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Cisjordanie - 7 avril 2012
Par Khaled Amayreh
L'Autorité palestinienne essaie de museler la liberté de la presse et la liberté d'expression sous couvert de "respect de la primauté du droit." Plusieurs journalistes palestiniens ont été interrogés et emprisonnés ces derniers temps pour des articles qu'ils ont écrits ou des opinions qu'ils ont exprimées sur des personnalités de l'AP, dont le président Mahmoud Abbas. L'un des cas signalés est celui de Youssef Shayeb, qui est incarcéré depuis la mi-mars suite à un article qu'il a écrit à la mi-janvier où il révélait une présumée corruption financière et administrative gangrénant la mission diplomatique de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à Paris.
Dans l'article, qui a été publié par le quotidien jordanien Al-Ghad, Shayeb affirmait que des membres de la mission palestinienne à Paris étaient impliqués dans une gabegie financière, des opérations de sécurité et d'espionnage illégales au profit d'organisations étrangères du renseignement non nommées. Shayeb citait les témoignages détaillés de sources anonymes qu'il a refusé de divulguer.
Tout d'abord, la cour de la magistrature de Ramallah a décidé de placer Shayeb en garde à vue pendant 48 heures en attendant un nouvel interrogatoire. Il s'est alors déclaré en grève de la faim pour protester contre ce traitement.
La loi palestinienne sur la presse, qui est encore à terminer et prendre sa forme finale, empêche l'autorité exécutive - via les services de sécurité - de questionner ou d'interroger ou de harceler des journalistes sur des questions relatives à leur travail professionnel. Cependant, l'appareil sécuritaire de l'AP a plus ou moins échoué à respecter la règle de la loi en la matière, justifiant souvent ses ingérences et ses abus en invoquant des considérations sécuritaires.
Selon l'épouse de Shayeb, Badeia, l'interrogatoire de son mari s'est centré sur l'identité de ses sources, bien que la loi palestinienne sur la presse, dans sa quatrième clause, garantisse aux journalistes le droit de garder leurs sources anonymes.
"L'avocat général n'a pas le droit d'exiger qu'un journaliste révèle ses sources, sauf s'il y a un ordre du tribunal dans ce sens."
Rassemblement des journalistes devant la cour de la magistrature à Ramallah pendant l'audience de Yousef al-Shayab, le 28 mars (Issam Rimawi / APA images)
Le bureau de l'avocat général a cependant argué que l'interrogatoire de Shayeb et sa détention ultérieure étaient légaux, "parce que personne, y compris les journalistes, n'a le droit de diffamer, de calomnier et de salir la réputation des gens sans preuve."
Le bureau a dit qu'il se sentait tenu de s'occuper des plaintes de ceux dont les noms avaient été mentionnés dans l'article d'investigation, dont le ministre des Affaires étrangères de l'AP Riyadh Maliki, l'ambassadeur palestinien en France et son adjoint.
Ahmed Al-Mughni, l'avocat général, a dit à des journalistes à Ramallah cette semaine que Shayeb était accusé de diffamation et de calomnie, ainsi que de parjure, en violation de la loi.
Le maintien de Shayeb en état d'arrestation a provoqué des protestations de la part des journalistes palestiniens qui ont appelé Abbas à libérer leur collègue. Toutefois, des sources au bureau d'Abbas ont souligné que le président ne pouvait pas et n'interfèrerait dans le travail de la justice.
Dimanche 2 avril, la cour de la magistrature a décidé de libérer Shayeb sous caution, fixée à 7000$. Shayeb est cependant toujours en prison, apparemment en raison de l'intervention de "gens puissants" au sein du régime de l'AP.
Une autre affaire moins médiatisée montrant les attaques de l'AP sur la liberté d'expression est celle de la journaliste Ismat Abdel-Khaleq, qui est en prison depuis plus d'une semaine pour avoir "insulté et ridiculisé" le président de l'AP Abbas sur sa page Facebook.
La fille de Ismat Abdul-Khaleq tient un portrait de sa mère (AP)
Elle a été transférée à l'hôpital lundi 3 avril, suite à la détérioration de son état de santé. Elle est en détention provisoire pour 15 jours pour complément d'enquête.
Selon Nehad Abu Gohsh, porte-parole du syndicat des journalistes, Abdel-Khaleq a été interrogée par les services de la sécurité préventive. Elle aurait fait valoir que le contenu controversé sur sa page Facebook n'était pas le sien, mais des commentaires ajoutés par d'autres.
L'avocat général a accusé la journaliste d'avoir insulté des fonctionnaires gouvernementaux de haut rang, une accusation dont beaucoup de journalistes craignent qu'elle musèle la liberté de la presse et porte gravement atteinte à la capacité de la presse à mener à bien sa fonction de contrôle du gouvernement.
La façon de plus en plus draconienne dont l'AP traite la liberté de la presse et autres libertés civiles en inquiète beaucoup en Cisjordanie occupée. Un responsable de l'AP a laissé entendre à Al-Ahram Weekly que le régime de Ramallah se sentait de plus en plus précaire en raison de l'impasse politique du processus de paix avec Israël.
Un Abbas visiblement mécontent a dit qu'il allait envoyer une "lettre décisive" au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le mettant en garde - et même le menaçant - que les Palestiniens abandonneraient bientôt la stratégie de la solution de deux Etats si Israël continuait à étendre les colonies juives en Cisjordanie .
Dans un article publié cette semaine, une des personnalités du Fatah dans les territoires occupés, Ahmed Qurei, a déclaré qu'il était inutile et irresponsable de continuer à poursuivre un processus de paix vide de tout contenu réel. Il l'a qualifié, entre autres choses, de mirage, d'escroquerie et de gros mensonge, soulignant les efforts israéliens permanents de dé-arabiser et de dé-islamiser l'identité démographique et culturelle de Jérusalem Est occupée.
L'OLP espère établir un Etat palestinien viable et territorialement contigu sur les territoires occupés par Israël en 1967, avec Jérusalem Est comme capitale. Toutefois, l'extension intensive et tout azimut des colonies juives dans toute la Cisjordanie , en particulier à Jérusalem, ont rendu cet espoir palestinien irréaliste.
Source : Al Ahram
Traduction : MR pour ISM
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