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Israël -

Gaza : l'offensive de trop ?

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Alors qu'Israël et le Hamas viennent de conclure une trêve sous les auspices de l'Egypte, Jean-François Legrain, un des meilleurs spécialistes français du Hamas (chercheur au CNRS/IREMAM Institut de Recherches et d’Etudes sur le Monde Arabe et Musulman) nous explique pourquoi en cherchant, une fois de plus, à radicaliser ses adversaires à travers sa dernière offensive militaire dans la bande de Gaza, l'Etat hébreu s'est sans doute trompé, négligeant de voir l'impact des changements intervenus depuis deux ans sur la scène arabe et surtout en oubliant de prendre en compte la normalisation internationale naissante du Hamas.

Gaza : l'offensive de trop ?

Le Premier ministre palestinien Ismail Haniyeh, du mouvement Hamas, salue la population de Gaza-ville, le 22 novembre 2012, au lendemain de la trêve avec Israël (REUTERS/Suhaib Salem)
Aujourd’hui comme hier, tout porte à croire qu’Israël mise sur la radicalisation de ses adversaires pour susciter et conforter le soutien international quasi inconditionnel dont il jouit depuis de nombreuses années. Quand l’alignement des politiques de la communauté internationale sur les siennes manifeste quelques signes d’effritement (aujourd’hui sur le dossier iranien, la normalisation de l’Autorité de Gaza et l’octroi à la Palestine d’un statut d’Etat non-membre de l’ONU), le maintien du bas niveau de violence auquel participent activement ses adversaires palestiniens devient un piège d’où il s’extrait par des provocations, afin de ressouder ses alliances au nom de « la lutte contre le terrorisme ». Faute d’avoir pris en compte les changements induits par les printemps arabes, cependant, Israël risque cette fois plus de perdre que de gagner, au moins au niveau régional.

La liste de ce genre de provocations israéliennes est longue. Ainsi, en août 2003, l'armée avait assassiné Ismaïl Abou Chanab, quelques semaines seulement après la mise en place unilatérale de la trêve dont il avait été le maître d’œuvre au nom du Hamas. Son élimination avait alors été justifiée officiellement en termes de représailles pour un attentat mené par le Jihad islamique, qui avait d’ailleurs refusé de s'associer à cette trêve. Jusque-là observée, la trêve sombra.

En juin 2006, la reprise des hostilités par le Hamas et la capture du soldat Shalit, après 15 mois d’accalmie (tahdiyya) elle aussi respectée, avait été décidée à la suite d'"éliminations ciblées" : en mars Abou Yousuf al-Qouqa, l’un des dirigeants des Comités de résistance populaire de Gaza, avait été tué comme, en juin, Jamal Abou Samhadana (à l’origine membre de Fatah, il venait d’être chargé par le cabinet palestinien dirigé par Ismaïl Haniyyeh d’intégrer dans les forces de sécurité officielles de l’Autorité palestinienne des contingents islamistes jusque là plus ou moins incontrôlés).

En novembre 2008, enfin, l’opération israélienne qui s’était traduite par la mort de 6 partisans du Hamas à l’intérieur même de la bande de Gaza avait fourni le catalyseur qui devait mener à l’explosion de la fin décembre avec le non-renouvellement de la trêve en vigueur depuis le mois de juin suivi des « représailles » de l’opération « Plomb durci ». Ainsi, la communauté internationale n’a-t-elle jamais eu l’occasion de reconsidérer son absence de tout engagement à régler le conflit israélo-palestinien.

L’élimination d’Ahmad Jaabari –et sa mise en scène « live » sur youtube- semble bien procéder de cette même logique d’incitation à la radicalisation. En charge de l’aile militaire du Hamas dans la bande de Gaza, c’est lui qui, début 2009, avait négocié la nouvelle trêve, et était chargé de sa préservation. A ce titre, un célèbre analyste israélien le qualifia même de « subcontractor » (sous traitant) d’Israël. C’est également lui qui avait récupéré le soldat Shalit d’auprès du groupe salafiste qui l’avait fait prisonnier pour ensuite en assurer la sécurité et négocier sa libération au mieux des intérêts palestiniens.

Cette trêve, pour le Hamas, comme à chaque fois constitue une nécessité mais aussi un risque. Mouvement de socialisation religieuse venu tardivement au politique, il n’a jamais fait de la lutte armée l’instrument de la libération nationale. Durant les deux Intifada, il avait ainsi pratiqué la violence dans une logique du talion version islamique.

Depuis son accession aux affaires par la voie des urnes en 2006, et tout particulièrement depuis 2007 et sa prise de contrôle exclusif de la bande de Gaza, il n’a eu de cesse de garantir, tant bien que mal, un bas niveau de violence aux frontières de l’Etat hébreu. Il se montrait, par là, conscient de la réalité du rapport des forces en présence mais également des responsabilités induites par la prise en charge du quotidien d’un million et demi de citoyens soumis à un implacable blocus. Une telle politique, cependant, se voyait périodiquement mise à mal par ses contempteurs salafistes et ses alliés-concurrents du Jihad islamique comme par l’opposant marxiste Front populaire.

L’immense majorité des opérations militaires antérieures à l’élimination de Jaabari avait ainsi été le fait de ces groupes non contrôlés par le Hamas. L’aile militaire de ce dernier, sous la houlette d’Ahmed Jaabari, se voyait dès lors laissé une marge de manœuvre des plus réduite, d’ailleurs insuffisante aux yeux de certains pour laver le mouvement de toute accusation de collaboration avec l’occupant israélien. Son assassinat ne pouvait que réactiver la violence, même si le Hamas, selon toute probabilité, reviendra à sa mesure traditionnelle.

A la différence des tenants de la condamnation rituelle du « terrorisme palestinien », bien des observateurs, israéliens ou autres, attribuent la responsabilité de l’escalade de violence actuelle au Premier ministre israélien. Il s’agirait, selon eux, d’une manœuvre électorale en vue de l’élection de la nouvelle Knesset qui se tiendra en janvier. Cette approche est sans doute juste.

Elle me semble, cependant, partielle sinon partiale en exonérant l’opposition à Benjamin Netanyahu de toute responsabilité. En effet, elle occulte le fait que le refus de voir la revendication nationale palestinienne se matérialiser est partagé par l’immense majorité de la population juive israélienne, et que ce refus a été mis en pratique par les gouvernements israéliens successifs, de droite comme de gauche. Ainsi, au-delà du calendrier électoral, la nécessité de réactiver le front gazaoui relève de la gestion israélienne traditionnelle du dossier palestinien sur la scène internationale : au nom de « la lutte contre le terrorisme » redynamiser un soutien qui venait à faiblir sur un certain nombre de dossiers.

Sur l’Iran, Netanyahu avait échoué à convaincre le président américain de lancer une attaque, seul ou à ses côtés, pour conserver l’exclusivité nucléaire dans la région. Il se voit réimposer Barak Obama, réélu à la Maison blanche, comme interlocuteur. Concernant Gaza, les quelques allégements acceptés depuis 2009 n’avaient pas fondamentalement remis en cause le blocus économique pas plus que ne l’ont fait, jusqu’à ce jour tout au moins, la révolution égyptienne et l’élection d’un Frère musulman à la présidence de la République. La visite le mois dernier à Gaza de l’émir du Qatar présente, en revanche, un danger d’exemplarité : briser le « blocus » politique international du Hamas. La démarche du président Mahmoud Abbas, annoncée pour le 29 novembre, en vue d’obtenir aux Nations-unies un statut d’Etat non-membre, enfin, a toutes chances d’obtenir satisfaction. Même dépourvu de toute incidence sur une souveraineté rendue chaque jour plus improbable par la colonisation, ce nouveau statut pourrait néanmoins être utilisé par les Palestiniens pour obtenir de nouvelles latitudes sur la scène internationale.

Dans ce contexte, le Hamas n’avait aucune raison de rompre avec sa politique de retenue. A. Jaabari était d’ailleurs sur le point de finaliser un accord de trêve à long terme, comme vient de le révéler un médiateur israélien. Depuis longtemps, le mouvement avait clamé sa déconnexion de la question nucléaire iranienne et affichait le plus grand dédain pour la démarche à l’ONU. Préoccupé par les conséquences du blocus économique de Gaza, il concentrait ses efforts sur sa levée, via une normalisation politique.

Inscrite dans la continuité de sa politique de ces dernières années, la nouvelle incitation israélienne à la radicalisation palestinienne risque cette fois, de connaître des effets limités voire contre-productifs, printemps arabes obligent. Par leur volonté de présence sur le terrain, Arabes et Turcs ont ainsi accéléré la normalisation internationale naissante du Hamas. Trop habitué à un équilibre régional figé par les ex-dictateurs arabes, Israël aura peut-être fait cette fois preuve de courte vue.

Source : Blog Figaro Georges Malbrunot

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