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Israël - 10 septembre 2004
Par Conal Urquhart
Article paru dans The Guardian le Samedi 4 septembre 2004
La vie nocturne à Tel Aviv n’a rien à envier au meilleur de Londres et New York
C’est jeudi soir, et les jeunes de Tel Aviv font la queue pour se préparer pour la grande soirée de la semaine juive.
Aux kiosques du centre ville, certains clients demandent des cigarettes ou du chewing gum, mais environ un sur trois demande furtivement : "Hagigat ?"
Le vendeur regarde droit devant. Sa main se déplace sous le comptoir et il ressort une petite capsule blanche, qu’il échange discrètement contre 50 shekels (10 E ).
Le hagigat est la dernière sortie d’une série de drogues légales qui épicent la vie nocturne, déjà forte, de Tel Aviv.
Cela signifie « la fête » en hébreu, et c’est dérivé du khat, une plante que l’on mâche en Somalie et au Yémen pour son effet d’amphétamine. D’autres drogues légales incluent "l’énergie liquide", un tube d’extraits visqueux de plantes, et les "poppers", ou nitrate d’amyle.
Comme l’attentat suicide de Beersheba l’a bien démontré, le conflit continue ; la frustration des Palestiniens est en ébullition à moins de 20 mn en voiture de Tel Aviv. Cependant, la fête continue, poussée par un désir d’échapper à la triste réalité de la vie israélienne.
Dans les quatre dernières années de l’Intifada, la vie nocturne à Tel Aviv a pris de plus en plus de vigueur. Des bars plus grands et meilleurs, des boites et des clubs qui feraient honte à Londres, à New York ou à Paris, ouvrent ou ferment régulièrement pour plaire à des goûts changeants.
Le seul problème majeur fut l’assassinat, en juin 2001, de 21 jeunes qui faisaient la queue pour entrer au night-club le Dolphinarium sur le front de mer de la ville.
"Ce n’est qu’avec l’attentat du Dolphinarium que ça a frappé les gens," dit Amir Bar Itshak, éditeur du site web sur la vie nocturne Leyla.
"C’était juste au centre de la vie nocturne. Les gens ont commencé à moins sortir, mais ils se sont habitués. Alors les gens se sont dits qu’ils allaient sortir en dépit de tout et faire la fête jusqu’à tomber par terre. Ca s’est calmé maintenant, et les choses sont plus normales.
Les drogues légales sont devenues une part importante de l’hédonisme. Sur la boite l’Hagigat est décrit comme "Aphrodisiaque d’origine organique.100% naturel. Aucun produit chimique."
"A boire après le repas et avec beaucoup d’eau. Interdit aux moins de 18 ans"
Ronen Hazut, propriétaire d’un kiosque en centre ville : "Le Hagigat se vend bien. Les gens en prennent et disent que c’est étonnant. C’est là qu’on gagne le plus d’argent, et c’est pourquoi on en vend."
Son associé Moshe Haimkevitch, qui en a pris, raconte au quotidien Yedioth Ahronoth : "On se sent défoncé, mais on est encore alerte et on sait ce qu’on fait. On a de l’énergie, et, chose la plus importante, on a incroyablement envie de baiser."
Un autre produit populaire est l’Energie Liquide, vendu à un prix similaire. "On en boit surtout pendant les fêtes, et il faut bien le secouer. Les effets sont bons et ça donne de l’énergie", dit Moshe Haimkevitch.
L’an dernier, plusieurs lieux se sont ouverts, décrits comme des "bars à drague". On y trouve de vastes zones de service entourées de tas de tabourets de bar pour s’assurer que tout le monde est visible par les membres du sexe opposé.
David Dur a ouvert l’an dernier le plus grand bar de Tel Aviv, le Lansky. Il a coûté plus de 1 M d’euros à agencer et on y compte 100 tabourets de bar installés autour du plus long bar du Moyen Orient, sinon d’Europe.
« Les gens viennent ici parce qu’ils veulent voir des gens. La plupart des clients sont célibataires ou cherchent quelqu’un," dit-il.
"On appelle cet endroit un bar à drague. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Il y a beaucoup d’interaction entre les des gens qui ne se connaissent pas. Si ça en fait un bar à drague, alors c’en est un."
M. Tur, qui a travaillé à Londres plusieurs années, pense que l’expérience de la vie nocturne est totalement différente à Tel Aviv.
« Comparé à Londres, l’interaction ici est très différente. Ici on peut voir tout le monde, on est assis à côté de tout le monde. Ce n’est pas comme aller au bar avec vos amis, vous partagez l’expérience avec tout le monde, » dit-il.
Il ajoute: « L’atmosphère est chaleureuse, ouverte et accueillante. Tout se passe bien. Il y a rarement de la violence et on ne voit pas d’ivresse patente. On peut toujours se faire des amis ; il y a toujours quelqu’un à qui parler. »
Quand on les attire sur le sujet, la plupart des habitants de Tel Aviv sont en faveur d’un compromis pour arriver à la paix avec les Palestiniens. Mais dans l’ensemble, ils essaient d’effacer de leur esprit le régime militariste et l’oppression des Palestiniens.
"Je peux me rendre compte que ce n’est pas marrant de vivre dans un camp de réfugiés, ou en Cisjordanie ," dit M.Bar Yitzhak. "Mais je pense que les gens ailleurs ont du mal à imaginer comment c’est pour quelqu’un de venir à votre bar ou café préféré et de se faire sauter. "
"Nous sommes en plein milieu du canon d’une arme à feu, et cependant tout est encore si plein de vie."
Un habitant d’Israël, originellement du Royaume Uni, décrit la prise du hagigat :
Je glisse discrètement la capsule dans ma bouche et la fais descendre d’une gorgée de bière tchèque. Autour du bar, je vois des groupes d’hommes et de femmes qui parlent de manière animée, certains dansent.
Anglais typique, je ne danse pas, ni ne cherche la conversation.
"D’où tu viens ?" me susurre une de mes voisines. "Alors, tu aimes Israël ?" poursuit-elle.
Plutôt que faire retraite dans ma coquille, je lui fais un large sourire et commence à bavarder. J’ai une sensation de picotements et de confiance en moi. Je n’ai bu qu’un petit verre de bière:
Ca ne peut être que le hagigat.
Maintenant, la musique coule dans mon corps. Je parcours le bar d’un regard complice. Cette soirée est géniale.
Maintenant je ressens plus que de la chaleur, presque une sensualité. J’ai besoin de caresser quelque chose, n’importe quoi. Ce sentiment reste avec moi les deux ou trois heures qui suivent.
Finalement, je ne me sens plus bien, et la chaleur diminue. Je me sens impatient. J’ai besoin d’un autre verre, ou peut-être juste d’un autre hagigat
Source : www.guardian.co.uk/
Traduction : Jean-Luc Mercier
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Conal Urquhart
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