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France - 16 mars 2021
Par Zohra Bouguern
Dès son installation effective en 2013, l’Observatoire de la laïcité est conduit par son président Jean-Louis Bianco et son rapporteur général Nicolas Cadène. Ce tandem a connu une campagne constante de décrédibilisation de la part des partisans organisés d’une laïcité liberticide et ostensiblement islamophobe.
Tantôt accusés de faire le jeu du terrorisme, tantôt accusés de mettre des bâtons dans les roues de l’État et tantôt soutenus par des universitaires[1] pour ses rappels au cadre strict de la loi de 1905, l’Observatoire n’a pas laissé indifférent.
Ces derniers mois, les deux hommes ont directement été discrédités et blâmés par les représentants de plusieurs ministères.
Les rumeurs quant au limogeage de N. Cadène et de J-L. Bianco (notons que ce dernier est resté malgré tout protégé d’une humiliation totale grâce au capital symbolique de sa carrière et de son statut d’ex-secrétaire générale de l’Élysée) traitées et vérifiées par les médias auprès de Matignon ont permis d’affirmer l’échéance de leur mission et d’introduire l’idée d’une refondation de l’Observatoire de la laïcité. Le premier ministre Jean Castex a fait entendre dès le mois d’octobre 2020 son intention de transformer la commission indépendante telle qu’elle a existé jusque là.
En effet, conserver l’Observatoire de la laïcité en nommant deux nouveaux mandataires rendrait, au mieux, trop visible sa mise au pas forcée et, au pire, conduirait au risque de retrouver une posture telle que celle conduite par Jean-Louis Bianco : « Rien que le droit mais tout le droit ».
L’Observatoire de la laïcité a fini par trop peser avec ses productions au moindre coût et avec ses prises de positions qui ont manifestement mis en porte à faux les inclinaisons néoconservatrices et autoritaires du gouvernement.
Le discours des Mureaux, tenue par Emmanuel Macron, a acté la nouvelle offensive contre les musulmans avec le projet de « loi contre le séparatisme islamiste » lancée au clairon de la campagne des fermetures de 250 établissements tels que des débits de boissons, des associations, des écoles privés et des mosquées, et ce, sans jamais communiquer les motifs de façon transparente.
Plus tard, le gouvernement a renommé le projet de loi, ce qui semble avoir permis d’évacuer les critiques d’une partie de l’opposition qui soulignaient son potentiel inconstitutionnel.
Modifier son nom a permis en quelque sorte de donner le change après avoir publiquement contractualisé et entériné le fait que les musulmans sont la cible.
Et dans ce sens, le point d’orgue de cette manœuvre s’est matérialisé autour de la question- épouvantail de l’instruction à domicile.
Également, il est nécessaire de souligner le flou entretenu par le ministère de l’Intérieur et des cultes sur les charges retenues contre les établissements fermés dans le cadre de la lutte contre le « séparatisme ».
Par exemple, la journaliste Camille Polloni[2] n’est pas parvenue à obtenir la liste des 250 établissements malgré des demandes officiels faites au cabinet du ministère de l’Intérieur et après avoir saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada).
La fermeture de ces établissements est surtout la résultante d’un passage au crible des normes de sécurité et d’un acharnement par l’administration dans des espaces bien orientés pour corroborer la politique du gouvernement et son agenda.
Par exemple, la fermeture de l’école « MHS Paris » représente bien cette politique avec ses failles. L’école a été publiquement diffamée sur la notion de séparatisme mais elle a été fermée sur la base de non-mise aux normes de sécurité dans les espaces communs tandis que le bâtiment abrite dans le même temps des structures non inquiétées telles qu’une association pour enfants autistes et un centre de la PJJ.
Dernièrement, la nomination, en date du 1er février, d’un ancien préfet et d’une universitaire pour une mission chargée de définir la formation des personnels et des agents du service public à la laïcité est préoccupante car elle s’inscrit dans un contexte conflictuel grave autour du projet de loi sur le séparatisme, et qui s’est cristallisé autour de l’Observatoire de la laïcité.
Seulement deux individus représentants deux fonctions majeures sont en charge de définir le contenu qui servira à former l’ensemble du personnel et des agents du service public à long terme. Ensemble qui constitue d’ailleurs un certain maillage territorial à l’image de la célèbre toile d’araignée de la Gendarmerie française.
Pourtant, l’Observatoire a déjà développé l’axe de la formation des agents à la laïcité et son président déclare[3] en octobre 2020 avoir formé 350.000 agents. La perspective annoncée d’une fusion « de la Délégation interministérielle à la lutte contre la racisme, l’antisémitisme et la haine anti LGBT, et de l’Observatoire » défendue par plusieurs ministres laisse entrevoir l’entérinement d’un glissement idéologique et législatif plus large sur le dos de ceux qu’ils construisent comme des ennemis de l’intérieur.
L’imposition du terme « islamo-gauchisme » avec sa récente saillie portée par la ministre de l’Enseignement est actuellement relayée de façon hystérique par les médias mainstream. Son emploi marque et révèle des alliances de circonstance chez ceux qui en font la promotion malgré leurs priorités respectives contre une catégorie construite comme altérité radicale, allogène et pathogène dans le contexte plus global de la stratégie du « choc des civilisations » menée par les États impérialistes.
Notes :
https://blogs.mediapart.fr/camille-polloni/blog/081020/lieux-fermes-pour-separatisme-la-transparence-n-est-pas-un-luxe
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Zohra Bouguern
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