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Israël - 24 juin 2004
Par Conal Urquhart
Les photos montrant la « banalité du mal » de l'occupation militaire ne laissent pas d'évoquer la prison irakienne d'Abou Ghraïb.
Hier, la police militaire israélienne a interrogé quatre réservistes
initiateurs d'une exposition montrant en détail la «banalité du mal» inhérente à leur occupation de la ville palestinienne d'Hébron.
Un enregistrement vidéo des témoignages apportés par soixante-dix soldats a été confisqué, ainsi qu'un dossier de presse sur l'exposition.
Un porte-parole de l'armée a déclaré que la police, ce faisant, « était à la recherche de preuves concernant des crimes perpétrés contre des habitants palestiniens d'Hébron » (sic !).
Hier, les soldats à l'initiative de l'exposition étaient injoignables, mais ils avaient déjà accusé l'armée, au cours des jours précédents, de tenter de les harceler au moyen de cette « enquête ».
« S'ils avaient la moindre intention d'enquêter sur les exactions commises à l'encontre des Palestiniens, nous serions très contents. Mais ce qu'ils veulent, en réalité, c'est nous faire tenir tranquilles : c'est tout... Le problème, ce n'est pas ce que les soldats ont vu et disent avoir vu : le problème, c'est l'armée, dans son ensemble ! », a déclaré Yonathan Boumfeld, l'un des organisateurs de l'exposition.
L'exposition, intitulée « Briser le silence », montre des photos prises par quelque quatre-vingts soldats effectuant leur service militaire à Hébron.
Elle comporte également un montage vidéo de leurs témoignages.
Les soldats décrivent une routine au jour le jour, faite l'humiliation des Palestiniens, et leur répulsion pour le comportement des six cents colons juifs dont ils étaient chargés d'assurer la protection. Certains évoquent le harcèlement d'un couple de jeunes mariés palestiniens, d'autres disent avoir assisté au lancer de grenades incapacitantes contre des enfants, sans motif
autre que celui de se marrer un bon coup. Les soldats à l'initiative de l'exposition affichent leur volonté de montrer à Israël de quelle manière ses jeunes soldats, tout autant que les Palestiniens, sont brutalisés par la réalité désormais banalisée de l'occupation.
La galerie d'expositions du Tel Aviv College est devenue l'arène de débats acharnés et d'une sérieuse remise en question. Les soldats ont eté accuses de tricherie et d'avoir révélé des informations qui auraient dû demeurer secrètes.
A l'entrée de l'exposition, il y a vingt-quatre portraits : vingt-deux portraits d'hommes, le portrait d'une femme et celui d'un mannequin : tous portent l'uniforme. « Toute mère doit savoir qu'aussi mignon qu'était son fiston avant son incorporation dans l'armée, il en ressortira complètement changé, au bout de trois ans : il ne fera plus aucune différence entre le bien et le mal », explique un soldat. Il y a beaucoup de photos de Palestiniens aux yeux bandés et attachés, soit jetés dans une jeep, soit dans la rue. Sur une des photos, deux Palestiniens sont assis au pied d'un mur, et un soldat se tient debout, devant la caméra, se tenant l'entrecuisse.
« Ces gars-là étaient dans la rue. C'était pendant un couvre-feu. Peut-être n'étaient-ils pas au courant. Nous les avons retenus, comme ça, pendant quatre heures. Après quoi, on les a relâchés. Au bout de quelque temps, c'est extraordinairement facile à faire. », explique Micha Kurtz, l'un des organisateurs de l'exposition. Il explique que la première fois qu'il a entendu parler de soldats se faisant prendre en photo à côté de cadavres de Palestiniens, il a été choqué. Mais il s'y est fait assez vite. Il a meme entendu parler d'un soldat qui s'est fait portraiturer à côté d'une tête coupée.
Un porte-parole de l'armée a indiqué que la police militaire diligenterait une enquête au sujet d'éventuelles violences à l'encontre de Palestiniens et de dommages infligés à des biens palestiniens. « L'armée apprend à ses hommes à se comporter éthiquement, fût-ce dans des situations complexes », a déclaré l'armée. Tous les soldats veillent à ne pas être associés avec le mouvement des Refuzeniks ou avec la gauche israélienne. Mais, en privé, environ 60 % de ceux qui ont effectué leur service à Hébron disent avoir l'intention d'éviter d'y retourner, soit en refusant directement, soit en «refusant par la bande » en invoquant une pathologie mentale quelconque.
Hébron comporte 600 colons juifs, pour une population de 120 000
Palestiniens. L'exposition comporte beaucoup de photos d'actes de vandalisme perpétrés par les colons et de graffitis aux connotations racistes et fascistes. A titre d'exemple : cet autocollant, sur le pare choc d'une voiture clamant, en hébreu : « Devenons religieux : cela nous donnera le pouvoir nécessaire pour passer les Arabes dehors ! »
Un soldat a témoigné : « Ce que j'ai fini par comprendre, au bout de six mois, c'est que nous étions là-bas pour protéger les Palestiniens des juifs ; nous n'étions pas là-bas pour monter la garde et protéger les juifs ! Car, dans ce coin, ce sont les juifs qui menacent les Palestiniens : ce n'est pas l'inverse ! »
Source : www.guardian.co.uk//
Traduction : Marcel Charbonnier
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