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Palestine - 31 janvier 2004
Par Silvia Cattori
Quand on entend avec quel aplomb les portes - parole politiques et militaires israéliens falsifient les faits, on en reste suffoqués.
Ainsi le gouvernement israélien a choisi cette période de décembre 2003 où ses armées menaient une guerre meurtrière contre les habitants de Naplouse, Balata, Rafah - alors que, du côté palestinien, il n’y avait pas eu d’attentats suicides depuis deux mois - pour asséner que, si les Palestiniens ne cessaient pas les violences, ils allaient voir ce qu’ils allaient voir.
Photo : Marcin Studer. Pologne
Ce n’est pas parce qu’ils sont naturellement miséreux qu’ils sont si pauvres. C’est parce qu’Israël, après les avoir spoliés, les a privé de tout.
Les Palestiniens, n’ont aucun droit. Aucun avenir. Israël les maintient bouclés derrière des murs hideux et des barrières infranchissables, pendant que les colons juifs - qui continuent d’aller s’installer comme bon leur semble sur les terres qui appartiennent aux Palestiniens - bénéficient, eux, de tous les droits. Y compris le droit de les tuer.
C’est une monstrueuse catastrophe.
Ce ne sont pas les trois quarts de la Palestine qu’Israël a mis en morceaux pour mieux l’avaler. C’est toute la Palestine.
Ce ne sont pas quelques milliers d’hommes qui ont été emprisonnés pour des périodes plus ou moins longues.
Ce sont des centaines de milliers.
Ce ne sont pas des criminels que l’on exécute.
Ce sont des hommes et des femmes qui aspirent à vivre dignement et librement sur leurs terres.
Parmi ces trucidés, un grand nombre d’enfants. Des enfants qui n’ont pas droit à la vie, n’ont pas droit à l’éducation, n’ont pas droit à manger à leur faim, n’ont pas droit à une protection.
Si l’on veut connaître le vrai visage d’Israël, il faut aller voir du côté de Rafa, de Jenin, de Naplouse ou de Balata, de quelle façon les soldats israéliens s’amusent à faire siffler les balles, avec une insistance toute particulière, là où il y a des attroupements d’enfants.
Il faut voir de quelle manière ils les attirent dans leur jeu macabre. Après quoi nul ne peut plus s’étonner quand ces enfants - qu’Israël a privé de tout - une fois arrivés à l’âge de l’adolescence, se rebellent en faisant usage de leur pauvre corps comme d’une arme, pour venger leurs morts.
Les attentats suicides sont des actes de désespoir ultime. Des actes d’auto-défense.
Les Palestiniens ont déjà connu des heures sombres, tout au long de leur histoire. Mais durant ces mois de décembre et de janvier effroyables, ils sont tombés au fond du fond.
Les habitants de Naplouse, du petit village de Beit Furik, des camps de réfugiés de Balata ou de Rafah, en savent quelque chose.
Ils ne se remettront sans doute jamais du profond traumatisme subi durant ces cruelles périodes de violence où ils ont vu des bataillons de soldats entrer dans leurs quartiers, tirer au hasard sur des jeunes garçons qui s’enfuyaient, lancer des gaz toxiques sur des fillettes qui revenaient de l’école, tirer sur les équipes médicales qui voulaient secourir les blessés, tirer sur les cameramen qui voulaient filmer, tirer sur les cortèges d’hommes désespérés qui accompagnaient les dépouilles au cimetière.
A l’hôpital de Rafidia, à Naplouse, où les ambulances déchargeaient les blessés en continu, les couloirs étaient encombrés par les familles des victimes, qui pleuraient en silence. Des familles qui ne finissaient jamais de faire le compte des pères et des fils tués, blessés, arrêtés, jetés dans des convois comme du bétail, des enfants sauvagement battus, des placards renversés, des maisons rasées, des échoppes que les soldats israéliens, après avoir tout saccagé, s’amusaient à incendier.
Israël peut massacrer les Palestiniens en toute tranquillité. Et ensuite, faire tourner sa machine de propagande pour faire croire à l’extérieur, qu’il agit en légitime défense. Or, nous n’aurons jamais fini de le répéter, toutes les mesures oppressives instaurées par Israël pour inciter les Palestiniens à partir, sont totalement illégales.
« Où est le monde ? » était le cri lancé par la jeune Kelly en ces heures effroyables où Israël terrorisait dans le district de Naplouse, des centaines de milliers d’innocents, sans que nul ne s’en émeuve au-dehors. Kelly fait partie de ces volontaires du Mouvement de solidarité international (ISM), qui assistent et accompagnent les populations parmi les plus exposées, privées du soutien et de l’aide matérielle internationale - hormis l’aide de l’UNWRA – parce que accusées à tort, d’appartenir au camp des extrémistes.
Des populations, qui - déçues par une Autorité palestinienne plus soucieuse d’asseoir son pouvoir que de défendre l’intérêt collectif - se sont associées à l’esprit de résistance qui anime ceux d’entre les mouvements qui n’ont pas renoncé à la lutte armée.
Victimes de la violence israéliennes - mais aussi de notre incompréhension - les Palestiniens qui font allégeance aux mouvements Hamas, Jihad, FPLP, sont d’autant plus pénalisés qu’ils apportent leur soutien à ces forces qu’Israël n’a eu de cesse de criminaliser.
Quand on entend avec quel aplomb les portes - parole politiques et militaires israéliens falsifient les faits, on en reste suffoqués. Ainsi le gouvernement israélien a choisi cette période de décembre 2003 où ses armées menaient une guerre meurtrière contre les habitants de Naplouse, Balata, Rafah - alors que, du côté palestinien, il n’y avait pas eu d’attentats suicides depuis deux mois - pour asséner que, si les Palestiniens ne cessaient pas les violences, ils allaient voir ce qu’ils allaient voir.
Chantages, mensonges, menaces. Tout est là, dans ce refus des autorités israéliennes de reconnaître dignement ses torts et ses responsabilités dans ce conflit interminable. C’est de cela que les Israéliens du camp de la paix, devraient se préoccuper sans tarder. Comment réparer les blessures que leur pays a infligées aux Palestiniens et rendre ce qu’il a volé.
Il y a quelque chose d’indécent à voir ces Israéliens confortablement installés - venu récemment de France, de Russie, de partout - sur ces terres conquises par la force, et qui trouvent normal que les natifs du pays, qui pourrissent dans les camps de réfugiés, ne puissent plus revenir d’où ils ont été chassés. Comment ces derniers venus peuvent-ils décemment revendiquer le droit à avoir une terre, le droit au bien être, le droit à la sécurité pour eux, et exclure des millions de réfugiés Palestiniens de leur droit au retour sur leur terre originelle ?
C’est cela qu’il est inquiétant de découvrir en Israël. Colombe ou faucon, dans le secret de leur âme, les Israéliens en leur grande majorité ne sont pas prêts à céder un pouce du territoire que leur Etat s’est accaparé manu militari.
Le système de dépossession et de répression mis en place par l’armée d’occupation israélienne est d’une efficacité redoutable. Que les Palestiniens soient à l’intérieur de leurs murs, dans un taxi ou au milieu de la foule, leur vie est constamment menacée.
C’est précisément l’objectif des dirigeants israéliens : créer un contexte de folie totale, semer la terreur, le désordre et l’insécurité, empêcher la libre respiration, enlever aux Palestiniens toute perspective d’avenir, pour les forcer à partir.
Il faut bien se mettre dans la tête que les guerres que l’Etat d’Israël mène en Palestine ne sont pas des guerres régulières contre des combattants armés en situation de riposter, mais des guerres illégitimes, sans lois, sans règles, sans justifications, contre des hommes et des femmes qui ne sont plus qu’à demi vivants.
Mais de quel Etat démocratique et de quelle armée civilisée Israël peut-il encore se prévaloir ?
Ainsi des troupes aveuglées par la haine, entrent dans les lieux de vie palestiniens, violent l’intimité de leurs foyers, tirent sur les hommes, pratiquent des rafles à grande échelle.
Des hommes, qui, après avoir subi toutes sortes de mauvais traitements, à commencer par la torture dite du «sommeil », sortent traumatisés, psychiquement détruits, le dos esquinté pour le restant de leurs jours.
La torture « du sommeil » consiste à attacher le détenu à une chaise spécialement conçue.
Une chaise aux pieds plantés dans le sol de façon à ce que, quand les tortionnaires lâchent leurs coups pour empêcher le prisonnier de s’endormir, la chaise ne puisse se renverser.
La victime est empêchée de sommeil vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Cela peut durer des mois ou des semaines, soit aussi longtemps qu’elle ne passera pas aux aveux.
Ou, jusqu’à ce que, dans les cordes, la victime finisse par dire n’importe quoi, en échange d’une minute de sommeil.
Jour après jour, les Palestiniens en sont réduits à voir leurs chers se faire embarquer sans raisons ; les blessés mourir de blessures qui pourraient être soignées ; des enfants qui souffrent de ne pas manger à leur faim ; des familles entières jetées dans les rues froides et pluvieuses, pendant que les soldats transforment leurs maisons en casernes, ou pire, les rasent complètement sous prétexte qu’ils cherchent des « wanteds ».
Les Palestiniens sont stupéfiants d’endurance et de patience. Quand les soldats se retirent, ils relèvent les ruines, sans geindre ni s’attendrir leur sort.
La vie doit continuer.
Enfin, le peu de vie.
Alors ils font comme si les jours et les nuits d’épouvantes n’avaient jamais existé. Les femmes balayent toutes les souillures et les défécations que les soldats ont délibérément laissées. Les marchands remettent leur marchandise sur les étals. Et les enfants prennent le chemin des classes, respirent un bol d’air.
Comment ne pas devenir fou dans ce contexte ?
C’est sans doute cela qu’Israël vise : briser leur capacité à résister.
Il n’est pas trop tard pour rappeler à nos responsables politiques que, pendant qu’ils se taisent, les crimes de guerres israéliens s’intensifient de manière inquiétante en Palestine.
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