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Palestine - 2 décembre 2007
Par Hamdan Al Damiri
La succession des jours tragiques au quotidien continue.
Ce 13 novembre à Gaza, un tournant dans les relations interpalestiniennes et notamment entre les deux grands mouvements : le Fatah et le Hamas, est arrivé.
Sept morts 120 blessés et 400 arrestations sont le résultat de l’intervention des milices armées du Hamas contre les Palestiniens venus commémorer le 3ème anniversaire de la mort de leur leader historique Yasser Arafat.
Force est de constater que Hamas s’obstine dans la logique sécuritaire. C’est l’attitude de ce mouvement depuis le 14 juin, jour de sa prise de contrôle de la Bande de Gaza après avoir livré une bataille éclair contre les institutions de sécurité palestiniennes connues pour être contrôlées par le Fatah.
Cette prise de pouvoir par la force a plongé les Palestiniens dans une nouvelle ère de déchirement qui les éloigne de leurs intérêts nationaux pour lesquels des centaines de milliers des leurs se sont sacrifiés auparavant pour les préserver et les faire triompher.
Comment en est-on arrivé là ?
En ce qui concerne le Fatah, depuis les accords d’Oslo au début des années 90, ce mouvement est entré dans une phase d’intensification de la bureaucratie se confondant totalement avec l’autorité palestinienne ; ses militants étaient nommés dans les différents ministères et principalement dans les neufs institutions de sécurité. Sa direction a favorisé un processus progressif d’une totale dépolitisation.
Les 120 000 personnes en place dans la fonction publique (policiers, fonctionnaires, diplomates, ministres… ) tous venaient des rangs du Fatah ou faisaient partie de ses proches.
Ils furent absorbés dans l’appareil institutionnel pendant que le champ politique restait l’affaire d’une minorité de dirigeants bien que le pouvoir de l’autorité palestinienne, sur la base des accords d’Oslo, ne soit que fictif puisqu’il était privé de toute souveraineté réelle. Par contre, les intérêts générés par ce pouvoir, étaient quant à eux bien réels. (Plus de la moitié du budget annuel de l’autorité palestinienne était consacrée au paiement des salaires de ces fonctionnaires).
Comment alors le Fatah pouvait-il préserver son indépendance et continuer comme c’était le cas avant, à garantir à ses membres les avantages d’une vie politique interne ?
On peut se rappeler que ce grand mouvement n’a pas tenu de congrès national depuis le milieu des années quatre-vingt. Il ne faut pas s’étonner, dès lors, du manque total d’un fonctionnement démocratique dans ses rangs. Dans de telles circonstances, perdre le pouvoir via des élections peut entraîner des réactions contraires à la démocratie et à son fonctionnement (par exemple le principe de l’alternance au pouvoir).
En plus la gestion de l’autorité exercée par le Fatah s’est vue dominée par un processus progressif de corruption. Ce phénomène ressenti au quotidien par la population palestinienne des territoires occupés, a participé pour une grande part à la perte des élections du 25 janvier 2006. Le résultat des élections peut être considéré comme ce qu’on appelle un « vote de protestation ».
Cependant, alors que la corruption progressait, le processus d’Oslo engendrait simultanément sur le terrain une régression rendant la vie du peuple palestinien plus difficile chaque jour ; car sur le plan politique, loin de constituer une ébauche de solution pour le conflit, le processus d’Oslo n’a réussi qu’à compliquer les perspectives d’une paix juste.
Pour garder les privilèges de ce pouvoir qu’il a perdu lors des élections du 25 janvier 2006, la direction du Fatah a fait tout pour empêcher la partie gagnante (le Hamas) de gouverner normalement. Pour ce faire, elle a été aidée par les puissances extérieures (USA, UE, etc.) et surtout par la politique israélienne.
L’homme fort du Fatah à Gaza, Mohammed Dahlan, a utilisé les différentes forces de sécurité liées à l’autorité palestinienne pour entraver le travail des membres du gouvernement issus du Hamas suite aux élections. Ce fut le début d’une situation de conflit politique ouvert entre les deux parties.
En ce qui concerne le Hamas, à aucun moment, il n’a voulu réellement partager le pouvoir avec les autres tendances. Les négociations qu’il a menées avec les autres partis, manquaient d’une vraie disposition de sa part à la conciliation en vue du partage des responsabilités gouvernementales.
En plus, le Hamas n’a jamais montré une réelle volonté à s’engager à intégrer l’OLP en participant à sa recomposition (un chantier en attente), pour qu’elle devienne le cadre politique et institutionnel représentant réellement l’ensemble des Palestiniens. Cette attitude montrait que ce mouvement n’a pas encore intégré dans sa culture la logique du consensus politique.
On se rappelle que son premier gouvernement ne comportait que des éléments du Hamas. Quant au deuxième, formé au mois de mai à la suite de l’accord de la Mecque avec le Fatah sous l’égide du roi d’Arabie, il n’est qu’une redistribution des privilèges liés au pouvoir. Leur accord ne représentait pas un véritable accord politique, loin s’en faut, pour l’ensemble des Palestiniens.
Cela explique que l’affrontement entre les deux était inévitable et que, peu de temps après la constitution de ce deuxième gouvernement, les rues de Gaza ont connu des affrontements fratricides et meurtriers qui ont fait des dizaines de victimes.
Depuis le 14 juin, date du coup de force du Hamas à Gaza, les dirigeants de ce mouvement s’isolent de plus en plus à défaut d’accepter une attitude basée sur la culture du consensus politique. La répression est devenue le seul moyen qu’ils utilisent non seulement à l’égard des membres du Fatah mais également envers d’autres tendances palestiniennes comme le Jihad islamique et le FPLP.
Dans ce sens, on peut comprendre leur politique répressive à l’égard également de la presse (fermeture des stations de radio comme « La voix du peuple » du FPLP, des stations de télévision, l’arrestation de journalistes dans le contexte d’une pratique d’intimidation, etc. ; l’interdiction pour beaucoup d’associations de poursuivre leurs activités en cours et plus grave encore, l’endoctrinement des membres du Hamas en vue de créer chez eux une attitude de méfiance envers tous les autres.
En lisant les articles sur le site du Hamas en langue arabe, la culture du complot est omniprésente. Dès lors, leur machine de répression trouve sa justification tout en accusant les autres d’être les responsables.
Cette logique répressive du Hamas explique la tragédie du 13 novembre. En poursuivant dans ce sens, le Hamas facilite pour la partie adverse (la Direction du Fatah) des réactions répressives envers les militants du mouvement du Hamas en Cisjordanie .
Déjà les forces de sécurité palestiniennes contrôlées par Mahmoud Abbas ont arrêté presque 500 membres du Hamas et fermé 120 associations qui assuraient un travail social et politique dans les territoires de la Cisjordanie et la suspension du paiement des salaires de presque 30 000 fonctionnaires nommés par le Hamas depuis qu’il est au pouvoir.
Dans l’intérêt du peuple palestinien, il est urgent d’arrêter cette logique répressive des uns et des autres et de sortir de ce processus d’interactions destructrices qui paralysent les capacités de ses mouvements.
Que faire ?
• Le Hamas doit faire le premier geste dans un processus d’apaisement qui consisterait à restituer les locaux des différentes institutions palestiniennes (ministères, casernes et autres infrastructures qu’il contrôle) à l’autorité palestinienne représentée par Mahmoud Abbas.
Certains mouvements palestiniens comme le FPLP ont proposé que ces infrastructures soient mises à la disposition d’une tierce partie, ce qui pourrait constituer une solution intermédiaire envisageable.
• La dissolution du gouvernement d’urgence national (celui de la Cisjordanie ), présidé par Salam Fayad, car celui-ci n’a aucune légitimité institutionnelle. Il s’inscrit dans le processus des réactions entamé par les uns et les autres, face à cette crise institutionnelle extrêmement grave. Notre peuple vivant dans les territoires occupés devra être consulté rapidement sur la base d’un système électoral intégralement proportionnel. Cela permettra de mettre en place un système politique pluraliste et fonctionnel bien utile pour en finir avec le dualisme qui bloque la vie politique palestinienne.
• Reconsidérer la composition de toutes les institutions de sécurité palestiniennes que ce soit en Cisjordanie ou dans la Bande de Gaza, car il est plus qu’urgent et l’expérience l’a montré d’entamer une politique dite de « dépolitisation » de celles-ci. Il faut qu’elles s’éloignent de toute influence sectaire et doivent avoir une seule mission : celle de la protection des citoyens aussi bien au niveau interne que face aux exactions répétées des forces militaires israéliennes.
• Limiter le dialogue national à un face-à-face entre le Fatah et le Hamas, c’est révéler une erreur tragique dans la mesure où le dialogue ne peut qu’être national (regroupant toutes les tendances palestiniennes), l’accord du Caire, conclu entre les treize mouvements palestiniens constitue un bon départ pour reprendre un dialogue interne dont l’objectif est de former un nouveau gouvernement d’unité nationale sur une base pluraliste et représentative de toutes les mouvances politiques afin de répondre au mieux aux attentes de la population et de faire face efficacement au défi de l’occupation.
• Entamer sérieusement le processus de recomposition de l’OLP en tant qu’unique représentant du peuple palestinien qu’il soit sur place ou bien en diaspora. Cette recomposition doit passer par l’entrée de mouvements qui ne font pas encore partie de l’OLP tels que le Hamas et le Jihad islamique.
Quant à la question de la représentativité de chaque mouvement au sein des instances de l’OLP (Conseil national palestinien, Conseil central de l’OLP et Comité exécutif) cela doit passer chaque fois que c’est possible par un processus électoral. Ce sont les Palestiniens qui doivent décider librement de cette représentativité.
• Il faut opérer une séparation plus que nécessaire entre les mouvements palestiniens en tant que force politique qui jouent leur rôle comme tel, l’un ou l’autre susceptibles accéder au pouvoir grâce à des élections comme il peut très bien se retrouver dans l’opposition et les institutions de l’autorité palestinienne qui doivent rester au service de l’ensemble des Palestiniens.
Celles-ci ne doivent pas être la propriété des uns ou des autres, sans jamais perdre de vue que l’autorité palestinienne n’a de légitimité que sur la base des accords d’Oslo de 1993. Sa mission se limite à la gestion des affaires des palestiniens habitant les territoires occupés.
• Quant à l’OLP, elle est seule habilitée à gérer le dossier politique palestinien sur le plan de la politique internationale.
En tant que représentant de tous les Palestiniens, son programme doit être celui de l’unité nationale qui défend les éléments fondateurs des revendications du peuple palestinien, à savoir le droit à la création d’un Etat palestinien indépendant, le droit au retour des réfugiés palestiniens sur la base de la résolution 194 des Nations Unies de 1948 et sa représentativité sur la scène politique internationale.
• La gauche palestinienne se trouve dans un moment historique de son existence. Elle est appelée à unifier ses rangs en vue de présenter la troisième voie à coté du Hamas et du Fatah dont le peuple palestinien a plus que jamais besoin ; ses cinq composants (à savoir le FPLP, FDLP, PPP, FIDA et l’Initiative nationale) doivent enfin avoir une attitude de forces responsables et dépasser certaines querelles de leadership.
Elle est capable de le faire, si et seulement si, ses dirigeants se montrent conscients de leur rôle historique. S’ils ne le font pas, ils sont à mes yeux co-responsables de maintien de cette situation dangereuse et qui peut devenir chaotique.
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