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Cisjordanie occupée -

L'occupation israélienne silencieuse commence à faire du bruit

Par

Article du 5 novembre 2015.

Près du checkpoint de Qalandia, quatre jeunes palestiniens découvrent leurs visages alors qu'ils entrent dans un taxi orange retournant à Ramallah. Omar, 18 ans, essuie les paumes de ses mains sales et dit «écoute, il faut que ça soit affreux, vraiment affreux, avant que ça puisse commencer à aller mieux ». Son ami Osama, 19 ans, le regarde et lui dit en plaisantant : « mec, soyons réalistes, ce n'est pas une pierre qui va nous libérer ». Omar rétorque convaincu, « personne ne dit que nous essayons de nous libérer avec des pierres, c'est plutôt envoyer le message que pour chaque action, il y aura une réaction. Il s’agit d’une réaction à l'agression israélienne, personne ne dit que nous sommes en train de nous en libérer ».

L'occupation israélienne silencieuse commence à faire du bruit

Alors que les jeunes garçons descendent à leur arrêt, ils me regardent et l'un d'eux dit, « va écrire ça dans ton article. Il n'y a pas que les analystes qui ont quelque chose à dire. Qu’ils continuent à utiliser leurs mots, la pierre parle pour nous. »

Ce qui se passe sur le terrain transcende les images des jeunes aux visages masqués jetant des pierres, partagées à travers le monde numérique. Ce ne sont pas des soldats, ni des jeunes déprimés n'ayant rien à perdre. Ils ont tout à perdre, de leur êtres chers à leurs aspirations et rêves qui continuent d'être entravés par un système injuste d'oppression. C'est justement par amour de la vie que la résistance se lève, pour préserver ce qu'il reste d'espoir et de dignité.

La réaction palestinienne actuelle est à la fois inévitable et épisodique. Ce n'est pas une éruption aveugle et aléatoire, elle s’inscrit plutôt dans une continuité d’actions palestiniennes précédentes venant en réaction à l'oppression systématique perpétuée par l'Etat d'Israël. De l'échec des négociations à la croissance des colonies israéliennes en Cisjordanie , en passant par le traitement des Palestiniens ayant la nationalité israélienne comme citoyens de 2ème et 3ème classe, ou la création d'une prison à ciel ouvert à Gaza, la liste des tenants et des aboutissants semble ne jamais devoir se terminer.

Malgré les revendications évidentes de la jeunesse – la fin de l'occupation – la plupart des observateurs sont focalisés sur les effets de l'occupation, telle cette nouvelle vague de protestation, essayant d'évoquer quelle étiquette ou quelles façons de désamorcer la situation seraient les plus appropriées, sans vraiment creuser vers ses causes profondes et en contextualisant l'agitation actuelle de la région.

Comme mentionné plus haut, il apparaît que le point de fixation semble focalisé sur comment étiqueter le dernier cycle de violence. Est-ce que c'est une troisième intifada ? Ahmad, 13 ans, ignore la question alors que des infirmiers le soignent pour avoir inhalé des gaz lacrymogènes près de Beit El, où il prenait part aux confrontations avec les forces israéliennes. « Honnêtement, je m'en fous de comment vous l’appelez. Troisième intifada, 50ème intifada, peu importe ».

Peinant à respirer, il continue : « Ce qui importe est que je sois ici. Je fais quelque chose alors que vous tous crachez votre rhétorique en essayant de vous impressionner les uns les autres avec vos analyses. J'en peux plus de l'occupation ». Ce qu'on doit considéré, ce ne sont pas les symptômes se manifestant sous la forme d'une escalade de la violence, mais les causes profondes à son origine.

Parallèlement au débat inutile consistant à savoir s’il s’agit ou pas d’une 3ème intifada, analystes et diplomates se sont emparés du vieux discours tournant autour de la résistance, pressant les Palestiniens à utiliser une approche pacifique. Ce qui n’est toutefois pas mentionné est le fait que les Palestiniens ont déjà essayé d'utiliser des moyens pacifiques et qu'ils continuent à le faire. De diverses façons allant des manifestations hebdomadaires non armées dans les villages palestiniens au mouvement Boycott Désinvestissement et Sanctions. Ces actions ont reçu peu de soutien de la part de ceux qui appellent à des mesures pacifiques, et se sont toujours heurtées aux mêmes mesures violentes et répressives de la part d'Israël.

Il y a aussi une apparente disparité entre la réaction à la lutte des autochtones et à la violence des opprimés. Dans ce cas, la violence palestinienne versus la violence israélienne.

Par exemple, alors que des Israéliens considèrent le BDS comme un mouvement antisémite et préjudiciable, des sondages récents ont montré que 61 % des Israéliens soutiennent le boycott des « Arabes israéliens », un résultat qui n’a toujours pas été qualifié d’antisémite ou de raciste par le gouvernement israélien. Au contraire, le 8 octobre, après le meurtre illégal d'une femme palestinienne près du poste de police d'Afula, des manifestations anti-arabes ont été organisées par des communautés israéliennes à travers Israël.

Le même jour, Netanyahu, dans un communiqué de presse, a applaudi la réaction de certains Israéliens, déclarant : « dans ces derniers jours et heures, j'ai vu des manifestations d'héroïsme de la part de soldats, de membres de la police et – ce n'est pas tout – de la part de civils. Je le vois à Jérusalem, Kiryat Gat, Hebron, Petah Tikvah, Tel Aviv et maintenant à Afula ».

Alors que beaucoup sont impatients de condamner la violence palestinienne, ils semblent ignorer la violence perpétrée par les forces israéliennes car la plupart des crimes sont commis par une institution reconnue : l'armée. Le peuple palestinien n'a pas d'armée et les seuls groupes armés servent l'Autorité Palestinienne qui est complice de l'occupation israélienne à travers la coordination sécuritaire aux dépens des Palestiniens.

Il est intéressant de noter que le seul contexte dans lequel la communauté internationale discute de la résistance palestinienne est lorsque des vies israéliennes sont à l'affiche. C'est à ce moment que nous assistons à des discours pressant les Palestiniens à une « désescalade de la violence » et de passer à « des moyens pacifiques ». C'est comme s'ils croyaient que la résistance existe dans un vide, complètement décontextualisée et isolée de l'occupation et de sa longue histoire. Il s’avère qu’une telle approche contribue uniquement à perpétuer l’état de fait tandis qu’est négligée la souffrance de ceux qui endurent les conséquences directes de l'occupation israélienne : les Palestiniens.

Avec une peine pouvant potentiellement aller jusqu'à 20 ans de réclusion dans une prison israélienne pour avoir lancé des pierres, voir les Palestiniens se convertir désormais à l'usage de couteaux, tournevis, ou de tout ce qu'ils peuvent avoir sous la main, ne devrait pas être une surprise. Dans tous les cas, sachant qu’ils vont devoir en subir les graves conséquences, la façon dont beaucoup voient les choses est qu'ils ont au moins remis une fois de plus la cause sur le devant de la scène. Exactement comme pour Gaza dont on ne parle que lorsque les tirs de rocket du Hamas sont de retour, on évoque la Cisjordanie lorsque les jeunes sont dans les rues. Ce qui est fait revient essentiellement à enlever les baillons des bouches des Palestiniens. La situation en est transformée et l’occupation silencieuse devient soudain bruyante.

La jeunesse palestinienne ne proteste pas uniquement contre l'agression des forces israéliennes, elle met aussi en lumière l'échec des dirigeants mondiaux comme nationaux à apporter une véritable solution, une solution qui ne jette pas en pâture la dignité et l'espoir du peuple palestinien.

Alors que les confrontations près de Beit El se poursuivent tard le soir, quelques jeunes Palestiniens font une pause. Amjad, 22 ans, s'assoit sur le bord du trottoir et pointe du doigt des pneus qui brûlent au loin : « Tu vois ce pneu enflammé là-bas ? », puis réfléchissant une seconde, il continue, « ouais. Nous sommes ce pneu enflammé ».

Source : Huffington Post

Traduction : FS/CR pour ISM

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