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Palestine - 19 septembre 2012
Par Sam Bahour
Sam Bahour est consultant palestino-américain en développement commercial. Il est conseiller politique à Al-Shabaka, le réseau politique palestinien. Son blog : . ePalestine
"Nous devons nous débarrasser d'Arafat" [conversation surprise en 2002 parce qu'un micro était resté ouvert entre le major Shaul Mofaz, ministre israélien de la Défense et le Premier ministre Sharon, rapportée par Ha'aretz (en hébreu)]
"Nous avons opéré contre Ahmed Yassin et Abdel-Aziz al-Rantissi [deux leaders palestiniens assassinés par Israël] quand nous avons jugé que c'était le moment. Au sujet d'Arafat, nous opèrerons de la même façon, au moment que nous jugerons approprié. Il faut juste trouver le moment et faire ce qui doit être fait." [Premier ministre Ariel Sharon au quotidien Ma'ariv, cité par The Guardian]
Les effets personnels d'Arafat ont été analysés par quelques-uns des meilleurs médecins légistes au monde.
Yasser Arafat est peut-être mort, mais à toutes fins utiles, il continue de vivre et d'être une épine dans le pied d'Israël. Au début de ce mois, un médecin suisse a annoncé que des taux élevés de polonium-210 ont été trouvés dans les effets personnels d'Arafat. Le polonium-210 est une substance hautement radioactive, dont la production et la manipulation nécessitent un réacteur nucléaire. Israël, qui est une puissance nucléaire et qui a publiquement exprimé son souhait d'"éliminer" Arafat, correspond à la description de l'assassin présumé.
Le rapport publié par Al-Jazeera Al-Jazeera (1) à la suite d'une enquête de neuf mois cite le médecin suisse François Bochud, directeur de l'Institut de physique nucléaire à Lausanne : "Nous avons des preuves qu'il y a trop de polonium, mais des rapports médicaux disent que ce n'est peut-être pas le cas. La seule façon de résoudre cette anomalie est d'examiner le corps."
Si l'exhumation et l'examen du corps d'Arafat (qui repose actuellement dans sa tombe, à cinq cents mètres de chez moi) sept ans après sa mort révèlent la présence de polonium-210, la question attendant une réponse sera : qui l'a tué et pourquoi ?
Cela peut paraître futile de se focaliser sur la mort d'un seul individu quand la région est en proie à des massacres, jusqu'à ce qu'on réalise que le meurtre d'Arafat voulait être un accélérateur dans un processus visant à la disparition d'un peuple indigène tout entier.
Un avocat palestinien de Galilée a pointé du doigt ceux qu'il considère comme les plus probables responsables du meurtre de l'ancien président palestinien. Il nomme les accusés et cite leurs histoires : leurs propres paroles les inculpent et leurs actes de violence constante sont éloquents.
L'acte d'accusation incrimine cinq haut gradés d'Israël :
1. Ariel Sharon, en sa qualité de Premier ministre du gouvernement d'Israël de 2001 à 2006 (déclaré actuellement cliniquement mort) ;
2. Avi Dichter, en sa qualité de chef du Shin Bet (la sécurité intérieure israélienne), de 2000 à 2005 (membre du parti Kadima à la Knesset) ;
3. Shaul Mofaz, en sa qualité de ministre israélien de la Défense de 2003 à 2006 (nouveau chef du parti Kadima) ;
4. Moshe Ya'alon, en sa qualité de chef d'Etat-major de l'armée israélienne de 2003 à 2005 (actuellement vice-premier ministre d'Israël) ;
5. Meir Dagan, en tant que directeur du Mossad de 2002 à 2011 (actuellement chef d'un mouvement appelé "Yesh Sikkui").
Celui qui porte ces accusations est Sabri Jiryis, écrivain palestino-arabe israélien et avocat, diplômé de la faculté de droit de l'université hébraïque et activiste palestinien éminent du parti politique d'Arafat, le Fatah. Pendant longtemps, M. Jiryis a été conseiller d'Arafat sur les affaires israéliennes ainsi que directeur du Centre de Recherche sur la Palestine au Liban, et plus tard à Chypre. il fut l'un des confidents d'Arafat pendant des décennies, jusqu'à la mort de ce dernier.
M. Jiryis vient de publier, sur son site web, une analyse révélatrice sur le contexte historique qui a conduit à l'assassinat d'Arafat intitulée : "Le meurtre d'Arafat - le crime et ses ramifications".
L'essai est publié en arabe, ce qui peut limiter le bénéfice de cet exposé d'un initié au monde non arabophone.
Résumé : M. Jiryis assemble méticuleusement et présente des preuves tangibles démontrant pourquoi ces cinq leaders israéliens en particulier devraient être traduits en justice. Son analyse ne comporte aucune parole de colère ou de vengeance mais plutôt un examen clinique et froid d'une série d'actions et de déclarations de chacun de ces leaders israéliens qui, en toute logique, devrait amener tout observateur objectif à la conclusion que si justice doit être rendue, ces cinq individus devraient être inculpés pour le meurtre d'Arafat et traduits en justice.
Suite à la diffusion par Al-Jazeera de leur documentaire concluant qu'Arafat avait pu être empoisonné par du polonium radioactif, Mahmoud Abbas, le successeur d'Arafat, a ordonné une enquête sur sa mort. En réponse, la Ligue arabe a mis en place, au Caire le 17 juillet 2012, une commission d'enquête indépendante sur la mort de l'ancien leader palestinien emblématique.
Tandis que la commission d'enquête indépendante s'engage dans son mandat, l'analyse de M. Jiryis peut être une contribution importante car elle replace le meurtre d'Arafat dans son contexte historique. Des dirigeants sionistes ont recouru au meurtre, à l'assassinat et au massacre de masse depuis la fondation d'Israël, et même avant. Les rênes du pouvoir israélien sont toujours entre les mains de ceux qui cherchent à écraser la lutte palestinienne pour la liberté et l'indépendance. Lorsque le tour d'Arafat a fini par arriver, le faisceau de preuves était si flagrant que ce serait une insulte à l'humanité si les responsables n'étaient pas traduits en justice.
Quoi qu'il arrive à cette nouvelle tentative pour déterminer comment Arafat est mort et qui en est responsable, la lutte palestinienne pour l'émancipation de 65 ans de dépossession et de 45 ans d'occupation militaire ne prendra pas fin. L'idée que les Palestiniens vont se réveiller un beau matin et décider de se réjouir de la vie sous occupation militaire israélienne ou comme réfugiés est tout simplement hallucinante, comme l'indique toute lecture attentive de l'histoire mondiale.
Les rebondissements historiques du destin sont imprévisibles, ils ont de nombreuses connotations ironiques. Peut-être, juste peut-être, l'analyse d'un avocat palestinien de formation israélienne, avec les indices qu'on trouvera sur la dépouille d'Arafat, marqueront le début d'une ère tant attendue où Israël devra rendre compte pour ses crimes contre le peuple palestinien.
(1) En français : "L'empoisonnement d'Arafat confirmé", Info-Palestine.net, 3 juillet 2012.
Source : Sabbah
Traduction : MR pour ISM
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Assassinats ciblés
Sam Bahour
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