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Palestine - 3 juillet 2012
Par Sam Bahour
Sam Bahour est un consultant américano-palestinien en développement des affaires, à Al-Bireh, au nord de Jérusalem.
Fichus Palestiniens ! Ils refusent de rester tranquilles. Ils n'ont rien pigé. Ils sont incapables de comprendre leur réalité. Plus leur situation est scandaleuse, plus ils sont humains. Quand tous les prétendus puissants pensent avoir suffisamment martyrisé (ou acheté) les Palestiniens pour les pousser à une soumission politique totale, les voilà qui s'embarquent dans encore un autre action terroriste - le terrorisme de la danse, de la musique, de la chanson et de la fête culturelle. Ce n'est pas un simple acte d'humanité ; il a des dimensions globales. Le monde ferait bien d'en prendre note.
Pour commencer, Israël a dépossédé les Palestiniens de 78% de leur patrie et créé la plus grande population au monde de réfugiés. Tout Palestinien qui est resté en Israël est devenu, involontairement, un citoyen israélien et l'Etat a mis en place un système de discrimination structurelle, bien pire que celle contre les Sud-Africains noirs avant la fin de l'apartheid.
Comme si ce n'était pas suffisant, l'armée israélienne a occupé les 22% restants de Palestine et a assujetti les autres Palestiniens - ceux de Cisjordanie , de Jérusalem Est et de la Bande de Gaza - à un état interminable de privation de leurs droits. Et pour faire bonne mesure, Israël a lancé une entreprise de colonisation de peuplement agressive, qui compte maintenant plus de 500.000 colons éparpillés dans tout le territoire sous occupation militaire.
Pour ajouter l'insulte à la blessure, 1,5 million de Palestiniens à Gaza sont assiégés et contraints de vivre comme au Moyen Age. Les maisons palestiniennes à Gaza, à Jérusalem et en Cisjordanie sont régulièrement démolies ; les Palestiniens sont emprisonnés sans accusation ; les ressources économiques palestiniennes sont gérés par Israël ; un mur de séparation illégal, plus haut et plus long que l'infâme Mur de Berlin, a été construit sur les terres occupés ; et la liste n'en finit pas.
Qu'obtiennent Israël et la "communauté internationale" en échange de leur pillage systématique des moyens d'existence palestiniens ? Une mémoire palestinienne collective et têtue qui refuse de se courber sous le poids d'une injustice historique. Si ce n'était qu'une simple mémoire, ce ne serait pas grand chose, mais ces fichus Palestiniens s'acharnent à la garder vivante par le biais des arts du spectacle, la musique, la chanson, la danse, le théâtre, le cirque, les festivals, etc.
Les Palestiniens engagés dans les arts du spectacle seraient somme toute tolérables si c'était là toute leur activité, mais il y a plus ; ces fichus Palestiniens veulent absolument partager leur résistance culturelle avec des artistes du monde entier et ne cessent d'inviter d'autres communautés à les rejoindre en solidarité.
Chaque année maintenant, depuis 1993, le Centre des Arts populaires, une organisation palestinienne qui promeut les arts professionnels du spectacle, organise un événement connu sous le nom de Festival international de Danse et de Musique. Cette année, les spectacles sont organisés sur 5 jours, du 4 au 9 juillet. Le festival est chargé de sens.
Tout d'abord, il est réparti entre quatre villes palestiniennes : Ramallah, Qalqilia, Naplouse et Nazareth. L'inclusion de Nazareth, ville palestinienne en Israël, est une décision réfléchie des organisateurs : une forme de résistance au siège culturel et à l'isolement systématique imposé par le système israélien d'apartheid sur ceux d'entre nous qui vivent sous occupation militaire directe (en Cisjordanie et à Gaza) et ceux de nos frères à l'intérieur d'Israël, que la plupart des Palestiniens sous occupation sont dans l'incapacité de rencontrer physiquement. Le message est clair. Nous sommes un seul peuple et nous refusons de permettre qu'une séparation militaire forcée nous sépare.
Ensuite, le festival aura cette année un thème - "l'éducation", au sens non conventionnel du terme. Le thème a pour but de mettre en valeur l'importance de l'éducation populaire, telle que développée par l'éducateur brésilien et théoricien influent de la pédagogie critique, Paulo Freire. Toutes les activités du festival, cette année, ont été délibérément conçues selon les formes de l'éducation populaire de Freire, au service de la libération palestinienne.
Préfaçant l'ouvrage de Paulo Freire "La pédagogie des opprimés", le théologien américain Richard Shaull a écrit :
“Il n’y a pas d’éducation neutre. L’éducation fonctionne comme l’instrument qui aide a intégrer les jeunes générations dans la logique du système actuel en y amenant la conformité, ou bien elle devient la “pratique de la liberté” et donne les moyens aux hommes et aux femmes d’interagir de manière critique et créative avec la réalité et de découvrir comment participer a la transformation du monde.”
Fichus Palestiniens. Ils continuent de chercher et d'apprendre à partir des exemples du monde au lieu d'accepter leur triste situation de spoliation.
Un coup d’œil au programme du festival 2012 fait s'interroger sur l'ampleur de la solidarité mondiale. En plus de la crème de la crème des troupes palestiniennes de danse, des artistes irlandais, chinois et égyptiens vont tous participer. Le festival s'ouvrira sur un spectacle musical irlandais, "Le rythme de la danse", une féérie de deux heures de danse et de musique d'artistes irlandais qui raconte le voyage épique des Celtes irlandais à travers l'histoire. Le spectacle "Cent mains", par la Troupe des artistes handicapés de Chine, clôturera le festival.
Cette année, le Festival international palestinien de Danse et de Musique mobilisera plus de 200 bénévoles et s'appuiera sur un niveau sans précédent de soutien de sponsors et donateurs palestiniens du secteur privé. L'UNICEF et le Consulat de Suède soutiennent également le festival.
Et, alors que je termine cet article, je viens de recevoir un appel du Théâtre de la Liberté du camp de réfugiés de Jenin. On me demande de participer aux événements de la prochaine tournée de l'Autobus de la Liberté, neuf jours à travers la Cisjordanie , avec la visite de 14 communautés, pour les encourager à exprimer leur histoire orale au travers d'une technique de théâtre interactif appelé Playback Theater.
En vérité, vous voyez, ces fichus Palestiniens ont tout compris. Ils savent très bien que la justice finira par triompher. Nous avons étudié de près l'histoire mondiale et nous savons qu'aucun peuple en lutte n'a vécu pour toujours sous occupation et qu'aucune population qui a su maintenir une mémoire collective vivante ne restera à jamais réfugiée. Nous le savons - la discrimination, sous toutes ses formes, est destinée à s'écrouler aux pieds de tous ceux qui la soutiennent activement, la financent ou regardent ailleurs.
Et maintenant, célébrons notre humanité. Rejoignez-nous.
Source : ePalestine
Traduction : MR pour ISM
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