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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

L'entreprise vaine d'un Etat palestinien - un Etat, deux Etats, pas d'Etat

Par

> alamin1919@gmail

Le 23 septembre, le président de l'Autorité palestinienne a soumis aux Nations Unies la candidature d'un Etat palestinien dans les territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967. Quelles sont les implications de cette initiative ? Sert-elle la cause palestinienne ? Et pourquoi Israël et les Etats-Unis s'y opposent-ils ? Quelle est l'alternative ? Paradoxalement, ce mois marque le dix-huitième anniversaire de la cérémonie qui célébrait la signature des Accords d'Oslo, au cours de laquelle Abbas se tenait à côté de Bill Clinton, de Yasser Arafat et d'Yitzhak Rabin, sur la pelouse de la Maison Blanche. En tant qu'un de ses architectes, Abbas a vendu l'accord d'Oslo au peuple palestinien comme le moyen d'établir un Etat palestinien indépendant et de restaurer les droits du peuple palestinien.

L'entreprise vaine d'un Etat palestinien - un Etat, deux Etats, pas d'Etat

13 septembre 1993 à Washington, Mahmoud Abbas paraphe les Accords d'Oslo. De gauche à droite : Shimon Peres, Andrei Kozyrev, Yitzhak Rabin, Bill Clinton, Yasser Arafat, Warren Christopher.
Mais tout au long des deux décennies passées, on a fait aux Palestiniens des promesses mirifiques, tandis qu'avaient lieu, à travers tous les continents, entre Israël et l'Autorité palestinienne, des négociations sans fin qu'Abbas a conduites depuis la mort d'Arafat en 2004 : Madrid (1991), Oslo (1993), Wye River (1997), Camp David (2000), Taba (2001), la feuille de route du Quartet (2002), Annapolis (2007), des négociations bilatérales (2008), les promesses d'Obama pour le gel des colonies au Caire (2009) et sa déclaration d'un Etat d'ici un an aux Nations Unies (2010).

Mais malgré le fait que le droit international et l'opinion publique mondiale soient en grande majorité du côté des Palestiniens, toutes ces tentatives d'établir un Etat palestinien indépendant ont été vaines car elles se heurtaient à la dure réalité de l'occupation militaire brutale sur le terrain, et de l'intransigeance israélienne à la table des négociations.

Alors que des millions de réfugiés palestiniens dans la diaspora ont été écartés de ce processus depuis Oslo, le peuple palestinien vivant dans les territoires occupés a été témoin de l'expansion continue des colonies israéliennes sur ses terres, ainsi que du nettoyage ethnique de Jérusalem et de la confiscation de ses lieux saints.

Passons brièvement en revue quelques-uns des faits de la seule décennie passée, au cours de laquelle Abbas s'est fait le champion des négociations sous les auspices du soi-disant "intermédiaire honnête", les Etats-Unis.

Près de 6.500 civils palestiniens ont été tués depuis septembre 2000, dont plus de 1.500 enfants. Sur ce chiffre, les deux-tiers (plus de 4.400) ont été tués depuis la Feuille de Route, en 2003. Pendant la même période, plus de 45.000 Palestiniens ont été blessés, certains handicapés à vie, 24.000 depuis 2003.

Il y a plus de 6.000 Palestiniens dans les prisons israéliennes, dont plus de 250 femmes et enfants de moins de 16 ans. La moitié d'entre eux ont été arrêtés après 2003, beaucoup sans charges et en détention administrative (depuis 1967, plus de 650.000 Palestiniens ont été détenus et emprisonnés - soit le chiffre stupéfiant de 20% de la population totale ; pratiquement 1 homme sur 2 a été détenu, à un moment de sa vie sous occupation).

Selon le Comité israélien contre les démolitions de maisons (ICAHD), plus de 25.000 maisons palestiniennes ont été démolies depuis 1967 - plus de la moitié depuis 2003, dont plus de 4.300 pendant l'attaque israélienne contre Gaza en 2008-2009.

Il y a 236 colonies israéliennes illégales en Cisjordanie et à l'Est de Jérusalem, avec plus de 650.000 colons qui confisquent la terre palestinienne et déplacent des milliers de Palestiniens. Les colons israéliens ont plus que doublé au cours des dix dernières années, contrôlant 43% de la terre en Cisjordanie et à Jérusalem Est avec plus de 400 checkpoints et routes réservées aux Juifs, ainsi que le mur de séparation qui serpente à travers les territoires palestiniens.

Depuis le durcissement du siège sur Gaza en 2007, 95% des usines et ateliers à Gaza ont fermé, le secteur agricole et l'industrie de la pêche ont été ravagés, entraînant un taux de plus de 40% de chômage (le double du taux de 2003). La siège a également empêché la reconstruction de milliers de maisons détruites par l'attaque d'Israël sur Gaza en 2009. En conséquence de la détérioration continue du réseau d'eau à Gaza, au moins 95% de l'eau du réseau n'est pas potable. Le taux de chômage en Cisjordanie est de 17%. Dans n'importe quelle économie, de tels chiffres conduisent à une dépression sévère et à une pauvreté sordide. Depuis trois ans, plus de la moitié de la population de Gaza et un quart de celle de Cisjordanie ne survivent que grâce à l'aide d'institutions caritatives.

Si ces faits prouvent quelque chose, ils conduisent à la conclusion qu'Abbas et ses acolytes se sont embarqués depuis vingt ans sur une voie désastreuse dont on constate aujourd'hui l'implosion. La candidature actuelle d'un Etat palestinien à l'ONU par la direction palestinienne est une tentative de camoufler l'échec de son approche, qui a consisté à faire des concessions majeures sur les droits palestiniens fondamentaux pour des promesses jamais tenues.

Les Documents Palestine par exemple, divulgués au début de cette année par Al-Jazeera, ont montré le degré effrayant auquel l'actuelle direction palestinienne et ses négociateurs étaient prêts à aller dans les concessions, en coulisses, sur les questions fondamentales comme le droit au retour des réfugiés palestiniens, Jérusalem, les colonies, les frontières, la sécurité et la souveraineté, pour se voir systématiquement rabroués par les Israéliens pour davantage de concessions.

En bref, toute la prémisse du processus d'Oslo fut qu'en échange de la reconnaissance historique de l'Etat sioniste sur 78% de la Palestine historique par les dirigeants palestiniens, Israël reconnaîtrait en échange "l'Etat de Palestine" sur 22% de la terre, à savoir la Cisjordanie , Gaza et Jérusalem Est. Mais le problème avec cette approche fut qu'une des deux parties a été autorisée à recevoir tous les bénéfices et à dicter toutes les conditions, pendant que l'autre devait mendier ses droits tout en étant dépouillée de toutes ses cartes.

Pendant des dizaines d'années, le monde a su que les contours de tout règlement politique à ce problème séculaire insoluble hésitaient entre une solution à deux Etats (la formule 78-22), un Etat (bi-national, un homme-un vote), ou l'apartheid (un peuple contrôlant le sort d'un l'autre).

Beaucoup dans le monde, dont les Nations Unies, les Etats Unis, l'Union Européenne et même des sionistes libéraux (espérant préserver la majorité juive et la nature sioniste de l'Etat) ont embrassé la solution à deux Etats. Mais les gouvernements israéliens successifs se sont acharnés à fermer cette option dans l'espoir qu'Israël pourrait garder Jérusalem Est et le plus possible de territoire cisjordanien et de nappes phréatiques), tout en rendant la vie des Palestiniens si difficile que soit ils renonceraient et partiraient, soit ils accepteraient les dures réalités du statu quo.

Que ce soit Shamir, Rabin, Barak, Sharon, Olmert ou Netanyahu-Lieberman, tous les dirigeants israéliens ont étendu les colonies et édifié un système de ségrégation en Cisjordanie et à Jérusalem qui, en lui-même, excluait la solution de deux Etats.

En même temps, des millions de gens dans le monde en ont assez des injustices de la politique impérialiste, raciste ou colonialiste. Ils soutiennent la notion d'égalité raciale, une personne-un vote en Palestine historique, qui réparerait les injustice historiques faites aux réfugiés palestiniens.

Abbas, qui était dans une impasse, essaie de sauver le fiasco de son approche en revendiquant une victoire diplomatique creuse. Mais le problème, c'est que cela fournira à Israël le prétexte parfait pour nier le droit des réfugiés palestiniens au retour sur leur terre historique inscrit dans le droit international et la résolution 194 des Nations Unies.

Cette démarche permettra aussi à Israël de justifier son refus de la solution d'un Etat qui garantit l'égalité réelle, la démocratie, la justice et une paix véritable dès qu'elle ne permet pas de soumettre les Palestiniens ou de les expulser de leur terre.

Ainsi, avec cette initiative, les Palestiniens abandonnent librement la seule carte qui leur restait à jouer pour tout règlement futur : la dissolution de l'Autorité palestinienne et la quête d'un Etat.

L'administration Obama, quant à elle, est désarçonnée. D'un côté, le Président Obama a lui-même appelé l'an dernier à l'établissement de l'Etat de Palestine dans un an. Il a déclaré que la solution de deux Etats était impérative et un intérêt sécuritaire national vital des Etats-Unis. Mais de l'autre, son administration a fait tout ce qui était en son pouvoir pour la faire dérailler.

La seule explication de ce comportement myope est la profondeur et l'ampleur de l'influence du lobby israélien, en particulier au Congrès et au parti républicain. Un article récent du New York Times décrit comment la secrétaire d'Etat Hillary Clinton appelle fréquemment les hommes politiques israéliens pour faire pression sur les membres républicains du Congrès sur les questions du Moyen-Orient.

Dans un cas, l'article cite un membre républicain au Congrès, qui dit que, "Netanyahu a plus de crédibilité au Congrès qu'Obama." Cette déclaration, qui soutient que la majorité au Congrès préfère croire un dirigeant étranger que son propre président en ce qui concerne les intérêts de la sécurité nationale du pays, est incroyable et éventuellement une trahison.

Beaucoup parmi les dirigeants palestiniens, y compris les conseillers d'Abbas Saeb Erekat, Nabeel Shaath et Yaser Abed Rabbo, disent publiquement que cet demande d'Etat est une manœuvre tactique pour obliger Israël à revenir à la table des négociations avec quelque influence et soutien internationaux. Il semble qu'ils n'aient aucune intention de modifier leur entreprise de liquidation - en coulisses - des droits palestiniens fondamentaux et de poursuite de la "coopération sécuritaire" contre d'autres Palestiniens en Cisjordanie .

Si Abbas était réellement sérieux au sujet de cette initiative, il n'aurait pas attendu jusqu'à maintenant pour soumettre la demande d'adhésion d'Etat, alors que les Etats-Unis peuvent exiger le report du vote du Conseil de Sécurité (pour éviter un veto dévastateur qui nuirait à leur crédibilité) en ayant recours à une loi qui autorise des retards allant jusqu'à cinq semaines. S'il avait fait la demande plus tôt, il aurait pu obliger les Etats-Unis à opposer leur veto à la résolution cette semaine et exposer leur hypocrisie, tout en exigeant la mise en œuvre des précédentes résolutions de l'ONU qui appellent à un Etat palestinien, au droit au retour et rejettent toutes les colonies israéliennes sur les territoires palestiniens ainsi que l'annexion de Jérusalem Est.

En bref, la lutte pour la justice pour le peuple palestinien n'est pas correctement positionnée et ne devrait pas être réduite à la question d'un Etat sur 22% de leur terre historique. Toute solution concernant le problème palestinien doit traiter la cause principale de cette situation tragique.

Ainsi, toute résolution durable et authentique du conflit israélo-palestinien doit être fondée sur les principes suivants :

1) Le rejet d'un système politique et d'une idéologie du dix-neuvième siècle qui confèrent des droits politiques et civiques basés sur l'appartenance ethnique ou religieuse. Pendant plus d'un siècle, le sionisme a appelé au rassemblement des Juifs du monde entier en Palestine et à l'expulsion et à l'exclusion des Palestiniens de leur patrie.

Pendant des décennies, Israël a empêché l'application de la résolution 194 des Nations Unies qui appelle au retour des réfugiés palestiniens expulsés de leurs villes et villages en 1948, en même temps qu'il garantissait des droits automatiques à la citoyenneté et des logements à des millions de Juifs européens et américains dans les territoires palestiniens, à plus d'un million de Juifs de l'ex-Union Soviétique dans les années 1990.

De la même manière que l'Amérique a aboli l'esclavage, et l'Afrique du Sud l'apartheid, le monde doit démanteler les institutions du sionisme (droits réservés aux Juifs, immigration, emploi, logement, routes, avantages, etc.), non seulement parce que c'est la racine du problème, mais, plus important, parce que c'est la seule chose à faire qui soit juste et morale. Mais on ne doit pas laisser la lutte contre une idéologie raciste être exploitée par des groupes antisémites pour attaquer ou nuire au judaïsme et à ses disciples, une religion et une culture qui enrichit le monde depuis des millénaires.

2) La terre historique de Palestine (Israël, la Cisjordanie et Gaza) est une terre qui appartient à tous ses habitants, y compris aux réfugiés palestiniens expulsés en 1948 et à leurs descendants. Ils doivent être autorisés à revenir sur leurs terres si tel est leur choix ainsi qu'être indemnisés pour leurs souffrances injustes. Chaque citoyen de cette terre doit jouir de droits égaux dans un Etat démocratique, laïque et civil. Par exemple, l'Union Européenne ne devrait jamais inviter une démocratie réservée aux Juifs à la rejoindre. Pour être admissible à une telle adhésion au 21ème siècle, un tel pays doit être une démocratie pluriethnique garantissant l'égalité des droits à tous ses citoyens.

3) Toute puissance qui refuse une résolution juste enracinée dans l'égalité raciale et religieuse doit être dénoncée et rejetée. La voie pour cette lutte doit être fondée sur l'unité du peuple palestinien et de leurs supporters à travers le globe, y compris les Juifs du monde. Il est également impératif que cette approche embrasse la lutte de la résistance non violente, la désobéissance civile, les protestations de masse et les boycotts économiques.

John Mearsheimer et Stephen Walt ont détaillé, dans leur ouvrage "The Israël Lobby", les raisons du soutien sans précédent que les Etats-Unis ont fourni à Israël au cours des années, au détriment des intérêts nationaux vitaux de l'Amérique.

En un mot, l'argent des contribuables états-uniens a subventionné l'occupation, la répression et la brutalité israéliennes contre les Palestiniens, et ce pendant des dizaines d'années. Plus de 170 milliards de dollars ont été donnés à Israël (dont un quart depuis 2003) avec les armes les plus sophistiquées de l'arsenal US. Les Etats-Unis ont utilisé leur véto 42 fois pour protéger Israël, au plan diplomatique, de toute condamnation de son occupation illégale et de ses crimes de guerre.

C'est pourquoi toute stratégie de résistance non violente contre la cruelle réalité de l'occupation militaire et l’assujettissement du peuple doit englober la résistance populaire et comprendre un volet qui conteste l'énorme soutien US, en particulier par un Congrès aveugle.

C'est après tout la politique US qui permet l'injustice, l'oppression, la souffrance et l'intransigeance israélienne. Jusqu'à ce que les hommes politiques des Etats-Unis, les courtiers du pouvoir, les chefs militaires, les dirigeants d'entreprises, les empires médiatiques et les faiseurs d'opinion soient obligés d'être aux côtés de ce qui est moralement juste, il faut, par les urnes, les sanctions et le boycott leur faire payer cher leur soutien et leur faire honte en public.

En outre, alors que les masses courageuses qui conduisent les soulèvements arabes continuent de destituer leurs dictateurs et de défier l'hégémonie israélienne et américaine dans la région, la cause palestinienne va enfin retrouver son statut, au centre de la politique régionale et au cœur des passions des peuples en recherche de justice. Tandis que des réformes démocratiques profondes balaient le monde arabe au bénéfice d'une société pluraliste et plus égalitaire, le projet sioniste commence à ressembler plus à une relique d'une époque médiévale qu'à une entreprise éclairée.

Finalement, un Etat qui représente tous ses habitants sur la base de l'égalité, du respect et de la dignité pour tous ses citoyens est celui que le monde célèbrera un jour, et pas une déclaration bidon qui légitime la nature oppressive de l'un et donne de faux espoirs à l'autre.

Source : The One Democratic State Group

Traduction : MR pour ISM

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