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Gaza - 22 mai 2006
Par Silvia Cattori
Un Palestinien résidant à Gaza témoigne. Propos recueillis par Silvia Cattori le 18 mai 2006.
Ils doivent avoir la décence de se mettre autour d'une table, comme le gouvernement Hamas les y invite, pour réformer cette structure de l'OLP qui n'a plus de légitimité en l'état actuel.
Ne pas vouloir réorganiser l'OLP est une erreur impardonnable de leur part. L'OLP n'a plus de réelle représentativité.
Elle incarnait jusqu'ici uniquement l'Autorité issue d'Oslo que le peuple a refusé en sa majorité. L'OLP ne représente donc que le Fatah, le FPLP et quelques autres petites forces.
La population palestinienne vit des heures très sombres. La voix que vous entendez ici est celle d'un jeune boulanger palestinien qui a voté pour le Hamas, lors des récentes élections, en espérant que celui-ci parvienne à alléger la souffrance de son peuple.
Nous pensons que ce témoignage reflète de manière sincère ce que ressent une large partie de la population de Gaza.
Ce qu'il dit doit être dur à entendre pour tous ceux qui, en Occident, ont toujours refusé de collaborer avec le mouvement de résistance incarné par le Hamas et le Djihad, et ont choisi d'apporter leur soutien, politique et financier, à l'Autorité palestinienne dirigée par les membres du Fatah, qui ont, durant des années, il faut bien le dire, collaboré avec l'occupant.
Mais il y a des moments tragiques où il faut avoir le courage de reconnaître ses erreurs.
SC
Silvia Cattori : Mahmoud Abbas a qualifié le récent déploiement d'une force de sécurité dans les rues de Gaza par le Hamas, d'anticonstitutionnel. N'est-ce pas là un périlleux face à face ?
Hicham : La situation est très mauvaise. Tous les habitants de Gaza sont très inquiets. Ils ont peur qu'une guerre civile généralisée ne les jette les uns contre les autres.
Le gouvernement du Hamas se devait de se doter d'un service de sécurité qui soit sous son contrêle.
Il ne pouvait continuer de rester passif face au refus de Mahmoud Abbas de coopérer avec son gouvernement.
Dans quel pays démocratique prive-t-on le gouvernement de se doter d'un service de sécurité et laisse-t-on le parti qui a perdu les élections tirer sur les autorités que le peuple vient d'élire ?
La mise en place d'une force de sécurité sous la direction du nouveau gouvernement a été bien ressentie par la population.
Mais l'inquiétude grandit. Car, on s'attend à ce que les forces de sécurité qui sont sous les ordres du Fatah continuent de créer des troubles pour déstabiliser la situation et provoquer une guerre civile que le Hamas a, jusqu'ici, tout fait pour éviter.
Face à toutes les provocations physiques et verbales du Fatah, il s'est montré très patient, très discipliné, très responsable.
Il faut comprendre que ces provocations font partie d'un plan soutenu financièrement par les Etats-Unis.
Souvenez-vous qu'en 2005 ils ont versé 50 millions de dollars pour former et armer cette force de sécurité qui aujourd'hui combat les membres du Hamas. Ils saississent toute occasion pour créer des incidents.
La tension s'est accrue depuis que le gouvernement Hamas a déployé dans les rues de Gaza une force de sécurité composée de 2600 hommes appartenant au Hamas et 400 hommes appartenant à diverses autres composantes.
S.C.- Quel est le nombre des forces de sécurité qui sont toujours sous la direction de Mahmoud Abbas ?
Hicham : 5000 hommes environs bien armés, fraichement entrainés par la CIA ; ils dépendent du Ministre Rachida Bouskaf, un personnage corrompu et détesté, tout comme Mohamed Dahlan.
S.C.- N'est-ce pas une stratégie suicidaire la leur ?
Hicham : Leur but est de créer un état de chaos. Ils sont prêts à tout pour ne pas perdre leurs privilèges et s'activent pour tenter de tirer le Hamas vers une guerre civile.
C'est sur eux que Mahmoud Abbas pense compter pour ensuite pouvoir dire au monde : "Voilà où nous a mené le Hamas depuis qu'il est arrivé au pouvoir".
Tout cela est clair pour nous. Nous espérons que le monde comprenne cette fois où sont les vrais fauteurs de troubles.
Au lieu de nous aider à combattre Israël et à contrer sa propagande, le Fatah nous fragilise. Je considère qu'il est directement responsable du sang qui coule en ce moment. Il a tout fait pour délégitimer le Hamas nouvellement élu.
Imaginez ce que serait une guerre civile, ici dans la bande de Gaza, sur ce bout de terre minuscule et surpeuplé, long d'Ã peine 40 kilomètres d'une largeur de 5 Ã 12 kilomètres, au maximum, au sud.
S'activer pour faire éclater une guerre civile ici, dans le but de retourner le peuple contre le Hamas, est une faute criminelle de la part du Fatah.
S.C.- Mahmoud Abbas contribue-t-il donc à mettre de l'huile sur le feu par son comportement méprisant vis-à -vis du choix électoral qu'à fait son peuple ?
Hicham : Il se conduit comme un chef de gang. Honte à lui et à ses amis du Fatah qui en ce moment collaborent ouvertement avec nos ennemis, Israël et les Etats-Unis, pour saboter le gouvernement du Hamas et l'empêcher de réussir.
Je vous donne un exemple qui démontre que le Hamas ne pouvait plus laisser les choses en l'état.
Chaque fois que le Ministre de l'Intérieur Saïd Siyam demandait aux services de sécurité dirigés par Mahmoud Abbas, d'envoyer une patrouille libérer des kidnappés à tel endroit, il s'entendait répondre qu'ils ne pouvaient rien faire, qu'ils n'avaient pas d'essence.
Or, on se moquait de lui. Ils étaient toujours en train de circuler dans les rues comme ça, de manière agressive ; mais quand le gouvernement du Hamas leur demandait d'aller secourir des gens, ils refusaient.
Le gouvernement du Hamas ne pouvait pas continuer de subir ce genre de provocations et rester démuni de toute défense et autorité.
S.C.- Comment les Palestiniens supportent-ils de se voir pareillement maltraités ?
Hicham : Les gens qui sont derrière tous ces blocages sont connus de nous tous. Mais malheureusement, je pense que le gouvernement du Hamas ne peut pas les arrêter car il veut éviter de rendre la situation encore plus explosive.
Les gens du Hamas se tiennent à des principes. Ils sont soucieux de ne pas prêter le flanc à des incidents inter-palestiniens. Ils considèrent que le sang palestinien est sacré, et aussi qu'il ne faut pas condamner les saboteurs, en dehors de la loi. Ces saboteurs sont hors la loi.
Mais si le Hamas devait les toucher, il y aurait une explosion. C'est justement ce qu'ils attendent.
Le Hamas fait tout ce qu'il peut pour empêcher une guerre civile. Il sait très bien que s'il devait les désigner pour ce qu'ils sont, des traitres, la situation ne peut que s'aggraver. Donc il attend que les choses finissent par s'arranger, par le dialogue, autour d'une table.
S.C.- Mahmoud Abbas dans sa tournée en Europe a réaffirmé qu'il est l'unique représentant légitime du peuple palestinien ; il a insisté pour que les Etats ne donnent pas d'argent au Hamas. Qu'espère-t-il ?
Hicham : Vous savez, le but de Mahmoud Abbas est clair pour nous. Si sa campagne de déstabilisation contre le Hamas, devait parvenir à le faire tomber, je suis persuadé qu'il n'y aurait jamais plus un autre gouvernement.
Le Hamas a été porté au pouvoir par le peuple. Si le Fatah continue d'empêcher le Hamas de gouverner, il y aura, soit une guerre entre nous, soit une guerre contre Israël.
C'est cette dernière que je préfère, car ce sont eux qui occupent notre terre, ce sont eux qui nous ont jetés dans ce gâchis.
S.C. - Allez-vous pouvoir rester en bonne santé mentale et physique avec tout ce que vous subissez d'horreurs ?
Hicham : La situation financière est très mauvaise. Si vous allez au marché, qui en d'autres temps était noir de monde, il n'y a personne ! Vous pourriez croire que nous sommes sous couvre-feu.
Il y a des gens qui ne peuvent plus aller travailler car ils n'ont pas d'argent pour payer les moyens de transport.
Les pays arabes cherchent eux aussi à nous déstabiliser. Ils disent on va donner, on va envoyer de l'argent.
Or ils n'osent pas verser l'argent qu'ils ont promis car ils n'osent pas défier les Etats-Unis.
S.C.- Comment la population réagit-elle face à tous ceux qui refusent d'accepter la victoire du Hamas ? S'est-elle radicalisée ? Ou flotte-t-elle sans cerner les enjeux ?
Hicham : Une partie de la population est en train de flotter. Il y a environs 25 % de gens qui soutiennent le Fatah ; une minorité de gens peu éduqués qui sont eux confus, donc facilement manipulables par ceux qui répandent des fausses informations.
C'est par la désinformation que le Fatah espère gagner l'opinion. Toutefois, les gens qui comprennent ce qui se trame et soutiennent le Hamas sont la grande majorité.
S.C.- Peut-on gouverner un peuple qui est encore sous occupation ? Le Hamas ne devrait-il pas dissoudre cette Autorité voulue par Arafat et qui en l'état parait être une absurdité ?
Hicham : Cette autorité n'était pas le choix du Hamas. C'est une autorité issue des accords d'Oslo qui ont amené le Fatah à sa perte et à des conséquences catastrophiques pour nous.
Les gens du Hamas ne voulaient pas le pouvoir. Ils pensaient être plus efficaces dans l'opposition. Ils ont gagné les élections malgré eux. Le peuple les a plébiscités. Depuis, ils appellent le Fatah et toutes les forces à s'unir en un front commun.
C'est un grand défi pour les dirigeants du Hamas. J'espère qu'ils arriveront à surmonter les obstacles et à unifier toutes les forces loyales.
S.C.- Que dites-vous aux représentations de l'OLP dehors, qui depuis quatre mois continuent de se présenter comme vos portes paroles légitimes ?
Hicham : Je leur dis qu'ils doivent avoir honte de se répandre en mensonges, honte de continuer de lutter contre notre volonté, pendant que leur peuple souffre atrocement.
Je leur dis que l'OLP ne représente plus qu'une infime minorité du peuple, même pas un quart, et qu'ils n'ont aucune légitimité Ã parler en notre nom.
Les membres du Hamas et du Djihad n'appartiennent pas à l'OLP. Or, il faut savoir que leurs forces sur le terrain représentent les trois quarts des Palestiniens : 65 % pour le Hamas et 10 % pour le Djihad. Ce qui veut dire que 75 % des Palestiniens sont en dehors de l'OLP.
Je leur dis qu'ils doivent avoir la décence de se mettre autour d'une table, comme le gouvernement Hamas les y invite, pour réformer cette structure de l'OLP qui n'a plus de légitimité en l'état actuel. Ne pas vouloir réorganiser l'OLP est une erreur impardonnable de leur part. L'OLP n'a plus de réelle représentativité. Elle incarnait jusqu'ici uniquement l'Autorité issue d'Oslo que le peuple a refusé en sa majorité. L'OLP ne représente donc que le Fatah, le FPLP et quelques autres petites forces.
Déjà avant l'arrivée du Hamas, l'Autorité palestinienne se confondait avec l'OLP. C'était une Autorité mise en place par les Etats-Unis et non pas issue de la volonté du peuple. Il n'y avait pour nous plus aucune différence entre l'OLP et l'Autorité palestinienne. C'est pour cela que je ne n'aurai jamais de mots assez durs envers ceux qui se revendiquent de l'OLP pour parler en notre nom.
J'accuse les représentants de l'OLP, d'avoir participé avec le Fatah à compliquer notre cause et à trahir le mouvement national.
S.C.- Alors eut-il fallu qu'il n'y ait jamais d'Autorité du tout, mais un front de résistance uni qui se battrait jusqu'a ce que l'occupant ne se retire ? Le Hamas n‘est-il pas arrivé, par ces élections, à occuper lui aussi, une position intenable ?
Hicham : Jamais le Hamas ne se laissera plier et pousser à des compromissions.
Jamais ses dirigeants n'accepteront de négocier avec Israël, si celui-ci ne reconnait pas les droits du peuple palestinien à exister et à revenir sur ses terres.
C'est ce qui différencie le Hamas du Fatah. Ce parti a cédé Ã tous les chantages d'Israël et de l'Occident ! Il est même allé jusqu'Ã changer la Charte de l'OLP.
S.C. - Si vous deviez faire un pronostic aujourd'hui, le Hamas, malgré les difficultés, pourra-t-il répondre aux attentes de son peuple ?
Hicham : Vous savez, ici la population a une grande confiance dans les membres du Hamas. Ils sont courageux. Ils ont la force et la volonté dès gens qui ont la foi.
Nous les avons vus toutes ces années Å“uvrer pour aider le peuple que l'Autorité précédente, qui avait l'argent mais le détournait, laissait à l'abandon.
Même si une partie du peuple palestinien ne comprend pas ce qui se passe et peut se laisser berner par leurs mensonges, moi j'ai confiance en eux.
S.C.- Dans l'immédiat, les forces de sécurité fidèles au Fatah, sont bien là , décidées, semble-t-il, à ne pas laisser le Hamas gouverner. Comment pouvez-vous continuer de survivre sous la menace ? Déjà les morts et les blessés, provoqués par les incidents inter-palestiniens, ne se comptent plus.
Hicham : Leur menace ne date pas d'aujourd'hui. Elle n'est rien de nouveau pour nous. Ces forces dites de "sécurité préventive" nous les avons subies, dès leur création par Arafat en 1994.
Le peuple palestinien ne les a jamais considérées comme une protection, ni comme une défense face aux attaques israéliennes.
Elles arrêtaient les membres du Hamas, du Djihad. Elles torturaient les prisonniers palestiniens. Donc nous les subissons depuis longtemps.
S.C.- Pourquoi n'avez-vous jamais dénoncé les abus de l'Autorité palestinienne haut et fort, auparavant ?
Hicham : Parce que nous devions nous concentrer sur notre ennemi : Israël. Nous sommes entourés d'espions qui travaillent pour les services secrets d'Israël et d'espions qui travaillent pour les services secrets de Mohamed Dahlan.
Nous vivons ici. Nous devons cacher nos opinions, ne rien risquer. Le contexte est pénible. Nous devons faire attention à ne pas ajouter d'autres difficultés à notre quotidien.
Ce qui a changé actuellement est que les menaces que font peser les forces de sécurité manipulées par le Fatah, sont devenues plus lourdes que les menaces déjà imposées par Israël.
Car, si les Israéliens nous attaquent, ils visent des objectifs précis. Mais si les forces du Fatah nous attaquent, ce sont nos frères qui peuvent tirer à tout moment sur chacun de nous. Et cela est terrible à supporter. Cela peut arriver dans une heure, tout de suite.
On doit se méfier de chacun. C'est une tension qui est là et que l'on redoute, on ne sait plus sur qui cela peut tomber.
On a peur de sortir de chez soi. Ils sont là dans nos murs, ils sont là dans nos rues ; ils circulent avec des jeeps pleines de soldats armés. Ils kidnappent des gens.
C'est ce tout qui a forcé le Hamas à se munir de sa propre sécurité pour tenter de nous protéger.
S.C.- Ne croyez-vous pas, comme Mahmoud Abbas l'a pronostiqué, que le Hamas, finira par tomber ?
Hicham : Ces gens du Fatah qui ont pillé le peuple palestinien, croient maintenant qu'ils peuvent réussir à pousser les autorités du Hamas à démissionner. Jamais ils ne réussiront.
Cela fait des mois que les membres du Fatah provoquent les gens du Hamas. Le but de ces saboteurs à la solde de la CIA, est de nous pousser à la guerre entre frères et de nous faire oublier que notre véritable ennemi est Israël.
Ils devront répondre de leurs actes têt ou tard. Ils ne réussiront pas à nous faire croire que c'est le Hamas qui jette de l'huile sur le feu.
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