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Liban - 1 septembre 2010
Par Soraya Hélou
Trente deux ans après, le vide est toujours aussi important. La disparition de l’imam Moussa Sadr le 31 août 1978 avec ses deux compagnons est encore vécue par la communauté chiite et par le Liban en général comme une grande tragédie, tant l’homme a joué un rôle déterminant pour l’avenir du pays. Père des « Déshérités », il est aussi en quelque sorte celui de la résistance, puisqu’il avait été le premier à lancer l’idée de la résistance armée contre "Israël".
Avant-gardiste à plus d’un égard, mais aussi homme de culture, de dialogue et d’ouverture, l’imam Moussa Sadr est considéré aujourd’hui comme le véritable père des chiites du Liban. Longtemps considérés comme une communauté marginale, n’ayant pas de véritable poids politique face aux deux puissantes communautés chrétienne et sunnite, qui étaient les principales signataires du fameux Pacte national à l’origine de la création du Liban moderne, les chiites n’ont véritablement pris connaissance de leur force et de leur importance qu’avec l’émergence de l’imam Moussa Sadr, dont la famille originaire de Tyr a aussi de puissants liens de sang en Iran.
Avec son charisme et son côté visionnaire, l’imam Moussa Sadr se rend très vite compte que les chiites du Liban sont marginalisés, d’autant que les régions dans lesquelles ils sont les plus nombreux (Le Sud et la Békaa) sont totalement défavorisées et comme oubliées par l’Etat libanais. C’est d’ailleurs sur cette base qu’il lance le mouvement des Déshérités qui, bien que n’ayant pas spécifiquement une coloration confessionnelle, regroupe essentiellement des membres de la communauté chiite. Mais chez le grand visionnaire qu’était l’imam Sadr, il n’était pas question de créer un mouvement purement confessionnel. Il cherchait simplement à donner une place au sein de la mosaïque libanaise à cette large communauté oubliée et dénigrée.
Intégrer les chiites à la société libanaise et leur donner du poids sur la scène politique interne, n’allait pas, pour l’imam Sadr, sans le renforcement du sentiment d’appartenance nationale, ni sans pousser l’ensemble de la communauté vers des choix nationaux arabes. L’imam Sadr a donc été la première grande figure politico-religieuse à appeler à la solidarité avec la résistance palestinienne et avec le début de la guerre civile au Liban, il n’a cessé de réclamer l’arrêt des combats internes et le lancement d’un dialogue sur le régime et le partage du pouvoir.
Orateur charismatique, il avait aussi établi des liens étroits avec les chefs religieux chrétiens, avec lesquels il entretenait un dialogue permanent en vue d’étouffer toute discorde communautaire. Avec la recrudescence des agressions israéliennes contre le Liban, notamment au Sud, il avait appelé à une solidarité totale entre les habitants du Sud et leurs frères de la résistance palestinienne. Il avait d’ailleurs créé les « unités de la résistance libanaise » plus communément appelés "Amal", à travers lesquelles il poussait les habitants du Sud à se lancer dans une résistance militaire contre l'ennemi israélien. C’est pourquoi, il est aujourd’hui considéré comme le véritable père de la résistance actuelle, puisqu’il a été le premier à lancer l’idée de l’affrontement armé contre "Israël". Certains attribuent d’ailleurs la cause de sa disparition à cette initiative courageuse, qui a pratiquement brisé un tabou dans la vie politique, sociale et militaire libanaise.
Depuis, le mouvement Amal continue sa double mission, de résistance, en coopération et en coordination étroite avec le Hezbollah, et de force politique interne œuvrant pour l’entente et l’unité. Comme l’a voulu donc l’imam Moussa Sadr, disparu dans des circonstances obscures, qui n’ont toujours pas été élucidées, trente deux ans après. C’est à Tripoli en Libye qu’on l’aurait vu, avec ses deux compagnons pour la dernière fois, même si les autorités libyennes affirment qu’il a pris l’avion pour Rome et c’est à l’aéroport de la capitale italienne qu’il aurait disparu. Toutes les enquêtes menées sur cette disparition n’ont pas abouti, même si la justice libanaise a lancé un mandat d’arrêt par contumace contre le dirigeant libyen. Certains secrets doivent rester enfouis et pour la disparition de l’imam, aucun tribunal spécial n’a été formé, ni une enquête internationale menée.
Libanais, arabe, chiite, ce chef de file historique qui a vu avant tout le monde le rôle que pouvait jouer cette communauté dans l’équilibre interne libanais et dans la résistance contre "Israël", l’imam Moussa Sadr a marqué l’histoire du Liban. Même disparu, il reste une grande figure libanaise, arabe et musulmane dont les Libanais déplorent en permanence le départ prématuré. L’homme a disparu, mais son œuvre demeure, comme c’est toujours le cas des grands hommes.
Source : French Moqawama
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Soraya Hélou
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