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ISM France - Archives 2001-2021

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Gaza -

Gaza : L’effet boomerang

Par

Effet de boomerang d’une rare violence, l’ordonnateur de la destruction de Gaza, Ehud Barak, n’a pas perçu les dividendes électoraux du bain de sang anti-palestinien et le caporal israélien Gilad Shalit demeure en captivité, prisonnier du Hamas, le mouvement islamiste palestinien, celui-là même que le ministre israélien de la Défense projetait de détruire en même temps que l’enclave palestinienne.

Le concepteur de l’opération «plomb durci» a été sévèrement battu aux élections israéliennes le 10 février et le parti travailliste, présumé socialiste, relégué au bas de l’échiquier politique, en 4ème position des partis derrière même le parti de l’extrême droite xénophobe Avigor Liebermann.

Sa collègue des affaires étrangères, Tzipi Livni est bien arrivée très légèrement en tête de la consultation, selon les dernières estimations, mais son parti Kadima, présumé centriste, est battu en termes de voix de droite. La coalition que l’ancienne agent du Mossad serait chargée de mettre sur pied pourrait ainsi se révéler problématique. Aucun centre de prospective, si perspicace soit-il, aucun médium, si prescient fut-il, nul oracle n’avait prévu pareil lugubre épilogue à deux ans d’une sanglante épreuve de force qui s’est soldée dans sa phase finale par une boucherie accablante, moralement, pour l’Etat Hébreu.

Enjeu emblématique de l’expédition punitive de Gaza (décembre 2008-janvier 2009), Gilad Shalit, a été capturé en juin 2006 alors qu’il était en opération de guerre dans un territoire considéré occupé par le Droit international. Sa libération au besoin par la force constituait l’objectif souterrain de l’offensive israélienne, le vœu secret des dirigeants israéliens qui se proposaient d’en faire leur trophée de guerre, prélude au triomphe électoral et au sacre politique. Mille trois cents (1300) personnes ont payé de leur vie cette fixation belliciste et près de cinq mille blessées, en majorité des femmes et des enfants, sans pour autant que les israéliens ne parviennent à satisfaire leurs ambitions, ni à faire fléchir le Hamas.

Le cinglant camouflet infligé ainsi à l’establishment politique et militaire israélien a résonné comme une retentissante victoire psychologique du mouvement islamique palestinien, le propulsant au firmament de la popularité à l’égal du mythique lanceur de chaussures irakien anti-Bush, Montazer al-Zaïdy, ou du Hezbollah libanais. Le KO technique est incontestable. Rien, ni personne, nulle logomachie si abondante soit-elle, aucune construction intellectuelle si torsadée soit-elle, ne saurait travestir cette réalité : Gilad Shalit est toujours prisonnier de guerre du Hamas, prisonnier de guerre et non «otage» comme ont tendu à vouloir le présenter le «bonimenteur» Marek Halter et sa cohorte d’intellectuels falsificateurs affidés au judaïsme institutionnel français.

I - Marek Halter, le bonimenteur (1)

Mettant à profit l’émotion soulevée par la libération d’Ingrid Betancourt, le 3 juillet 2008, Marek Halter s’est lancé, sans vergogne, dans une opération de mystification de l’opinion publique française en réclamant, depuis la tribune officielle aménagée place du Trocadéro à Paris pour l’accueil de l’ancienne otage franco-colombienne, le lancement de « la phase II de libération du dernier otage au monde, Gilad Shalit ».

Gilad Shalit est un cas exemplaire de la confusion mentale, politique et juridique dans laquelle baigne une frange des bi nationaux franco-israéliens et leurs nombreux et bruyants partisans. Servant dans une armée d’occupation, il est présenté, contre toute vraisemblance, comme un «otage». Pis, sa famille invoque la nationalité française de ce militaire israélien pour solliciter la protection diplomatique de la France, laquelle, toute honte bue, réclame sa libération, non à l’Egypte, pays avec lequel elle co-préside pourtant «l’Union pour la Méditerranée», l’Egypte, l’intercesseur naturel entre Israéliens et Palestiniens, de surcroît mandaté officiellement par la Ligue arabe pour négocier la réconciliation inter palestinienne, non à l’Egypte, mais à la Syrie, omettant de réclamer à Israël, d’une manière concomitante, la remise en liberté du bi national franco-palestinien Salah Hammouri, un civil résidant en France, lui, incarcéré arbitrairement par les Israéliens, omettant de brider la colonisation rampante de la Palestine, le principal foyer du brasier.

La protection diplomatique de la France s’accorde en principe uniformément à tous les citoyens français indépendamment de leurs croyances religieuses ou de leurs origines ethniques. Une telle disparité de comportement augure-t-elle d’une novation du principe républicain de l’égalité citoyenne, ou, au contraire, suggère-t-elle la mise en œuvre d’une hiérarchie au sein de la nationalité française en fonction des croyances religieuses du ressortissant ou de la puissance du lobby de son pays d’origine ? Le cas Shalit renvoie, en tout cas, à un précédent matérialisé par la nomination d’un réserviste de l’armée israélienne, Arno Klarsfeld, au poste de conseiller du ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, en pleine campagne présidentielle française, en pleine guerre d’Israël contre le Liban, en juillet 2006. Au point que se pose la question de savoir si le recours à des réservistes de l’armée israélienne sanctionne-t-il la carence des compétences françaises ou si le service militaire dans l'armée israélienne constitue-t-il désormais un passage obligé à des promotions politico administratives en France, sans que cette nomination, à relent démagogiquement électoraliste, n’ait suscité la moindre interpellation ni au sein de la classe politique ni au sein de la corporation journalistique.

Israël chercherait désormais à compenser sa déroute morale en faisant droit implicitement aux exigences du Hamas, au motif que le mouvement palestinien, désormais affaibli, ne saurait profiter d’une libération de prisonniers palestiniens qu’il réclame en échange de Gilad Shalit. Il subordonnerait toutefois la levée du blocus de Gaza à la remise en liberté du prisonnier israélien, mais le Hamas ne l’entend pas de cette oreille, qui considère que Gilad Shalit, prisonnier de guerre, devrait être échanger contre plusieurs centaines de prisonniers palestiniens détenus arbitrairement. Le Hamas maintient sa revendication intacte. Le vœu secret du mouvement islamique est qu’il obtienne, dans cette transaction, la libération de ses députés membres au parlement palestinien, capturés en toute illégalité par Israël, voire même des responsables politiques tels Marwane Barghouti (Fatah) et Ahmad Saadate (FPLP), les plus emblématiques prisonniers palestiniens, eux aussi arbitrairement emprisonnés par les Israéliens. Israël pourrait être conduit à satisfaire certaines de ses revendications pour atténuer quelque peu l’horrible image de sa prestation de Gaza. Un tel scénario, s’il venait à se produire, constituerait l’apothéose du Hamas et le cauchemar d’Israël à l’effet de pulvériser l’autorité du président palestinien Mahmoud Abbas tant sur la Cisjordanie que sur le Fatah, l’organisation mère de la résistance palestinienne.

L’histoire récente le montre : illustration d’une politique erratique ou volonté de discréditer la seule autorité légale palestinienne internationalement reconnue, en vue de vider de sa substance la représentativité palestinienne, Israël n’a jamais fait le moindre geste à Mahmoud Abbas, malgré les nombreuses accolades du président de l’autorité palestinienne au premier ministre intérimaire, Ehud Olmert, réservant les substantiels échanges de prisonniers à ses adversaires les plus résolus, le Hezbollah libanais, libérateur du druze libanais Samir Qantar, le doyen des prisonniers arabes et le Hamas palestinien. Ce fait semble avoir échappé à la perspicacité de la cohorte cultureuse du parisianisme calfeutré, toute obnubilée par sa célébration quotidienne du génie politique et de l’audace militaire de l’establishment israélien, sans prendre conscience de l’érosion de l’image d’Israël.

II - Soumoud, l’enracinement et l’endurance de «la Palestine, une nation en morceaux» (2)

La force du Hamas, et au delà, de l’ensemble du peuple palestinien, malgré ses divisions, en dépit du traumatisme que représente la spoliation de son identité nationale, réside en un mot : Soumoud, un borborygme barbare pour les non–arabisants, qui résume à lui seul le long calvaire palestinien et le combat de ce peuple vers la liberté et la dignité. Notion de synthèse faite d’enracinement à la terre, de résistivité, de privation et d’endurance face à l’occupation israélienne, un témoin de premier plan en fait la description clinique, démontrant les multiples aspects de ce Soumoud, dans un ouvrage qui constitue une compilation de ses chroniques quotidiennes sur le terrain même des épreuves palestiniennes. Correspondant du journal Le Monde à Ramallah, en poste depuis six ans en Cisjordanie , en Palestine occupée, Benjamin Barthe, prix Albert Londres 2008, est un parfait contre exemple des bonimenteurs et falsificateurs.

En observateur avisé d’une période cruciale qui va de 2002 à 2008, c'est-à-dire de la deuxième Intifada à l’échec du processus de paix, il analyse les ressorts profonds de l’irrésistible ascension du Hamas, la nouvelle bête noire de l’Occident, à la lumière de l’asphyxie de Gaza et du démantèlement de la Cisjordanie .

Cette «Palestine, une nation en morceaux » (1), c’est le titre de son ouvrage, est cimentée par un seul mot d’ordre, soutient-il, Soumoud, un impératif qui maintient vivante l’identité palestinienne. L’impératif d’un peuple et d’«un pays sans frontières, ni état aux racines profondes, à l’histoire récente». Une notion dont devrait se pénétrer tous les consuméristes de la société d’abondance, les transfuges de gauche d’André Glucksman, nullement incommodé par la disproportion de l’offensive, à Alexandre Adler, ultrasensible envers les victimes israéliennes mais inerte pour les Palestiniens, sans doute moins humain que ses coreligionnaires, en passant par le sophiste Bernard-Henry Lévy, le chantre de la libération du peuple palestinien par l’armée d’occupation israélienne.

Le temps historique n’est pas réductible au temps médiatique. Israël, durant le premier demi-siècle de son indépendance (1948-2000), a été victorieux dans toutes les guerres qui l’ont opposé aux armées conventionnelles arabes, mais la tendance s’est inversée depuis le début du XXI me siècle, avec la mise en oeuvre de la stratégie de la guerre asymétrique. Toutes ses confrontations militaires avec ses adversaires arabes se sont depuis lors soldées par des revers militaires, que cela soit au Liban, en 2006, contre le Hezbollah chiite libanais, ou en 2008, à Gaza, en Palestine, contre le Hamas sunnite palestinien.

Longtemps sous la coupe des états arabes, les Palestiniens ont livré dans leur ghetto de Gaza, en décembre 2008, leur première guerre indépendante de toute tutelle. Désastreux sur le plan humain pour les Palestiniens, ce combat solitaire et solidaire de toutes les formations de la guérilla, y compris le Fatah de Mahmoud Abbas, et les formations marxistes, a néanmoins suscité un regain de sympathie internationale envers la revendication nationale palestinienne et placé sur la défensive les gouvernements arabes.

Désastreuse pour les Israéliens, sur le plan moral, l’expédition punitive israélienne continuera de produire ses effets corrosifs aussi longtemps que les pays occidentaux feront l’impasse sur les violations israéliennes au prétexte d’assurer «la sécurité d’Israël» et de le ravitailler en armes, sans prendre en compte l’insécurité que son bellicisme débridé génère à son environnement, ni brider la colonisation rampante de la Palestine, aussi longtemps qu’ils continueront de témoigner de leur mansuétude à l’égard de leur gendarme régional, générateur en chef du Hamas par quarante ans d’occupation illégale et abusive de la bande de Gaza, anciennement sous souveraineté égyptienne.

Le Liban et la Palestine ne sauraient avoir pour vocation de servir de défouloir aux enjeux électoraux des dirigeants israéliens, Shimon Pérez, en 1996, à Cana, et Ehud Barak à Gaza, en 2008.

L’opération «raisins de la colère» a précipité dans la débâcle le chef du parti travailliste d’alors, le «Prix Nobel de la Paix, Shimon Pérez, à la suite du bombardement d’un site des «Casques Bleus» de l’Onu dans cette localité du sud Liban, le 18 avril 1996, et le massacre de 102 enfants qui s’y étaient réfugiés.

L’opération «plomb durci» a été, elle, fatale à son successeur Ehud Barak, à la suite du bombardement d’une école de l’UNRWA, l’office des Nations unies pour le secours aux réfugiés palestiniens, en janvier 2009, à Gaza.

«L’unique démocratie du Moyen orient» apparaît progressivement au regard des couches de plus en plus large de l’opinion mondiale comme «l’état voyou N° 1» de la scène internationale, au point que des pays européens, habituellement favorables à Israël, ont bravé un tabou, en actionnant en justice des dirigeants israéliens pour «crimes de guerre». Cela a été le cas de la Belgique, en l’an 2000, contre Ariel Sharon, ministre de la Défense à l’époque des faits, pour les massacres des camps palestiniens de Sabra Chatila (Beyrouth 1982). Cela est aujourd’hui le cas en Espagne pour Benyamin Ben Eliezer, son successeur au ministère de la Défense, poursuivi pour «crimes contre l’humanité» pour un massacre de Palestiniens à Gaza, dix ans plus tard, en 2002

Certes Gaza a été détruite, comme auparavant les chefs historiques du Hamas, Cheikh Ahmad Yacine et Abdel Aziz Rantissi avaient été éliminés par voie «extra judiciaire», à un mois d’intervalles, en mars et avril 2004, mais l’ordonnateur de leur mise à mort et des massacres des camps palestiniens de Sabra Chatila, dans la banlieue sud-ouest de Beyrouth, en septembre 1982, Ariel Sharon, s’est retrouvé, lui, plongé dans un état végétatif neuf mois après son forfait, transformé en un «mort-vivant» dont plus personne ne se soucie, dont aucune personnalité internationale en visite en Israël ne fait le détour pour s’enquérir de son état de santé, complètement «zappé» des écrans de la vie. Mais le Hamas a survécu à Ariel Sharon, à son successeur Ehud Olmert, au tandem ultra faucon Ehud Barak (Défense) Tzipi Livni (Affaires étrangères), à leur parrain collectif George Bush. Gilad Shalit est la victime de son propre camp, du zèle de ses rhéteurs impénitents, qui à l’abri du risque, instrumentalisent la communautarisation de la vie publique française, gage de leur survie et de leur magistère médiatique. Pour que son incarcération soit abrégée, celle de Marwane Barghouti doit l’être aussi.

Gageons qu’au sein de l’intelligentsia française, si propice à tous les emballements, nombreux vont désormais réclamer la libération de l’«otage» Barghouti pour faciliter la libération de leur «otage» Shalit, œuvrer afin que les pathologies contractées en Europe ne soient transposées en terre d’Orient, inciter ainsi Israël à prôner la lucidité et non la cécité, la coexistence non l’enfermement, la convivialité non l’emmurement, en un mot prévenir la transformation d’Israël en ghetto et la Palestine en bantoustan.

Le prix fort que devra payer Israël pour la libération de Gilad Shalit a été rendu plus coûteux du fait des «boniments» de Marek Halter, un homme dont «la stricte vérité n’est pas le souci premier», qui affirme «avoir fui par les égouts le ghetto de Varsovie», conduisant «rescapés et historiens à s’insurger» contre ce fait : «la confection des témoignages inventés de toutes pièces, (de surcroît mal inventés car ils ne correspondent pas à la réalité des événements) empoisonne aussi bien l’image du passé que les recherches concernant ce passé», tranchera avec dédain Michel Borwicz, un historien juif polonais, dans une condamnation sans appel des procédés de Marek Halter (2).

La falsification des faits historiques relève du révisionnisme, un fait sévèrement sanctionné en France. Il serait déplorable que ceux qui en ont été les victimes y succombent à leur tour (3). Cela vaut pour l’affaire Gilad Shalit, comme pour l’ensemble du récit palestinien.

Notes :

1- "Marek Halter, le bonimenteur" par Piotr Smolar, Revue XXI (Editions les Arènes), 4me trimestre 2008.
2- "Palestine, une nation en morceaux" par Benjamin Barthe - Editions du Cygne, Janvier 2009.
3- Selon l’organisation pacifiste israélienne «La paix maintenant», le nombre des colonies a augmenté de 57% en 2008 par rapport à 2007, 61 pour cent des colonies ont été édifiées dans le périmètre de la «barrière de sécurité » et 39 pour cent à l’extérieur. Le nombre des colons est passé de 270.000 en 2007 à 285.000 en 2008, soit une augmentation de 15.000 colons en un an. Ce chiffre ne tient pas compte des colonies à la périphérie de Jérusalem qui comptent 200.000 habitants. Cf. «George Mitchell veut consolider la trêve à Gaza», de Michel Bôle-Richard, le Monde du 29 janvier 2009

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