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ISM France - Archives 2001-2021

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Palestine -

La paupérisation de la Palestine

Par

Sonja Karkar est la fondatrice et présidente de Femmes pour la Palestine et l'un des fondateurs et coorganisateurs des Australiens pour la Palestine à Melbourne, en Australie.

Une fois que les Palestiniens seront écrasés économiquement, il ne leur restera que peu de choix: ce sera le travail en tant qu’esclaves dans les zones industrielles actuellement en cours de construction ou le transfert, s’ils survivent.
Avec le temps, les Palestiniens vont tout simplement disparaître dans l'éther comme s'ils n'avaient jamais existé. C'est la vérité qui est tue et c’est un récit que le public doit entendre.

La paupérisation de la Palestine


Des enfants palestiniens jouent dans les rues du camp de réfugiés de la plage à Gaza City. (Wissam Nassar/MaanImages)

La fin peu glorieuse du mandat d’Ehud Olmert en tant que Premier ministre israélien va entraîner la poursuite des négociations de paix entre l'Autorité Palestinienne et le nouveau dirigeant, Tzipi Livni. Elle aura une période difficile. Le mouvement de colonisation israélien illégal soutenu à ce jour par toutes les administrations israéliennes est devenu hors de contrôle et ses dirigeants d’Extrême-Droite sont catégoriquement opposés à négocier la terre contre la paix.

Nous allons probablement voir Livni utiliser les mêmes stratégies qui ont jusqu'à présent permis les saisies de terres aux Palestiniens pour le rêve sioniste du Grand Israël.
Après tout, Livni a été élevée avec ce rêve. Ce que cela signifie c’est un processus de paix de 15 ans étrangement prêt à l'échec - et pas seulement au niveau politique mais aussi économique.

En 1993, les Accords de paix d'Oslo étaient censés offrir aux Palestiniens la liberté politique et une indépendance économique, ce à quoi ils avaient toujours eu droit. Depuis lors, la société palestinienne a été ballottée dans une série de promesses, de mensonges, de provocations et de chaos sans un seul avantage à montrer pour ses concessions douloureuses.

Tant de choses ont été faites de la promesse d'Oslo d’un nouveau commencement quand, en réalité, le véritable moment historique de la paix s'est produit quand le président de l’Organisation de Libération de la Palestine, Yasser Arafat, a donné son accord sur une solution à deux États devant l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1988, en acceptant au nom de son peuple "le droit d'exister" d’Israël sur 78% des terres volées aux Palestiniens.

C’était la chance durement acquise de résoudre le conflit qu’Israël aurait dû saisir des deux mains. Toutefois, Israël n'allait jamais abandonner son rêve de prendre toutes les terres, et les Accords d'Oslo et tous les processus de paix renouvelés depuis lors, ont tout simplement prétendu s’intéresser aux aspirations palestiniennes alors qu'Israël poursuivait ses propres objectifs au mépris de la loi internationale.

Ce sont les puissants intérêts israéliens, et non pas l'intransigeance d'Arafat ou le terrorisme palestinien qui ont causé l’échec d'Oslo.
Dès le début, Israël et la Banque Mondiale ont violé les clauses économiques des accords soi-disant destinés à améliorer et à stimuler un redressement de la désastreuse situation qui avait déjà puni les Palestiniens par des attaques militaires osraéliennes et l'occupation des décennies précédentes.

Comme l'a fait remarquer l’économiste de l’Université d’Harvard, le Dr. Sara Roy : "Des décennies d'expropriation et de désinstitutionalisation ont depuis longtemps volé à la Palestine son potentiel de développement, en veillant à ce qu'aucune économique viable (et donc structure politique) puisse voir le jour" (Sara Roy, "Un Dubaï sur la Méditerranée", London Review of Books, 3 Novembre 2005).
Une économie viable est essentielle pour le fonctionnement d'un État palestinien indépendant.

Dès que le contrôle des programmes de développement économique d’Oslo a été transféré à la Banque Mondiale, l'infrastructure de base qui était censée avoir été construite était annoncée comme des "réparations" alors qu’aucune infrastructure n’existait en réalité, tandis que la construction d'un casino à Jéricho avait la priorité sur les indispensables ports, routes et canaux. Les noms de ceux qui ont été impliqués dans le projet corrompu de casino se lisent comme un who's who de la politique israélienne : Le Premier ministre Ehud Olmert, les anciens premiers ministres Benjamin Netanyahu et Ariel Sharon, le ministre Avigdor Lieberman et le conseiller de Sharon, Dov Weissglas, ainsi qu’un homme d’affaires juif autrichien, Martin Schlaff, qui fait maintenant l'objet d'une enquête pour avoir donné des millions de dollars en pots-de-vin à Sharon et Lieberman.

L’étape «Gaza et Jéricho d'abord" des Accords d'Oslo a fourni l'occasion parfaite pour les magnats des jeux de hasard de contourner Israël, où le jeu est illégal. Le casino a recueilli environ un million de dollars par jour aux Israéliens qui affluaient dans Jéricho Occupée pour le plaisir du jeu alors que de nombreux Palestiniens étaient à peine capables de mettre de la nourriture sur la table.

Lorsque l'aéroport et le port de Gaza ont finalement été construits grâce aux efforts de l'Union Européenne ainsi que des routes, des cours d’eau et la station de radiodiffusion palestinienne, Israël s’est mis à détruire chacun d'entre eux, en invoquant des raisons de sécurité. Selon des estimations prudentes, la destruction par Israël de l'infrastructure a coûté 3,5 milliards de dollars, tandis que la perte de revenu potentiel pour l'économie palestinienne a été estimée à environ 6,4 milliards de dollars, une perte totale dépassant de loin l'ensemble de l'aide internationale reçue entre 1994 et 1999 (Assemblée Générale des Nations Unies, Rapport du le Secrétaire Général A/60/90, (d) Aide au peuple palestinien - M. Mansour (Palestine), 14 Novembre 2005).

La paupérisation délibérée de l'économie palestinienne a été encore aggravée par le bouclage punitif de la société palestinienne. Un système complexe de barrages routiers et de checkpoints a gravement limité la libre circulation des Palestiniens et des marchandises et a empêché les Palestiniens d’aller travailler en Israël.

Le taux de chômage a atteint des sommets allant de moins de 7% avant 1993 à 25% en Cisjordanie et 38% à Gaza au cours du premier trimestre 1996 (Leila Farsakh, Trans-Arab Research Institute factsheet #4, "The Palestinian economy and the Oslo "Peace Process"). Ce qui n'est pas très connu, c'est qu’Israël a créé une économie palestinienne profondément dépendante de la sienne au cours des 30 années précédentes, ce qui signifie que le bouclage a été bien plus dévastateur qu’il aurait dû l’être.

Alors que le niveau de vie chutait et que la misère imprégnait tous les secteurs de la société palestinienne, les Palestiniens ont réagi avec colère. Mais, la violence palestinienne n'est pas générale. Soumis à une avalanche de provocations, les groupes minoritaires et les personnes traumatisées ont commis une grande partie de la violence avec des armes artisanales. L'une des premières provocations a été l'attaque terroriste et la mort de 29 Palestiniens en prière dans une mosquée d’Hébron par l'extrémiste Baruch Goldstein qui est aujourd'hui vénéré par le mouvement des colons Kach à laquelle il appartenait.

Néanmoins, Israël a lancé à chaque fois des représailles contre l'ensemble de la population palestinienne – dont près de la moitié a moins de 15 ans - à l'aide de sa puissante force de son arsenal militaire, au mépris du droit international, qui interdit les châtiments collectifs. Même dans ce cas, l'opinion publique internationale n'a pas été influencée, à l’époque ou maintenant, par les efforts non-violente de la résistance palestinienne effectués chaque semaine par des groupes communautaires dans les villes et villages de Cisjordanie . Au lieu de cela, elle fait une fixation sur les attaques armées et les attentats suicides palestiniens, sans faire attention à la désintégration de la société palestinienne sous le contrôle humiliant et les violations des droits de l’homme d’Israël.

En 2000, les Palestiniens ont été fortement accusés, surtout après qu’Arafat ait été raillé pour avoir refusé de négocier la "paix" quand il s’est désintéressé de l’'offre généreuse' du premier ministre israélien Ehud Barak à Camp David. Des concessions sur Jérusalem et le droit au retour des Palestiniens n’étaient pas les seules à faire et Barak le savait.

Pour renforcer ses propres ambitions politiques, Barak a réussi à persuader le public qu’Arafat avait pré-planifié la deuxième Intifada palestinienne pendant les négociations de paix et avait cherché à détruire Israël par le retour de millions de réfugiés. Bien que les chercheurs israéliens ont montré que les chefs des renseignements militaires israéliens et les services de sécurité du Shin Bet avaient rejeté l'existence d'un tel plan et que l'opinion publique israélienne - jusqu'ici prête à des concessions territoriales, même pendant les périodes de violence - a été manipulé par Barak pour qu’elle accepte que les Palestiniens avaient choisi le terrorisme au lieu de la paix pour atteindre leurs objectifs (voir Henry Siegman, «Sharon et l'avenir de la Palestine," The New York Review of Books, 2 Décembre 2004).

Eu même moment, Israël a augmenté son expansion des colonies dans les Territoires Palestiniens Occupés, en dépit des Accords d'Oslo interdisant "tout changement dans le statut de la Cisjordanie ..."

Au cours des 15 dernières années, les gouvernements israéliens successifs ont tous continué à construire ces logements illégaux pour les vagues de colons juifs venant de l'étranger, tandis que les Palestiniens étaient poussés dans des zones arides, créant une série de bantoustans non reliés, un peu comme ce qui avait créé l'apartheid en Afrique du Sud. Malgré les routes réservées aux Israéliens, les murs de béton, les clôtures électriques et les zones militaires qui séparent les deux peuples, Israël présente ces lotissements modernes comme une évolution "normale". En effet, cela a forcé les Palestiniens dans un système de dépendance complète où Israël contrôle toutes les frontières et l'espace aérien, les eaux territoriales de Gaza et 80% de l’ensemble des ressources en eau.

Empêchés de produire et de rivaliser avec l'économie israélienne, les Palestiniens sont devenus des consommateurs forcés, cela est perpétué par l'aide étrangère. En fait, les donateurs internationaux paient la note alors que les entreprises israéliennes profitent du besoin désespéré d'une population entière sous occupation israélienne. L'aide étrangère n'a rien fait pour relancer l'économie, et a seulement rendu les Palestiniens l’une des populations les plus dépendantes de l'aide au monde.
Selon le dernier rapport de la Banque Mondiale, "L'aide et de la réforme sont peu susceptibles de relancer l'économie palestinienne à moins qu’Israël retire en même temps les restrictions économiques" (Banque Mondiale, "Perspectives Economiques Palestiniennes: Aide, Accès et Réforme," 22 Septembre 2008)

Selon la Banque Mondiale, avec une industrie de Gaza chancelante de 98%, désormais inactive en raison des sanctions punitives d’Israël, même la levée de ces restrictions n’apportera pas de sitôt un redressement économique, voire pas du tout.

L'ampleur de la destruction sociale est inimaginable puisque 1,4 million de personnes se débattent avec un système d’égouts défaillants, de l'eau polluée, un rationnement alimentaire, pratiquement pas d'électricité ou de carburant et une dégradation des infrastructures routières, des écoles, des hôpitaux, du système de transport et autres services municipaux normaux. Ce "dé-développement" systématique entrainant une crise humanitaire sans précédent risque d'avoir de graves conséquences politiques.

Aujourd'hui, Israël cite le problème démographique : il doit faire face à une population palestinienne qui rattrape rapidement la taille de la population israélienne. Il s'agit d'un problème fabriqué par Israël et qu’il pourrait résoudre demain s’il n’était systématiquement déterminé à élargir son territoire et à atteindre ses ambitions coloniales pour un Grand Israël. Il ne faudra pas beaucoup de temps avant que le contrôle des quatre millions de Palestiniens parqués dans des réserves devienne autant un problème pour Israël que pour les Palestiniens d’y vivre. Le terme Apartheid semble imminent.

Si des comparaisons commencent à être faites avec l'Apartheid en Afrique du Sud, Israël devra justifier son existence en tant qu’Etat exclusivement juif dans le cadre d'un nouvel ensemble de règles. Ainsi, plus, il normalisera sa situation actuelle et continuera à parler de paix, moins cela risque de se produire.

Une fois que les Palestiniens seront écrasés économiquement, il ne leur restera que peu de choix: ce sera le travail en tant qu’esclaves dans les zones industrielles actuellement en cours de construction ou le transfert, s’ils survivent.

Avec le temps, les Palestiniens vont tout simplement disparaître dans l'éther comme s'ils n'avaient jamais existé. C'est la vérité qui est tue et c’est un récit que le public doit entendre.

Source : http://electronicintifada.net/

Traduction : MG pour ISM

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