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Palestine - 22 mars 2017
Par Badia Benjelloun
La Palestine, débouché disputé
Le chef de gouvernement du régime de Tel aurait rappelé à Vladimir Poutine un épisode historique d’un massacre des Juifs par les Perses lors de leur rencontre en février 2017 à Moscou. Le Président de la Russie, avec un sens de la répartie non dénué d’humour et de pragmatisme tranchant, aurait rétorqué à son hôte que cet événement a eu lieu il y a 2500 ans.
Le représentant du seul Etat qui revendique ouvertement de nos jours une politique d’annexion coloniale assortie de crimes tels que l’apartheid et autres assassinats extrajudiciaires voulait sans doute faire référence à la légende d’Esther. Celle-ci nous est parvenue sous l’une de ces formes canonisées par les rabbins talmudiques car elle fut consignée, mise par écrits, comme les autres récits par les « soferim » équivalents de scribes royaux à l’époque du second Temple. Plus tard, entre le 9ème et le 11ème siècle de l’ère chrétienne, les textes sacrés sur lesquels s’appuie la religion juive furent l’œuvre d’une autre série de copistes, les Massorètes qui ont colligé en hébreu le corpus de ce qui deviendra la bible hébraïque.
Ce qu’il est convenu d ‘appeler la science historique, fondée sur l’épigraphie, l’archéologie et la philologie, date l’élaboration de ce roman d’Esther bien après que se fût achevée la lutte entre les Pharaons et les Babyloniens pour le débouché sur la côte méditerranéenne entre Gaza, Tyr et Sidon. Les engagements militaires pour la domination de cette zone ont duré une trentaine d’années (entre 598 et 568 environ). Les petits royaumes, et parmi eux celui de Judée, recherchaient le meilleur protecteur auquel payer tribut. A deux reprises, ils choisirent les Egyptiens et les deux fois, cette alliance fut vaincue par les Babyloniens. A l’issue de chaque guerre entre les deux empires égyptien et babylonien, les vainqueurs ont dû rapatrier avec eux une partie de l’élite des entités périphériques vassalisées. Cette tradition a sans doute été empruntée plus tard par les Romains quand ils défilaient pour leur triomphe avec des esclaves en fin de procession. C’est cet épisode qui fut conservée dans la mémoire juive comme la première destruction du Temple et l’exode à Babylone. L’empire achéménide qui a succédé au babylonien a hérité de la situation cosmopolite des grandes villes commerçantes agrandies par le bâtisseur Nabuchonosor et donc des descendants de Juifs amenés là en trophée plus qu’en punition le siècle précédent.
Esthérification d’Ishtar
De manière très succincte, l’intrigue déroule un certain nombre de chapitres : un roi perse a épousé une belle inconnue après avoir répudié la reine pour lui avoir désobéi. Son ministre obtient de l’empereur l’autorisation de passer par les armes tous les Juifs du royaume car l’un d’eux n’a pas consenti à se prosterner devant lui. L’exécution devait avoir lieu un an plus tard. Le Juif rebelle, Merdokai, ou Mardochée, au nom très proche du Dieu babylonien Mardouk, avait sauvé la vie de l’empereur car il avait dénoncé le complot d’assassinat ourdi par des gardes eunuques pour des raisons futiles. Mardouk ou Mardochée demande l’intervention de la favorite Esther, juive elle aussi, nom à peine altéré de la déesse de la fécondité Ishtar pour sauver les juifs menacés d’extermination. Elle obtient par un léger stratagème de son royal époux la punition de son ministre et la vie sauve à son peuple.
Il est à se demander si Netanyahu a jamais écouté le Magelet d’Esther-Ishtar lu deux fois à l’occasion la fête de Pourim le 13 du mois Adar au soir et le 14 au matin. Fête qui célèbre la fin de l’hiver et le retour du printemps comme dans toutes les traditions de ce vaste ensemble asiatique. Le Grand Perse n’a pas exterminé, il a au contraire sauvé les Juifs d’une punition collective assez peu justifiée.
Par ailleurs, la trame n’a aucune solidité historique. Les Rois achéménides réalisaient des alliances matrimoniales politiques. Suse où est censée se dérouler le feuilleton sur plusieurs années a bénéficié de la construction de deux palais à cette époque mais n’a jamais été une capitale, tout au plus une résidence d’hiver parmi d’autres. Exterminer tout un peuple pour le non respect du protocole par l’un de ses ressortissants est une solution narrative farfelue. Il n’y a pas de traces parmi l’abondante littérature sur pierres et terres cuites d’une pratique de type génocidaire dans ces empires araméens et asiatiques, les seules exterminations, réelles ou fantasmées, sont consignées dans le Deutéronome.
L’invention d’un peuple
Ici, les emprunts à la mythologie et au panthéon babylonien sont évidents. L’épopée de Gilgamesh, à laquelle l’ère moderne a accédé grâce aux archéologues et philologues du 19ème siècle, est bien connue maintenant. La lecture devant la Reine Victoria par Smith en 1872 du fragment qui a trait au Déluge envoyé par Dieu pour punir l’humanité pécheresse avait déstabilisé l’auditoire et Sa Majesté. Pour un bon moment. Pas de copyright ni de propriété intellectuelle lorsque s’inventaient l’agriculture et l’écriture et que s’enrichissait le patrimoine de l’humanité de ses légendes et de ses récits prophétiques.
Le lieu de confluence des commerces caravaniers arabiques et du trafic des richesses mésopotamiennes vers la porte maritime méditerranéenne de Gaza, Tyr et Sidon, la Palestine a accueilli toutes les divinités et croyances, les a décantées et synthétisées.
Le peuple de cette région fort disputée entre les deux empires, égyptien d’une part et chaldéo-assyrien-babylonien et hittite de l’autre, n’est connu dans toute la documentation épigraphique depuis le deuxième millénaire jusqu’aux Ptolémée que sous le nom de Amourrou chez les Babyloniens, Amou, Harou, Karou, Retenou mais aussi bien Amourrou chez les Egyptiens. Nulle trace de peuple hébreu ni de langue hébreu avant que celle-ci, dérivée et branche tardive de l’araméen, ne fut réservée par une minorité de religieux juifs à une fonction liturgique au troisième siècle. Ishtar est une forme d’Isis, d’Astarte, d’Aphrodite, de Venus et de Myriam. Esther n’en est qu’une version dans un rôle un peu rétréci à sa fonction de Beauté salvatrice alors qu’elle est fécondité, étoile de l’aube et du crépuscule, et échouant de peu à ramener à la vie de la maison des morts son fils Tammouz dont le nom a persisté dans le calendrier arabe oriental, il correspond à juillet.
L’inversion, ressort psychique protecteur et procédé politique falsificateur
Poutine n’a pas jugé utile de rappeler au représentant d’un Etat qui n’admet pas de frontières dans ce qui lui sert de Constitution le massacre, bien réel et non légendaire des Chrétiens de Jérusalem le 19 mai 614. Ignorance ou indulgence ? Les sources sont trop nombreuses et fiables qui narrent l’effroyable bain de sang commis par les juifs lors de la conquête par les Perses de cette province romaine de Judée. Les juifs de Tibériade, de Galilée, de Nazareth, sujets romains, avaient rallié les armées sassanides, les ont précédées et aider dans la destruction des sanctuaires chrétiens, leur pillage et la mise à mort des chrétiens. A Jérusalem, les juifs rachetèrent des chrétiens à vil prix pour pouvoir les égorger. Entre 60.000 et 90.000 chrétiens périrent de leurs mains. La ville fut mise à sac et les chroniques relatent que la piscine de Mamillah, toujours existante, s’est vite remplie du sang de ceux que l’on sacrifiait en masse comme des bestiaux (1).
Quinze ans plus tard, Héraclius reconquiert la ville sainte et, horrifié par le récit que firent les survivants, en a chassé les Juifs avec interdiction de s’en approcher à moins de 4,5 km. L’évêque de Jérusalem, le patriarche Sophronius, en remettant en 637 les clés de la ville au calife Omar Ibn Khattab monté sur un âne et vêtu d’une robe en piteux état, lui aurait demandé que soit respectée la clause d’Héraclius.
Eutychius, un auteur arabe d’annales du Xème siècle, s’appuyant sur des documents originaux, avance une autre accusation, plus grave. Les juifs de Palestine et de Syrie sous occupation perse avaient formé le projet d’égorger, lors de la Pâque chrétienne, tous les chrétiens qui n’avaient pas encore péri. Le complot échoua.
Illustration de la technique classique de l’inversion, la figure rhétorique par excellence du Logos politique pratiqué de nos jours.
Attester avec probité, selon un testament rigoureux
Les crimes de l’occupant israélien, colon venu de toutes les contrées et dont le brevet d’assimilation s’acquiert dès qu’il pratique un espéranto créé entre 1910 et 1922 par Ben Yehuda à la demande du Congrès Juif Mondial, l’hébreu moderne, commis à l’encontre des indigènes ne sont plus à démontrer. Le récent rapport de la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale de la ONU remis par Madame Rima Khalaf (2) en atteste, une fois de plus.
Sous la pression du ‘Lobby qui n’existe pas’ qui exigeait le retrait du rapport, Mme Rima Khalaf, qui a un sens normalement développé de la dignité et de l’honneur, n’a pas obtempéré aux injonctions du Secrétaire Général de l’ONU et ne s’est pas dédite. Elle a présenté sa démission. Au contraire du juge Goldstone qui avait été invité à enquêter sur les conditions des violations du droit international lors de l’opération Plomb Durci, soit le massacre des Palestiniens de Gaza par voie aérienne entre décembre 2008 et janvier 2009. Il avait remis ses conclusions (3) accusant sans aucune ambiguïté le régime de Tel Aviv mais s’est désavoué peu après.
Rima n’est pas l’Antigone passionnée voulant à tout prix honorer ses frères et leur offrir une sépulture rituelle. Elle représente la nouvelle Esther, l’Ishtar dont la légende est inscrite sur le moindre tesson de cette Asie Occidentale, à Babylone comme à Sidon, à Kerkemish, Ctésiphon, Sardes et Ugarit, la Ras Shamra actuelle, en cunéiforme et en araméen dans les premiers alphabets qui furent les prototypes des nôtres. Les croyances et les religions se nourrissent de faits héroïques transmis d’une mémoire à l’autre par la plus sûre voie, celle de la parole devenue légendaire et sacrée.
Rima fera partie désormais de notre panthéon, à la place de ce qui symbolise à la fois le courage élémentaire et la simple fidélité à soi-même devenus des attitudes d’exception. Nous la remercions ainsi de rehausser notre humanité.
Quel avenir pour un monde qui encourage un petit Etat mafieux ethno-militariste ?
L’entité sioniste découpée dans la Palestine selon les visées et aux bons soins d’un protestantisme littéraliste, sensible aux résonnances des statères d’or, est devenu l’un des épicentres mondiaux du blanchiment d’argent et de l’escroquerie financière (4). Les auteurs des fraudes et de rapines s’y réfugient, certains d’être hors d’atteinte de poursuites, leur terre d’accueil n’extrade pas ses criminels. L’un d’eux, responsable de vols de milliards d’euros à la France pour un montage d’escroquerie de TVA sur la taxe carbone, a même financé les campagnes électorales de Netanyahu.
L’implication financière de l’AIPAC , lobby israélien responsable-pas-coupable d’espionnage aux USA et interférant dans sa politique nationale et internationale bien au delà de ce qu’est supposée faire la très vilaine Russie, dans l’architecture du bannissement des Musulmans aux Usa est maintenant connue (5).
Les dons reçus par le Parti de la Liberté néerlandais, dont le programme politique se réduit à chasser les musulmans et à recommander la sortie de l’UE, proviennent quasi-exclusivement d’Américains. La donation annuelle du David Horowitz Freedom Center pour le parti de Geert Wilders en est la plus conséquente (6). David Horowitz est un écrivain propagandiste pro-israélien néo-conservateur qui milite contre l’Islam au titre qu’il menace les valeurs des Usa.
Plusieurs voix s’élèvent depuis l’Espace Profond de l’entité. Efraim Halevy, un ancien officier du Mossad, s’est exprimé en 2014 sur l’absurdité de la politique suprématiste d’Israël vis-à-vis des Palestiniens. Les agressions perpétuelles ne sont pas envisagées selon un objectif précis mais permettent d’entretenir un climat d’insécurité qui justifie les programmes électoraux (7). L’odieuse peine légère de 18 mois d’emprisonnement pour un soldat qui a tué de sang froid un Abdel Fatah Al Sharif désarmé, blessé et allongé au sol ne présentant aucun danger renforce le sentiment d’impunité totale de cet Etat criminel. Les retombées médiatiques de cet assassinat extra-judiciaire ne se sont enflées qu’en raison du film explicite qui a été beaucoup vu sur les réseaux sociaux (8). Un enfant Palestinien écope pour un jet de pierre contre un tank venu le narguer dans son village d’au moins trois ans de prison, soit une vie brisée.
Une saison nouvelle
La nature commence à nous prodiguer ses couleurs.
Une renaissance, un nouveau cycle.
La perception de l’histoire est pour des raisons cosmologiques qui imprègnent notre mental, conditionne notre intellect et détermine notre action non linéaire.
L’ellipse des révolutions n’est pas parfaite et elle se déporte dans une galaxie elle-même en expansion mais la régularité apparente de la course assure d’un passage vers un point proche d’un déjà connu.
Il y a quelques jours, un avion des forces aériennes d’occupation a été abattu dans le ciel syrien, un autre endommagé sérieusement. La base des missiles anti-aériens de fabrication russe protège dorénavant l’espace aérien mille fois violé. Plusieurs raids de provocation menés depuis quelques mois testaient l’efficacité des S-300 et la détermination russe. Les Usa et Israël savent désormais qu’une réplique aura systématiquement lieu en cas de survol. Ces deux pays ont des contingents sur le sol syrien. L’équipe de Trump avance la possibilité d’envoyer d’autres troupes pour ‘combattre’ Daesh. Elle est renseignée sur l’accueil qui leur sera réservé.
Les faux rebelles reçoivent de ceux qui les ont conçus et mis sur pied une assistance aéroportée phénoménale si bien que l’armée régulière met du temps à éradiquer toutes les poches d’autant que de véritables villes souterraines les abritent.
Une partie importante est en train de se jouer autour de l’axe Mossoul-Raqqa.
La tentative étasunienne de rassembler une coalition arabe (EAU, Séoudie, Jordanie, Egypte) et israélienne, excluant la Turquie, pour investir Raqqa et accueillir les Daesh sortis d’Irak échoue. L’Egypte n’enverra pas de troupes en Syrie sans l’accord de Assad et la Séoudie hésite encore à passer pour l’allié visible de l’entité. Que le Département d’Etat lance une telle hypothèse révèle une incompétence ahurissante, à moins qu’il ne s’agisse d’un leurre.
Notes :
(1) http://www.persee.fr
(2) https://en.wikipedia.org
(3) http://www.info-palestine.eu/
(4) http://www.timesofisrael.com/
(5) http://lobelog.com/
(6) https://qz.com/
(7) http://www.timesofisrael.com/
(8) http://www.jpost.com/
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Badia Benjelloun