.
Bashir Awis à l’hôpital, mourant. Bien qu’il fût, sans nul doute possible, à quelques heures seulement de s’éteindre, aucun de ses parents n’était à ses côtés à l’hôpital Haemak d’Afula.
Awis, 29 ans, père de deux enfants, habitant le camp de réfugiés de Balata à Naplouse, avait été détenu à la prison de Megiddo. Les circonstances qui entourent sa mort, le 8 décembre dernier, restent incertaines.
Comme on voit, même dans un hôpital - lieu où la compassion humaine est théoriquement de mise - un Palestinien n’est toujours pas traité sur le même pied que les autres êtres humains.
Ce qui est important à savoir : s’il n’y avait eu un médecin un peu respectueux, il serait mort seul. Après le coup de fil discrètement passé par un médecin de l’hôpital à un médecin de Human Rights, l’organisation a pu faire venir la mère et à la femme d’Awis à l’hôpital.
Cette technique pour dépouiller les Palestiniens de leur humanité est reprise dans tous les secteurs de la société israélienne. Cette technique qui a pris naissance dans les Forces de Sécurité d’Israël et du Shin Bet, le service de sécurité, s’est étendue jusqu’aux autres secteurs du pouvoir et jusqu’aux médias (qui depuis des années soulignent à dessein l’importance du côté violent de la réalité palestinienne) et a désormais gagné toute la structure sociale d’Israël.
C’est apparemment le seul moyen que l’Etat a trouvé pour continuer conquête et oppression sans se préoccuper excessivement de ce que ça signifie pour les vaincus.
Déshumaniser quelqu’un se caractérise par l’indifférence à la valeur de la vie humaine. Au cours des mois passés, il n’y a pratiquement pas eu un seul jour sans que des Palestiniens se fassent tuer au cours d’ affrontements dans les territoires ; des douzaines de Palestiniens, dont la plupart étaient innocents et sans armes, sont morts chaque mois, même dans des périodes où il n’y avait pas eu d’attaques terroristes. Ces morts ne sont qu’un point négligeable dans le programme public d’Israël.
Un comportement apparenté est le manque absolu de respect pour la dignité humaine des Palestiniens. Ce comportement est particulièrement patent chaque jour au point de contact – le checkpoint. Les barrages de l’IDF, principaux points d’interaction avec les Palestiniens , sont de véritables porcheries puantes et sales – souvent ?
Est-ce simple négligence et paresse si l’IDF force celui qui veut traverses les check-points à patauger dans la boue et les ordures avant de rencontrer un soldat ?
Quelqu’un qui veut traverser un barrage est condamné d’avance à supporter les insultes et les humiliations.
Les barrages de l’IDF, endroits où les gens sont obligés d’attendre des heures et parfois des jours, n’ont ni espace de repos ni eau courante.
Quand ils attendent au checkpoint de Rafah – une épreuve qui dure des heures – les Palestiniens ne sont pas autorisés à sortir de leurs voitures pour aller aux toilettes.
Il y a quelques jours, j’observais les incidents au checkpoint de Jénine où les Palestiniens doivent attendre cinq ou six heures, et j’ai vu un homme âgé et handicapé obligé de prendre sa voiture pour toilettes. Une flaque à côté de sa voiture disait tout.
De telles scènes n’ont rien à voir avec la sécurité. Quiconque est retenu pour un contrôle de sécurité (et beaucoup de gens sont retenus pour de telles inspections) doit s’asseoir dehors, sous la pluie, le froid ou la chaleur étouffante, pendant des heures. Impossible de trouver un barrage, dans les territoires, où les gens ne soient pas assis à même le sol, à l’écart, et pour certains, menottés.
Le même comportement vaut pour la propriété palestinienne. Non seulement il arrive que la terre soit unilatéralement expropriée et les arbres abattus sans préavis, comme si la propriété appartenait à tout le monde., et il ne suffit pas non plus que les maison soient démolies, ce qui est partie intégrant des opérations militaires continuelles ou de la routine légale.
Ce n’est pas tout – il y a aussi de petits détails.
Si on quitte sa voiture à un barrage, où il n’y a jamais de système méthodique de parking, on est taxé d’une amende de 500 nouveaux schekels. On vous confisque facilement votre voiture. Des douzaines de voitures ont été confisquées à tous les barrages ; souvent les propriétaires ne savent même pas à quelle fourrière elles se trouvent.
Le même mépris s’affiche en toutes sortes d’occasions – quand des troupes attaquent des logements, quand les hommes de l’IDF forcent tous les hommes d’une région à s’asseoir tous ensemble dans un espace public, quand les Palestiniens doivent attendre indéfiniment près d’une extension du mur de séparation, en espérant qu’une jeep va apporter les clés pour ouvrir la porte.
Cette démonstration de pur dédain s’affiche dans la conduite et le vocabulaire de la plupart des soldats.
Tout ça n’est plus que routine. Ce n’est pas de la pure méchanceté - ce n’est qu’un moyen pervers nécessaire pour continuer l’occupation. Dès lors, le pas le plus important sur le chemin d’une entente devra passer par une transformation appréciable qui rendrait leur dignité aux Palestiniens. Mais telles que sont les choses aujourd’hui, nous sommes bien loin d’un revirement pareil.
Un ex-soldat de l’IDF, Ron Porer, auteur du livre "Le syndrome du Checkpoint" raconte comment des soldats de sa connaissance devenaient furieux chaque fois que des palestiniens osaient leur souhaiter « Bonjour » aux checkpoints. Ce n’est pas un hasard : des habitants si courtois dans les territoires pourraient lézarder le mur de rage et de mépris qui se dresse dans l’esprit des soldats.
Source : www.haaretz.com/
Traduction : CS
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