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ISM France - Archives 2001-2021

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Israël -

Israël redoute Condi, la Mère-Fouettarde de la paix

Par

Le nouveau secrétaire d’Etat américain, Condoleezza Rice, arrive aujourd’hui à Jérusalem, alors qu’Israël s’inquiète de ne plus pouvoir compter désormais sur le soutien politique inconditionnel de Washington.
La perspective d’un regain d’activisme américain en faveur de la création d’un Etat palestinien durant la seconde mandature du président George W. Bush fait sentir ses ondes de choc dans l’ensemble des cercles gouvernementaux à Jérusalem.
Le statut unique de Rice, en sa qualité à la fois de diplomate la plus glamour de l’Amérique et de principal conseillère rapprochée de Bush en matière de politique étrangère hypnotise l’attention sur sa mission d’ange de la paix au féminin.

Après quatre longues années d’indifférence totale américaine pour la négociation moyen-orientale, les responsables israéliens craignent que les priorités de Washington ne soient en train de changer, et que l’arrivée aux manettes de Rice ne marque le début d’une période de pressions intenses en vue d’un marchandage palestinien.



La disparition de Yasser Arafat et l’émergence de Mahmoud Abbas en nouveau dirigeant de l’Autorité palestinienne ont transformé le paysage politique dans la région, et soulevé la possibilité tentatrice d’une fin d’une intifada durant depuis quatre ans, cette insurrection palestinienne imbibée de sang contre l’occupation israélienne.



Arrivant en Israël en un moment critique pour le processus de paix embourbé depuis si longtemps, Rice rencontrera tant Abbas qu’Ariel Sharon, le premier ministre israélien, au moment où ces deux hommes se préparent pour la tenue d’un sommet dans la villégiature égyptienne de Sharm al-Sheikh, mardi prochain.



Rice ne participera pas au sommet, mais d’aucuns, dans la région, la soupçonnent d’être prête à jouer un rôle important dans le déblocage d’un marasme politique que Bush jusqu’ici était trop content d’ignorer royalement.



Dès l’instant où Rice a fait un pas sur le tarmac de l’aéroport (londonien) d’Heathrow, mercredi, drapée dans un manteau long bordé de fourrure, il était clair qu’une nouvelle ère flashy de la diplomatie américaine venait de commencer.

Jamais depuis Henry Kissinger un secrétaire d’Etat américain n’aura eu une telle influence sur la Maison Blanche qu’elle ; et personne n’a jamais pris Kissinger en photo pour un défilé de mode dans le magazine Vogue…



L’Europe n’a pas mis longtemps à prendre conscience du fait que Rice, cinquante ans, n’est pas une simple émissaire présidentielle.

Son ascension depuis son quartier déshérité de Birmingham, dans l’état d’Alabama, qui a fait d’elle la première femme afro-américaine à la tête du Département d’Etat appartient désormais à la légende politique des Etats-Unis ; sa décontraction, face aux questions pleines d’agressivité d’un public hostile, la semaine dernière, tant à Londres qu’à Berlin, a confirmé en douceur qu’elle mérite amplement sa réputation de charme et de rigueur intellectuelle.



Néanmoins, Rice devra déployer des trésors de persuasion, tandis qu’elle risque un orteil timide dans le marécage jusqu’ici plutôt ingrat de la fabrication de la paix au Moyen-Orient.

La disparition de Yasser Arafat, l’an dernier, a ouvert la porte à une possible percée, mais la manière dont Bush et Rice vont pouvoir avancer lorsque des crises inévitables vont intervenir dans la négociation est loin d’être claire.



Israël, c’est clair, est secoué. Auprès de Tony Blair, en novembre dernier, Bush a déclaré qu’il espérait voir la création d’un Etat palestinien « dans les quatre ans ».

Il a ajouté, lors de son discours sur l’Etat de l’union, la semaine dernière, que "l’objectif de deux Etats démocratiques – Israël et la Palestine – est à portée de la main …"

Impressi
onné par les efforts très rapidement déployés par Abbas afin de réduire le terrorisme palestinien, l’administration (américaine) a promis 350 millions de $ d’aide exceptionnelle (aux Palestiniens). Et même le Congrès américain, de tout temps un bastion des sentiments pro-israéliens, vient d’adopter une résolution bipartisane saluant en Abbas un "dirigeant crédible".



Les Israéliens redoutent que Bush ne soit en train de céder aux pressions européennes en vue d’une nouvelle approche du Moyen-Orient. Ils craignent que le soutien dont Bush a un besoin impérieux en Irak n’ait fait de la réparation de ses haies de voisinage avec l’Europe une priorité sur son soutien à Israël.



L’itinéraire du périple de Rice est le reflet des objectifs mêlés de Washington : sa visite au Moyen-Orient est prise en sandwich au milieu d’une virée non-stop dans huit capitales européennes, qui l’amènera d’Allemagne en Pologne, puis en Turquie, hier, et qui se poursuit, cette semaine, avec un discours important à Paris.



La semaine passée, les journaux de Washington étaient remplis de publicités occupant des pages entières des lobbyistes pro-israéliens, suppliant l’administration américaine de ne pas "abandonner" Israël.


Même Dov Weisglass, le plus proche conseiller de Sharon en matière de politique extérieure, aurait été, dit-on, secoué par le comportement de Rice, lors de leur rencontre à Washington, la semaine dernière. "Elle reste, à n’en pas douter, une amie d’Israël. Mais elle a désormais un programme différent », a indiqué une source bien informée. « Le président [Bush] veut un Etat palestinien…"



A Washington, le moins qu’on puisse dire est que les avis divergent sur l’intensité des pressions que Bush veut voir exercées par Rice sur Israël afin qu’il accélère ses concessions en retirant des colons israéliens des territoires palestiniens.

Certains analystes voient dans son engagement un effort visant à satisfaire l’Europe, et pensent que Washington n’a pas [réellement] l’intention de forcer la main à Sharon.



La tâche de Rice sera rendue de plus en plus compliquée par la suspicion croissante, en Europe, que le Pentagone soit en conflit avec les responsables militaires israéliens au sujet d’une éventuelle frappe contre des installations nucléaires en Iran.

Bien que Rice ait insisté, à Londres, sur le fait qu’il y avait "beaucoup de moyens diplomatiques" permettant de "traiter" la menace iranienne, elle n’en a pas moins laissé clairement entendre qu’une option militaire restait envisageable.



On pense que l’Iran était à l’ordre du jour de sa réunion avec Sergeï Lavrov, le ministre russe des Affaires Etrangères, hier soir.

On s’attendait également à Moscou à ce que Rice réitère la préoccupation de Washington au sujet d’un « recul » du Kremlin en matière de respect de la démocratie.



Le tout forme un formidable défi pour l’ex-conseillère ès sécurité nationale, qui fut, au début de sa carrière, essentiellement une soviétologue. Néanmoins, la proximité de Rice vis-à-vis de Bush reste sa principale force, et personne, en Israël, ne doute qu’elle ait l’oreille de Bush.

Elle fera son rapport au président à son retour à Washington, cette semaine, et le reste du monde pourrait découvrir très rapidement si l’engagement de Washington à faire la paix est réel, ou bien si c’est du bidon.

Source : www.timesonline.co.uk/

Traduction : Marcel Charbonnier

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