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ISM France - Archives 2001-2021

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Liban -

Mon seul nom est “celui qui revient”

Par

Si l’enfant était une fille, sa femme et lui avaient décidé qu’ils l’appelleraient Palestine. Cependant, alors qu’il n’était pas présent lors de sa naissance, sa femme cédant à la tension politique du moment, lui donna à la place le nom d’une fleur odorante.
Mais lui continue à l’appeler Palestine.

Vous pouvez suivre les oliviers jusqu’en Palestine. L’oiseau de mer volera au dehors et à la maison. Celui qui est de retour/a’id retournera chez lui.”


Nous nous présentons, et notre hôte me dit : « en toute honnêteté, je vous dit que mon seul nom est "le revenant"/A’id, c’est-à dire « celui qui retourne/revient chez lui’. C’est la version masculine du nom connu des amoureux de l’opéra de l’héroïne de Verdi, Aida. Vous l’entendez fréquemment comme un nom de femme, mais pas d’homme. Notre hôte ne nous a jamais dit son véritable nom, mais je l’ai entendu quand d’autres s’adressaient a lui.

Un autre participant, l’organisateur du salon de poésie, s’en remet à « notre professeur », l’autodidacte de retour, et lui demande d’ouvrir la séance en récitant un poème. Il accepte, mais introduit d’abord sa fille, expliquant l’histoire de son nom.

Si l’enfant était une fille, sa femme et lui avaient décidé qu’ils l’appelleraient Palestine. Cependant, alors qu’il n’était pas présent lors de sa naissance, sa femme cédant à la tension politique du moment, lui donna à la place le nom d’une fleur odorante.
Mais lui continue à l’appeler Palestine.

Je songe à une autre Palestine, de quelques années plus âgée que cette lycéenne qui articule bien née au Liban. L’autre Palestine était inscrite a l’université Al-Najah de Naplouse, en Palestine occupée. Mais son trajet journalier depuis le camp de réfugiés de Jénine devint trop difficile, car les soldats israéliens aux check points la harcelaient quand ils voyaient son nom, écrit en arabe et en hébreu sur sa carte d’identité.

Alors, elle cessa ses études au sein de cette institution supérieure, pour les continuer à l’Université Ouverte de Al-Quds (Jérusalem), juste de l’autre côté de la route. Les militaires ferment régulièrement cette université aussi, mais ces jours-là elle reste à la maison, et n’a pas à présenter sa carte d’identité à qui que ce soit.

Ses amis, Tahrir/libération et Islam, rient du problème que leurs trois noms peuvent poser aux forces d’occupation : « Islam, Libération de la Palestine » est la phrase formée par leurs noms.

« Oui, je vais te donner un peu de monnaie pour une friandise, mais d’abord dis-moi qui tu aimes », dit Abu Hamdou, berçant sa petite fille. Son frère est là aussi, un jeune très poli qui m’a apporté quelques noix et a insisté pour que je prenne son cadeau.

Le nom du garçon n’est pas Hamdoun, je demande donc à son père pourquoi. La coutume pour un homme est en effet d’être appelé d’après le nom de son fils aîné, Abu X/père de X, ou de sa fille en l’absence d’un fils.

La presse occidentale se réfère parfois à cela de manière erronée comme un nom de guerre, une appellation militaire impropre pour une relation de tendresse. A propos de son nom, il explique que leur premier enfant, Hamdoun, est mort dans l’enfance. Les deux enfants suivants étaient aussi des garçons qu’ils ont aussi appellé Hamdoun et qui sont eux aussi morts dans l’enfance.

"Vous voyez, nous avons beaucoup de Shahids/Martyrs", dit-il, ses yeux s’agrandissant légèrement avec un mélange de mélancolie et de réalisme. Il ne s’agit pas d’une déclaration politique, mais d’une référence a l’environnement dans lequel les gens vivent et meurent dans les camps de réfugiés. Ses enfants lui son cher, et sont toujours présents à travers son nom de paternité.


Un cheminement inverse fait garder le souvenir de Abu Jihad. La première fois que j’ai rencontré Jihad, on m’avait dit que son frère était un martyr, et que ses parents étaient portés disparus depuis l’invasion du Liban par Israël plus de vingt ans auparavant.
Plus tard, lorsque j’ai mentionné une jeune journaliste que je venais de rencontrer, il m’a dit qu’elle l’avait interviewé, mais le connaissait sous son nom d’origine, Sharif.
Répondant à ma question informulée, il dit, "le résultat de la lutte/jihad est qu’une personne devient noble/Sharif, n’est ce pas ?"
Je hoche la tête en acquiestant, mais cette illumination est comme des nuages éclairés joliment par la lune mais peu visibles.
Toutefois, je remarque que ses nouveaux amis l’appellent Jihad, alors que les voisins de longue date l’appellent Sharif.


En une occasion, il me donna une nouvelle version sur son nom. A ce moment, j’avais oublié que ses parents étaient disparus et n’avaient jamais été retrouvés. Jihad est en fait le nom du frère aîné, le shahid/martyr.

Quelqu’un ne devrait normalement pas assumer le nom de son frère, mais quand il y a un Jihad, il y a un Abu/père de, et une Umm/mère de. . Je réalise maintenant qu’il préserve la mémoire de ses parents. Il dit que quand il se mariera, il aimerait appeler son fils aîné jihad, et alors il deviendra lui-même Abu Jihad.

Ses parents lui sont chers, et il sera ainsi un hommage vivant à son père.


Alors que nous marchions dans la zone qui servait à diviser Beyrouth Est et >Beyrouth Ouest “pendant les événements”, Jihad raconte qu’il conduisait sa bicyclette ici quand il était écolier.
Les forces libanaises le stoppèrent et l’emmenèrent dans leurs locaux proches pour y être questionné.

Quand ils ont demandés sa carte d’identité, il a dit qu’il ne l’avait pas avec lui, comme il allait juste à l’école. "S’ils avaient vu ma carte d’identité, ils auraient su que j’étais palestinien, et ils m’auraient abattu sur place", me dit-il, souriant.
Ils le gardèrent pendant une semaine, et le relâchèrent ensuite, mais ne lui rendirent pas sa bicyclette. Il commença à pleurer, et le commandant leur demanda de lui rendre.

C’était quand il était encore Sharif, et n’avait pas à porter un nom différent pour garder le souvenir de ses parents. Bien qu’il aimerait visiter la Syrie ou ses oncles résident, pour lui le Liban est le plus bel endroit au monde, à cause de tout ce qu’il a expérimenté ici.

Il a refusé des opportunités d’émigrer en Europe légalement, alors que des amis locaux désireraient insérer leurs propres noms sur ses invitations officielles. Ses souvenirs de Imm et Abou jihad, sa mère et son père, sont ici.
Leur présence a été connue ici en dernier.

Ici, dans une autre maison du camp de réfugiés se trouve Fatima, une mère et grand mère dont les yeux sont pleins de chaleur quand son propre père proclame : "c’est notre premier-né. Elle est celle pour qui j’ai fait Qurban/sacrifice (d’un mouton), quand elle et sa mère ont passé la naissance en bonne santé."
Ils l’ont appelé d’après le nom de l’une des filles du prophète Mohammed. Il n’a pas attendu d’avoir un garçon pour remercier Dieu. La fille et sa mère sont précieuses au père.

Un autre père explique comment ils ont appelé leur fils. J’avas supposé qu’ils avaient emprunté le nom anglais Lawrence. Mais Lurans, me disent-ils sa femme et lui, est le nom d’un oiseau de mer : "Vous voyez comme nous aimons l’idée de la liberté. Nous avons appelé notre fils du nom de l’oiseau de mer qui peut voler librement."

Ils vivent sur la hauteur d’une colline dans un petit camp de réfugiés peuplé qui a récupéré un peu de la décimation et de la dépopulation provoquées par les attaques d’Israël concentrées sur ces maisons. Ici les yeux boivent le bleu de la mer et le vert des collines moutonnantes avec leurs rangées d’oliviers.

Vous pouvez suivre les oliviers jusqu’à la Palestine. L’oiseau de mer volera librement en dehors jusqu’à la maison. Celui de retour/a’id retournera chez lui.

Source : http://usa.mediamonitors.net/

Traduction : VL

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