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Monde Arabe - 8 avril 2011
Par Badia Benjelloun
Améliorer l’image.
Donc rendre présentable et humain le crime.
Le travestir.
Le dégrader et en faire un acte de bravoure et de générosité.
Ils nous apprennent coup sur coup que l’armée d’occupation israélienne prévoit d’accroître ses assassinats des militants palestiniens dès les conditions atmosphériques le permettront et que le comédien et directeur du Théâtre de la Liberté à Jénine Juliano Mer Khémis a été exécuté le 4 avril par un groupe de tireurs. Cinq balles lui ont été logées en pleine tête. De mère juive et de père palestinien, tous deux communistes, il avait repris à son compte plusieurs années après sa disparition en 1995 l’entreprise culturelle de sa mère Arna Mer. Convaincue de la nécessité de soulager les traumatismes infantiles liés à l’occupation et aux incessantes incursions militaires, elle avait fondé un lieu d’activité théâtrale pour les enfants à Jénine. Cette ville située en Cisjordanie est depuis devenue célèbre par le siège meurtrier que ses habitants et ceux du camp de réfugiés qui lui est accolé ont subi en 2002.
Le cabinet restreint de Netanyahu en présence des chefs des organes de ‘sécurité’ a accordé sa préférence au lancement d’une série de crimes terroristes d’un État dont les moyens militaires sont démesurés par rapport à leurs cibles plutôt qu’une répression sanglante massive comme celle menée à Gaza l’hiver 2008-2009.
Au cours de cette opération de police lourdement équipée et appuyée par une aviation qui avait balancé des gerbes de missiles et avait dessiné d’un tracé rémanent sur le ciel plombé de Gaza le lancer des bombes au phosphore blanc, 1402 Palestiniens furent exécutés, du côté israélien, deux soldats morts.
9 mois plus tard, un rapport établi par une commission requise par la Commission des droits de l’homme de l’ONU est remis par le juge sud-africain Goldstone. L’enquête a été menée entre le 16 juin 2009 et le 31 juillet 2009. Les quatre personnes commises pour effectuer une enquête à laquelle s’est refusée l’entité sioniste concluent qu’il y a eu crimes de guerre effectués par les envahisseurs de Gaza et peut-être même crimes contre l’humanité. Pour rendre acceptable cette affirmation, elles ont cru nécessaire de symétriser la situation et attribuer à la résistance palestinienne, munie de quelques roquettes artisanales qui font ‘pshhht’ et un peu de poussière quand elles retombent de façon aléatoire au-delà de l’enceinte de confinement à l’intérieur de laquelle un million et demi de personnes sont incarcérées, la qualification de criminelle de guerre. Pour des raisons que l’on saura sous peu, mais l’on peut d’ores et déjà imaginer que les pressions et chantages de la part des renseignements israéliens sur Richard Goldstone, sud-africain juif donc soupçonnable de se haïr soi-même, ont été fructueuses. Le responsable de la rédaction du rapport fait volte-face plus de d’un an et demi après et regrette ses conclusions. Netanyahu déclare alors que ce rapport qui entache la réputation d’Israël rejoindra les poussières de l’histoire. Pense-t-il réellement qu’en maquillant grossièrement la réalité observable d’une occupation, les occupés et l’immense majorité de ceux que la question palestinienne concerne vont valider cette hypothèse ?
L’Etat-major du régime de Tel Aviv conseille pour l’instant de la ‘retenue’ dans sa réponse à une attaque terroriste contre un autobus à Jérusalem, non revendiqué, ce qui est en soi une signature. Il perpétue la destruction systématique physique des cadres palestiniens quand il ne les brise pas moralement en les kidnappant et en les emprisonnant. L’entité a au moins bien appris des totalitarismes et des expériences coloniales qu’étêter une société de son élite intellectuelle est une bonne avancée vers le sociocide à bas bruit. Comme une hémorragie occulte anémie sûrement et conduit à une déchéance physiologique fatale lentement au contraire d’une saignée brutale qui emporte bruyamment dans un collapsus spectaculaire.
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L’équipe qui pense la scénographie de l’occupation coloniale est travaillée par une double contrainte.
Continuer l’éviction des Palestiniens de leurs terres et de leurs maisons et poursuivre l’annexion de blocs entiers de territoire en Cisjordanie . Gaza, pour l’instant avec les petites frappes aériennes, c’est juste le bruit de fond pour occulter ce grignotage. Produire du fait accompli en série au moment où les regards sont tournés vers la Libye, Fukushima et bientôt le lancement de la campagne pour les présidentielles étasuniennes.
L’autre élément du couple moteur gît à Tripoli et au Caire.
La participation israélienne dans le maintien de Qadafi en Tripolitaine et le mouvement de balayage des troupes loyalistes et des rebelles sur la côte libyenne traduisant de prises de villes sans leur réelle occupation a été consentie pour au moins trois objectifs. Vendre des armes et des services sur une bonne durée n’en est que la face la plus exposée du projet.
Ce faisant, donner un coup d’arrêt au formidable mouvement d’émancipation qui a enfiévré le monde arabe et qui risquait de s’étendre à l’Afrique toute entière, malade des mêmes maux.
Enfin, comptant sur l’investissement faussement inopiné d’une Europe dont Israël contrôle le Parlement et la quasi-totalité des exécutifs, une fragmentation de la Libye en deux provinces rivales s’inscrit tout à fait dans le projet du nouveau Moyen Orient paralysé face à l’expansion sioniste.
À cet égard, le factotum palestinien des bases besognes de police pour le compte du régime sioniste, Mohamed Dahlan, secondé par un autre membre de l’organisation Fatah Khalid Salam, aurait facilité, selon le Conseil Transitoire Libyen, l’acheminement d’armes israéliennes vers la Libye depuis la Grèce.
Une Libye divisée et en guerre civile prolongée envoie vers l’est et l’ouest ses lames de fond cisaillantes de brouillage des conquêtes populaires tunisiennes et égyptiennes.
Depuis quelques semaines, la capitale égyptienne redevient Oum Dounia (l’origine ou la mère du monde, son surnom affectueux), La Victorieuse (traduction du Caire) pour les Égyptiens et pour le reste des peuples arabophones. Au moins quatre indices signalent que l’équipe actuelle, toute provisoire qu’elle est, emprunte résolument une direction opposée à celle de Moubarak en politique étrangère.
Un changement de ton est intervenu dans les adresses faites au Hizbollah, plus amène, alors qu’une certaine distance est prise vis-à -vis du 14 mars de Saad Hariri.
Les navires iraniens ont emprunté le canal de Suez dans les deux sens récemment de façon ostensible, faisant fi des remontrances du voisin et ex-allié sioniste.
Le blocus de Gaza a été légèrement desserré et quelques membres du Hamas ont transité par l’aéroport du Caire en direction de la Syrie.
Des contacts ont été pris à un haut niveau entre les autorités syriennes et les services de sécurité égyptiens.
Même sous la férule d’un maréchal Mohamed Houssein Tantaoui ancien apparatchik de l’ère Moubarak, l’Égypte entend se donner les moyens de reprendre sa position de leader de l’arabité.
Y compris le prétendant à la présidence Amr Moussa, jusque là bien conciliant avec les intérêts spoliateurs du voisin qui occupe par les forces de l’ONU interposées le Sinaï, donne de la voix et menace de rétorsion en cas d’agression de Gaza.
La fabrique de l’image d’une démocratie à l’occidentale est un objet destiné à la seule exportation, car lorsque le miroir est tendu face à elle-même, l’image de l’entité sioniste se trouble.
Yossi Sarid, ancien membre de la Knesset, ancien ministre, s’interroge dans un éditorial du Haaretz à qui devrait être remise la palme de la corruption en Israël.
La compétition est bien rude et la question déchire les communautés et les familles.
Tous les hommes politiques sont les dignes fils de Sharon, l’homme qui a échappé aux poursuites judiciaires pour escroqueries, abus de biens sociaux et prévarication en tombant dans le coma.
En matière de communication, les Israéliens ont fait preuve de beaucoup d’ingéniosité inventive, en particulier faire passer la victime pour le bourreau sous prétexte que le bourreau a été lui-même victime. Mais ils ne disposent d’aucune primauté en matière de schizophrénie.
L’histoire est certes écrite par le vainqueur.
Mais elle ne peut dissimuler pour toujours les trous dans le récit qu’elle propose.
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Badia Benjelloun
8 avril 2011