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USA - 7 octobre 2004
Par Michael Tarazi
Michael Tarazi est conseiller juridique près l’OLP
Le caractère insoutenable de la politique d’Israël au Moyen-Orient s’est manifesté avec plus d’éclat que jamais auparavant ces derniers, jours, l’armée israélienne perpétrant des incursions répétées dans la bande de Gaza, tuant des dizaines de Palestiniens, au cours des attaques les plus sanglantes jamais enregistrées depuis plus de deux ans, au moment même où le Premier ministre Ariel Sharon ne cessait de réitérer l’annonce de son projet de retrait de ce territoire.
La stratégie globale d’Israël envers les Palestiniens apparaît pour ce qu’elle a toujours été, à savoir : vouée par définition à l’échec. Israël veut la terre des Palestiniens, mais pas les Palestiniens qui y vivent.
Etant chrétiens et musulmans, les millions de Palestiniens soumis à l’occupation israélienne ne sont pas les bienvenus dans l’ « Etat juif ».
Beaucoup de Palestiniens sont désormais convaincus que le soutien d’Israël à un Etat palestinien n’est pas motivé par un espoir de réconciliation, mais par un désir de ségréguer les non-juifs, tout en s’emparant de toujours plus de leurs terres et de leurs ressources.
Ils remettent de plus en plus en question la solution généralement admise du conflit palestino-israélien, consistant en « deux Etats vivant côte à côte, en paix et dans la sécurité », comme dit le président Bush, et ils sont de plus en plus amenés à prendre en considération une solution à un seul Etat.
Pour les Palestiniens, la stratégie présidant implicitement à la solution à deux Etats préconisée par Israël est très claire. Plus de 400 000 Israéliens vivent illégalement dans plus de 150 colonies, dont la plupart sont localisées au-dessus des nappes phréatiques palestiniennes.
M. Sharon est prêt à évacuer des colons de la bande de Gaza – mais seulement en échange de l’expansion des colonies en Cisjordanie .
Et Israël est en train de construire son tristement fameux « mur », non pas sur son territoire, mais bien à l’intérieur du territoire palestinien qu’il occupe.
Le tracé du mur vise à maximaliser le nombre de fermes et de puits palestiniens d’un côté, et le nombre de Palestiniens de l’autre.
Tout en s’ingéniant à alléguer une "menace démographique", les Israéliens sont en train d’en créer une autre, bien réelle. Après des années de négociations, accompagnées de la construction incessante de colonies et, depuis peu, de l’édification du mur, les Palestiniens ont fini par comprendre qu’Israël leur offre une "indépendance" dans une réserve dépourvue d’eau et de sols arables, dépendant économiquement entièrement d’Israël et dépourvue même du droit à l’autodéfense.
Il en résulte que nombreux sont les Palestiniens à se demander, aujourd’hui, si cette quête d’un droit égal à avoir leur propre Etat ne devrait pas céder la place à la lutte pour une égale citoyenneté. Autrement dit, une solution à un (seul) Etat, dans lequel les citoyens de toutes obédiences et de toutes ethnies vivraient ensemble, en égaux.
De récents sondages d’opinion indiquent qu’un quart des Palestiniens sont en faveur de la solution laïque à un seul Etat – nombre étonnamment élevé, dès lors que cette solution n’est (bien évidemment) défendue par aucun dirigeant palestinien de quelque importance.
Le soutien à une solution mono-étatique, bien loin d’être une idée radicale, se contente de prendre en compte la réalité – certes dérangeante – qui est celle ci : Israël et les territoires palestiniens occupés fonctionnent d’ores et déjà à la manière d’un unique Etat. Ils partagent les mêmes nappes phréatiques, le même réseau routier, le même réseau électrique et les mêmes frontières internationales.
Lorsque vous pénétrez, en voiture, à Jérusalem Est, aucun panneau "Bienvenue dans les Territoires Occupés !" n’est là pour vous accueillir, au bord de la route.
Certaines cartes israéliennes officielles ne comportent pas le tracé des frontières d’avant l’occupation, c’est-à-dire antérieures à juin 1967.
Les colons, en Cisjordanie occupée (dont Jérusalem Est) sont dispersés entre les agglomérations palestiniennes, et ils représentent aujourd’hui près d’un cinquième de la population. Comme le dirait un paysan palestinien, plein de bon sens, "impossible de dé-brouiller des œufs brouillés" !
Mais, dans cet Etat de facto (unique), quelque trois millions et demi de Palestiniens, chrétiens et musulmans, n’ont pas les mêmes droits politiques et civiques que les juifs.
Ces Palestiniens doivent emprunter des routes séparées, avec des voitures portant des plaques d’immatriculation distinctes, pour aller dans des zones qualifiées de "palestiniennes" et pour en sortir.
Un Palestinien qui conduirait une voiture portant une plaque d’immatriculation israélienne se ferait immédiatement arrêter. Ces Palestiniens, parce qu’ils ne sont pas juifs, n’ont ni la possibilité d’obtenir la nationalité israélienne, ni le droit de vote, dans les élections israéliennes.
En Afrique du Sud, l’attribution de droits et de privilèges en fonction de l’appartenance religieuse ou ethnique des citoyens était qualifiée d’apartheid. En Israël, cela s’appelle «l’unique démocratie au Moyen-Orient».
La majorité des Israéliens pâlissent à l’idée de donner aux Palestiniens des droits égaux, car ils craignent – on comprend aisément pourquoi – qu’une éventuelle majorité palestinienne ne traite les juifs de la façon dont les juifs ont traité les Palestiniens. Ils redoutent la destruction d’un «Etat juif» qui n’a jamais été jusqu’ici défini.
La solution à un seul Etat, toutefois, ne nie en rien le caractère juif de la Terre Sainte, ni elle ne rejette l’attachement historique et religieux des juifs à cette terre (toutefois, elle détruirait le statut de supériorité des juifs dans cet Etat. [A eux de voir s’ils le supporteraient, ou non… Ndt])
Non, bien loin de nier ce caractère juif de la Terre Sainte, cette solution affirme que la Terre Sainte a en même temps une identité chrétienne et une identité musulmane, tout aussi – et également – importantes.
Pour tous ceux qui croient en l’égalité entre les hommes, c’est une bonne chose. Théoriquement, le sionisme est le mouvement de libération des juifs. En pratique, il s’est avéré un mouvement d’imposition de la suprématie juive. C’est cette domination d’un groupe ethnico-religieux sur l’autre qui doit être impérativement détruite, si nous voulons parler sérieusement d’une nouvelle ère de paix ; ni les juifs, ni les musulmans, ni les chrétiens n’ont, respectivement, à eux seuls, un droit légitime exclusif à cette terre sacrée.
La lutte palestinienne pour l’égalité ne sera pas facile. Les gens qui monopolisent le pouvoir ne le partagent pas de gaîté de cœur. Les Palestiniens devront mobiliser l’imagination du monde entier, mobiliser la communauté internationale et refuser de se laisser séduire au point d’accepter de soumettre leurs droits (inaliénables) à un quelconque marchandage.
Mais le combat (victorieux) contre l’apartheid en Afrique du Sud démontre que cette bataille peut être gagnée. La seule question est celle du temps que cela prendra, et des souffrances que devront endurer tous les protagonistes, avant que les juifs israéliens voient dans les chrétiens et les musulmans palestiniens non une menace démographique, mais des concitoyens ?
(Article repris par le site If Americans Knew – Si les Américains savaient ça ! http://www.ifamericansknew.com)
Source : www.nytimes.com/
Traduction : Marcel Charbonnier
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