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Moyen Orient - 16 octobre 2007
Par Omayma Abdel-Latif
Cet article fait partie d'une étude plus longue sur "La femme dans le mouvement islamiste : vers un modèle islamiste de militantisme des femmes", par Omayma Abdel-Latif (photo ci-dessous) et Marina S. Ottaway. (Fondation Carnegie)
Ghazwa Farahat est une ingénieure charismatique de 30 ans. Elle est membre du service social de la municipalité de Al-Ghobeiry, au sud de Beyrouth. Farahat a été élue à ce poste sur la liste du Hizbullah, il y a deux ans. Elle fut la première candidate que le mouvement de résistance islamique a placée sur sa liste électorale.
Le parti a travaillé dur pour convaincre la famille de Farahat de sa nomination. "Ma famille était divisée", dit Farahat depuis son bureau de Al-Ghobeiry. "Ils ont demandé aux officiels du Hisbullah pourquoi ils voulaient nommer une femme alors qu'il y avait des hommes dans la famille", explique-t-elle.
L'histoire de Farahat prouve, entre autres choses, que les positions du mouvement islamique sont bien plus progressistes, au sujet du rôle des femmes dans la société, que la société dans laquelle il opère. Que le Hizbullah ait maintenu cette candidature et soit venu à bout des pressions sociales et culturelles suggère qu'il porte une attention sérieuse au rôle que les femmes peuvent jouer pour étendre sa base sociale et politique. (1)
Le cas de Farahat et d'autres mettent aussi en lumière l'un des traits les plus saisissants des politiques islamistes aujourd'hui. Farahat, avec des centaines d'autres militantes, représente le noyau des associations de femmes du Hizbullah, ou Al-Hayat Al-Nisaaya, le cadre grâce auquel les militantes font avancer leur programme social et politique à l'intérieur du parti.
Au fur et à mesure que davantage de femmes instruites ont rejoint les rangs des mouvements islamiques au cours des deux dernières décennies, elles ont trouvé dans ces mouvements un espace où elles pouvaient faire pression pour améliorer le statut des femmes sans risquer d'être stigmatisées comme faire-valoir de l'Occident ou devenir des parias sociales.
C'est l'occasion de battre en brèche la vision persistante que la montée des mouvements islamistes au Moyen Orient serait responsable à la fois d'un climat socialement restrictif vis-à-vis des femmes, et d'un recul par rapport aux avantages qu'elles auraient acquis par le passé.
Leur recrutement dans des services sociaux, en particulier, les a mises en contact avec les masses, leur permettant ainsi d'établir des réseaux de terrain. Et l'impressionnante participation des militantes du Hizbullah au cours du sit-in de l'opposition libanaise dans le centre de Beyrouth a prouvé encore davantage que les femmes n'étaient pas mises sur la touche.
Al-Hayat Al-Nisaaya a tenu un stand pendant le sit-in, qui est vite devenu le point de rencontres des journalistes. Le sit-in a aussi servi de lieu de rencontre pour les cadres féminines des partis laïques libanais alliés au Hizbullah.
En Egypte, quelque chose de similaire est en train de se produire. Les femmes sont de plus en plus visibles dans les différentes activités politiques du mouvement des Frères Musulmans, vieux de 80 ans.
En 2000, le mouvement a nommé pour la première fois une candidate sur sa liste électorale à Alexandrie.
Lors des élections parlementaires de 2005, les femmes ont été au cœur de la machine électorale du mouvement, participant à toutes les étapes des élections, de la candidature jusqu'à la campagne, le comptage et la surveillance des votes.
Les commentateurs occidentaux ont généralement projeté une vision négative de la relation entre l'Islamisme en tant qu'idéologie politique, l'Islam en tant que religion, et les femmes.
Bien que quelques écrits aient pris en considération les variations et nuances parmi les divers groupes islamistes, la vision dominante et la plus influente qualifie l'Islamisme et l'Islam de monolithique. Cette vision dépeint les femmes comme se languissant sous des sociétés patriarcales oppressives, enchaînées par une longue liste de codes culturels et religieux de comportement qui les oppriment.
En réalité, le statut des femmes dans les mouvements islamistes n'est ni uniforme ni immuable. Ce qui apparaît, dans une conversation avec des femmes islamistes, est souvent un mélange de discours pré-moderne et moderne.
D'un côté, elles ne sont pas insensibles au discours sur le débat permanent des droits des femmes et de leur statut dans le monde arabe actuel.
Cependant, beaucoup d'entre elles opèrent leurs propres choix sur le modèle politique et sociétal qu'elles approuvent en tant que militantes. Elles ne se perçoivent pas comme étant à la traîne des femmes occidentales parce que les critères avec lesquels elles mesurent leurs progrès et leurs réussites sont différents.
"Nous n'avons pas l'éternel complexe d'être les égales des hommes", dit Um Mahdi, dirigeante de la branche féminine de Hayeet Daam Al-Muqawama, l'Association de Soutien à la Résistance, la branche financière du Hizbullah.
"Nous cherchons la justice, pas l'égalité", ajoute-t-elle. Une opinion similaire est souvent exprimée par des militantes des Frères Musulmans. Elles mettent l'accent sur "la complémentarité des rôles" entre les sexes. Mais elles sont aussi conscientes que dans la pratique, le statut des femmes varie entre les mouvements islamistes. Et le contexte social, politique et culturel donné est aussi un facteur important qui modèle ce statut.
Les militantes ne font pas secret des pressions qu'elles exercent sur les directions de leurs mouvements respectifs, dans le but d'étendre leur rôle et leur participation. Jihan Al-Halafawy, première candidate sur la liste électorale des Frères Musulmans en 2000, a révélé qu'elle a discuté avec le guide suprême des Frères Musulmans à plusieurs occasions sur la nécessité d'avoir des membres féminines au bureau politique du mouvement.
Les militantes islamistes soutiennent que la défense des droits des femmes fait partie de la défense de l'Islam contre la corruption.
Elles témoignent que les préceptes islamiques n'ont jamais eu pour but de soumettre les femmes, mais que ces principes ont quelquefois été déformés par des normes sociales et culturelles qui précédaient l'Islam et qui ont persisté en dépit de la propagation de l'Islam. La lutte pour les droits des femmes est donc aussi une lutte pour restaurer l'Islam dans sa forme originelle.
En même temps que les militantes islamistes pensent que l'Islam est la base de la reconnaissance des droits des femmes, placer les demandes féministes à l'intérieur du contexte plus large de la discussion religieuse a pour elle un avantage supplémentaire : celui d'aider à contrer les accusations selon lesquelles elles poursuivraient un programme féministe étroit au détriment du bien de la communauté.
Le rôle important que les femmes jouent dans les organisations islamistes est de plus compréhensible à la lumière de l'attention que les mouvements islamistes portent à la construction d'organisations fortes, tendant la main à la population et lui fournissant des services. Les organisations de femmes jouent un rôle important pour l'extension de ces mouvements. (1)
Etant donné la base sociale naturelle revendiquée par les mouvements islamistes, la mobilisation toujours grandissante des militantes peut annoncer le développement d'un paradigme islamiste pour la prise en compte des questions des femmes et la régénération sociale. Si un tel paradigme gagnait une large audience, il pourrait énormément influencer le monde arabe et musulman, et même bien davantage que les efforts pour promouvoir les droits des femmes par les organisations féministes occidentales, ou soutenues par l'Occident.
(1) voir l'article "Idéologie vertueuse", par Amany Abulfadl, dans lequel l'auteur conteste l'instrumentalisation des femmes par les mouvements islamistes pour étendre leur influence. (note ISM)
Source : Al-Ahram
Traduction : MR pour ISM
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