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Jérusalem - 28 mars 2009
Par Khaled Amayreh
Dans ses tentatives de plus en plus enragées pour consolider son contrôle sur Jérusalem Est traditionnellement arabe, Israël a été cette semaine jusqu’à interdire les activités culturelles palestiniennes qui célébraient la ville Capitale de la Culture Arabe 2009. Le 19 mars, une police paramilitaire lourdement armée a dispersé violemment une réunion à l’Hôtel Ambassadeur, à Jérusalem Est, confisquant les affiches, les brochures, les pancartes et les ordinateurs.
La police israélienne a aussi fait un raid sur les écoles, les clubs sociaux et les centres communautaires pour contrecarrer les activités célébrant la culture arabe dans la ville occupée, qu’Israël considère comme sa « capitale une et indivisible ».
Plusieurs organisateurs, dont le député de Jérusalem Est Hatem Abdel-Qader, ont été arrêtés, accusés de trouble à l’ordre public.
Les forces israéliennes de sécurité ont interdit l’accès à Jérusalem Est en déployant des soldats à toutes les entrées de la ville. Ils ont refoulé les visiteurs, dont plusieurs délégations des Etats arabes du Golfe, parmi elles celle du Koweït et des Emirats Arabes Unis.
Furieuse contre les mesures israéliennes draconiennes, l’Autorité Palestinienne, principal organisateur des festivités, a décidé de transférer l’événement principal à Bethléem, à quelques kilomètres au sud de Jérusalem. Des centaines de responsables de l’AP, des dignitaires étrangers, des leaders religieux et des diplomates sont arrivés le 21 mars pour écouter un discours du Président de l’AP, Mahmoud Abbas. Ce dernier a réaffirmé son engagement d’établir un Etat palestinien viable, avec Jérusalem comme capitale, sur toute la terre palestinienne occupée par Israël en 1967.
« Nous continuerons à refuser la politique israélienne de judaïsation d’Al-Quds Al-Sharif [Jérusalem]. Et nous ne tiendrons aucun pourparler de paix avec un gouvernement israélien qui refusera la solution de Deux Etats, » a dit Abbas, faisant allusion au Premier Ministre israélien désigné Benyamin Netanyahu.
Le dirigeant palestinien, qui a récité quelques versets du Coran se rapportant au statut de Jérusalem pour l’Islam, a souligné que Jérusalem était la clef de la paix dans la région et dans le monde, disant qu’il n’y aurait pas de paix à moins et jusqu’à ce que l’occupation israélienne se termine complètement.
S’adressant au monde arabo-musulman, Abbas a dit : « J’exhorte nos frères arabes musulmans à venir au secours de Jérusalem, à protéger Jérusalem du viol que subit la ville… Jérusalem est en train d’être judaïser par la force, son identité arabe est en train d’être gommée, son histoire falsifiée, sa population opprimée et torturée. Ses maisons sont démolies. Jérusalem est le début et la fin, c’est l’adresse ultime de la paix. Jérusalem est la capitale de la Palestine. »
S’adressant à Israël, Abbas a dit : « On ne fait pas la paix par la construction et l’expansion des colonies, la force brutale et l’insolence militaire. Ce qui est arrivé à Gaza récemment reflète la façon de penser israélienne, et avec une telle tournure d’esprit, il est clair qu’l ne peut y avoir aucune paix. »
Les paroles désespérées mais provocatrices d’Abbas résument la situation dans tous les territoires palestiniens occupés, mais en particulier à Jérusalem, où Israël projette de détruire des centaines de demeures palestiniennes.
La destruction planifiée du quartier Silwan, au cœur de la ville, a été décrite par les fonctionnaires de l’AP comme « une décapitation démographique ».
« Ils se lancent dans le nettoyage ethnique en plein jour. Ils chassent les Palestiniens de leurs maisons. Ils essaient de décapiter l’existence arabe à Jérusalem Est, pas à pas, maison par maison, quartier par quartier, tout en continuant à mentir sur leur désir de paix, » a dit Rafiq Al-Husseini, proche conseiller d’Abbas.
Interrogé par Al-Ahram Weekly sur ce qu’allait faire l’Autorité Palestinienne pour empêcher Israël de détruire totalement le quartier Silwan [l’objectif est de construire un parc et un espace de loisirs pour les colons du voisinage], Al-Husseini a dit que l’AP essaierait de mobiliser la communauté internationale pour stopper les crimes israéliens.
Au cours de sa récente visite dans les territoires occupés, la Secrétaire d’Etat US Hillary Clinton a qualifié les démolitions prévues de « peu aidantes » et « incompatibles avec l’engagement israélien à la feuille de route. »
Les responsables israéliens n’ont guère été impressionnés par les remarques de Clinton. Le maire juif de Jérusalem, Nir Barkat, a déclaré que ses paroles étaient « beaucoup de vent », affirmant qu’elle avait été trompée par les Palestiniens.
Barkat, extrémiste de droite, a juré de détruire les maisons arabes en masse, disant que « ce que nous faisons dans notre capitale ne regarde pas l’Amérique. »
L’entreprise israélienne de gommage de l’identité arabo-islamique et chrétienne de Jérusalem a commencé immédiatement après 1967. Quatre jours après s’être emparés de la ville, les bulldozers de l’armée israélienne ont rasé les quartiers Maghariba et Sharaf. Leurs habitants ont été expulsés à la pointe du fusil. Deux mosquées, deux écoles religieuses, ou Zawiya, et 135 maisons furent détruites.
Quelques mois plus tard, Israël s’est emparé de Harat Al-Maghariba pour « usage public » et a construit une grande place en face du Buraq – le Mur des Lamentations. Le cœur d’Al-Maghariba et le quartier adjacent, plus petit, de Harat Al-Sharaf, étaient tous les deux des propriétés du Islamic Waqf (dotations religieuses) remontant à l’époque de Salaheddin Al-Ayoubi (Saladin).
Selon des sources palestiniennes, Israël a démoli pas moins de 700 demeures dans la seule vieille ville, obligeant de nombreux habitants à trouver refuge à l’extérieur des limites de la ville, c’est-à-dire en Cisjordanie .
Depuis 1967, Israël a confisqué 34% de Jérusalem Est pour des « prestations publiques » et a classé 44% de la ville arabe occupée comme « espace vert ». 9% de la ville a été confisqué pour la construction d’immeubles, laissant seulement 13% de la zone arabe originelle construite aux Palestiniens.
De plus, Israël a adopté de nombreuses mesures agressives visant à forcer les habitants arabes de la ville à partir. Parmi ces mesures, on trouve l’imposition d’impôts exhorbitants sur les logements, dont les maisons, le retrait de services municipaux vitaux pour les Arabes de Jérusalem pour les obliger à déménager, et le refus du droit à résidence pour au moins 20.000 Arabes vivant dans la ville.
Les autorités israéliennes ont continué à refuser les permis de construire aux Arabes, exacerbant la crise du logement dans la Vieille Ville et les quartiers arabes environnants.
La destruction systématique, par l’autorité municipale israélienne, des maisons « construites illégalement » a poussé des milliers de Jérusalémites au désespoir. Adnan Al-Husseini, le gouverneur palestinien de Jérusalem, a décrit les mesures israéliennes à Jérusalem de « guerre démographique pure et dure ».
« L’objectif israélien est très clair. C’est de forcer autant de Palestiniens que possible à quitter la ville et de vendre leurs propriétés aux intérêts juifs. »
Al-Husseini a dit qu’Israël avait un certain nombre de tactiques pour faire aboutir sa stratégie, dont la pression psychologique et économique, les taxes lourdes, la coercition physique et le harcèlement, et des avantages financiers pour obliger les Arabes à vendre leurs biens. Les Arabes jérusalémites s’accrochent à leur ville, dit-il, en dépit des efforts israéliens pour limiter la croissance démographique arabe.
La population palestinienne de Jérusalem s’est accrue depuis le début de l’occupation en 1967. Aujourd’hui, la population totale de Jérusalem (Est et Ouest) est estimée à 720.000 habitants, dont 475.000 Juifs (66%) et 245.000 Arabes (34%).
260.000 habitants juifs de la ville (54,7%) vivent dans 34 colonies installées à l’intérieur et autour de Jérusalem Est depuis 1967. Maali Adomim, Pisgat Zeev, Har Homa et Gush Itzion sont parmi les plus grandes de ces colonies.
Les experts israéliens en démographie prédisent que la population palestinienne arrivera à 40% de la population totale de la ville en 2020. C’est pour endiguer cette éventualité qu’Israël fait des efforts frénétiques pour confisquer le plus de terre arabe possible et construire des appartements pour les colons juifs.
Selon des sources israéliennes, des appels d’offre pour la construction de plus de 25.000 appartements pour colons ont été lancés depuis la Conférence d’Annapolis de 2007.
Au début de ce mois, le groupe israélien Peace Now a révélé que le gouvernement israélien projetait de construire plus de 73.000 appartements en Cisjordanie occupée, pour la plupart dans des colonies existantes autour de Jérusalem Est.
Le groupe, qui suit de près l’expansion de la colonisation en Cisjordanie , a dit que les nouveaux projets conduiraient au doublement de la population israélienne coloniale et saborde toute possibilité de création d’un Etat palestinien viable et contigu.
Parmi les aspects les plus dangereux et les plus explosifs des efforts d’Israël pour judaïser Jérusalem Est sont les creusements en cours sous la Mosquée Al-Aqsa, le troisième lieu saint de l’Islam.
Selon les responsables des dotations religieuses (Waqf), creuser sous la Mosquée Al-Aqsa sape gravement les fondations du lieu saint islamique ainsi que celles du Dôme du Rocher voisin.
Sheikh Mohamed Hussein, chef du Conseil Suprême Musulman à Jérusalem, a prévenu que ce n’était plus qu’une question de temps pour qu’un « désastre majeur » se produise, résultant des creusements israéliens près de l’esplanade d’Haram Al-Sharif (la Mosquée Al-Aqsa). Il a accusé les autorités israéliennes de construire des tunnels souterrains sous les lieux saints islamiques sans aucune considération pour leur sécurité.
« Je peux affirmer sans la plus petite exagération que la Mosquée Al-Aqsa risque de s’effondrer à cause de ces creusements. »
Le dirigeant islamique palestinien Raed Salah a exprimé des inquiétudes même plus dramatiques : « La Mosquée Al-Aqsa court un danger urgent. Une secousse sismique de force moyenne peut provoquer l’effondrement de la mosquée. »
Salah a été arrêté par la police israélienne le lundi 23 mars, accusé de « troubles à l’ordre public » et d’ « incitation contre Israël ».
Au cours de ces dernières années, les autorités israéliennes de sécurité ont autorisé des Juifs extrémistes à entrer sur l’esplanade Haram et s’y pratiquer des prières juives et autres rituels.
En 1967, le chef rabbin de l’armée israélienne, le Général Shlomo Goren, a essayé de convaincre un commandant des forces conquérantes, Uzi Narkis, de faire exploser la mosquée « une bonne fois pour toutes ».
C’est Narkis qui a raconté l’histoire peu de temps avant sa mort en 1997, et il est cité par Avi Shlaim, un historien israélien, dans Le Mur de Fer : Israël et le monde arabe.
« Il y avait une atmosphère d’euphorie spirituelle. Les parachutistes grouillaient, stupéfaits. Narkis se tenait là, seul, dans ses pensées, lorsque Goren s’est approché de lui et lui a dit : ‘Uzi, c’est le moment de mettre cent kilos d’explosifs dans la Mosquée d’Omar et c’est fini, nous en serons débarrassés une bonne fois pour toutes.’ Narkis a dit ‘Rabbin, tais-toi.’ Goren lui a alors dit : ‘Uzi, tu entreras dans les livres d’histoire grâce à cet acte.’ Narkis a répliqué : ‘Mon nom est déjà inscrit dans les pages de l’histoire de Jérusalem.’ Goren est parti sans dire un mot. »
Deux semaines après, l’armée d’occupation israélienne se saisissait de la clé d’une des portes de la Mosquée Al-Aqsa (la Porte des Maghrébins). Les nombreuses tentatives des extrémistes juifs pour détruire le lieu saint islamique n’ont pas cessé depuis.
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Khaled Amayreh
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