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Jérusalem - 12 août 2007
Par Gideon Rachman
Avant la guerre en Irak, les optimistes néo-conservateurs ont proposé un nouveau slogan au sujet du conflit israélo-palestinien : "La route vers Jérusalem passe par Bagdad."
La victoire américaine en Irak créerait les conditions politiques pour une paix entre les Israéliens et les Palestiniens.
Maintenant que les Etats-Unis sont sur le chemin de l'échec en Irak, une nouvelle théorie circule..
Cette fois, "la route vers Jérusalem passe par Téhéran." C'est la montée en puissance de l'Iran - stimulée par la guerre en Irak qui peut créer les conditions pour la paix entre Israël et la Palestine.
Alors que la théorie de la route de Bagdad était basée sur une vision optimiste de la transformation démocratique du Moyen-Orient, la théorie de la route de Téhéran est basée sur la peur.
Elle affirme - essentiellement que la montée de l'Iran est suffisamment effrayante pour donner aux deux camps du conflit Israëlo-Palestinien un nouvel intérêt à trouver une solution.
Cela est devenu particulièrement urgent depuis que les militants Islamiste du Hamas - qui sont soutenus par l'Iran - ont pris le pouvoir dans la bande de Gaza et ont coupé en deux le présumé Etat palestinien.
Condoleezza Rice, le Secrétaire d'Etat américain, essaye de tirer profit du moment. Elle a promis qu'une réunion de paix aura lieu cet automne. Les clients potentiels habituels seront là : les Israéliens, les Palestiniens, les Américains, les Egyptiens, les Jordaniens.
Les Saoudiens pourraient également venir, ce qui serait considéré comme un développement important.
Les Saoudiens et d'autres états arabes pro-occidentaux savent qu'un accord de paix Israëlo-Palestinien rendrait beaucoup plus difficile la possibilité aux Iraniens de causer des problèmes dans la région.
Pour les Israéliens, un accord de paix offrirait la perspective aguichante d'un rapprochement avec les états arabes pro-occidentaux en tant qu'élément d'un front anti-Iranien officieux.
Cela offrirait également le meilleur espoir de renverser la montée du Hamas.
Pour exactement la même raison, l'autorité palestinienne et Mahmoud Abbas, son président, ont méchamment besoin d'un accord.
Et le Président américain George W.Bush savourerait sûrement la chance de confondre ses critiques en devenant le président américain qui a enfin apporté une solution de deux Etats.
Les vrais optimistes parlent de l'établissement d'un état palestinien d'ici un an.
Ce serait bien d'y croire. Mais les forces poussant dans la direction opposée vont probablement se montrer bien plus forts.
Le pouvoir grandissant de l'Iran refaçonne certainement des attitudes dans le monde arabe. Mais la crainte de l'Iran semble toujours avoir peu de chances d'être assez forte pour contraindre les Saoudiens à reconnaître Israël - en particulier puisque les Israéliens ne devraient pas céder aux principales demandes arabes telles que le "droit au retour" des réfugiés palestiniens.
Comme l'a dit un diplomate israélien: "Dans cette région, l'ennemi de mon ennemi est toujours mon ennemi."
Même certains membres du Fatah et de l'Autorité Palestinienne disent que M. Abbas devrait recevoir une offre qu'il ne pourra que refuser.
Un membre très haut placé du Fatah prédit tristement :
"On va nous offrir un Etat dans les frontières du mur de sécurité israélien, ce qui signifie perdre des parties énormes de la Cisjordanie .
Les colonies israéliennes resteront. Nos frontières seront contrôlées par Israël.
On ne nous autorisera pas à avoir une armée.
Il n'y aura de droit au retour et les Israéliens vont réellement s'emparer de Jérusalem.
Cela sera présenté comme un accord provisoire. Mais le provisoire deviendra permanent".
Les alliés de M. Abbas disent que ce serait un suicide politique pour lui et le Fatah que d'accepter un marché de ce genre. Le Hamas s'emparerait par défaut de la cause palestinienne.
Quand j'ai exprimé ce scénario à un haut responsable israélien à Jérusalem la semaine dernière, il a répondu : "Les Palestiniens sont trop optimistes. On ne leur offrira même pas cela."
L'armée israélienne - soutenue, semble-t'il, par l'opinion publique - est peu disposée à prendre le risque de redonner aux Palestiniens le contrôle de la sécurité en Cisjordanie . La vaste barrière de sécurité que les Israéliens ont construite a aidé à enpêcher l'entrée des kamikkazes.
Mais des attaques de roquettes ont été lancées contre Israël depuis le Liban et depuis Gaza.
Des attaques semblables depuis la Cisjordanie pourraient frapper les grandes villes israéliennes. Ainsi l'armée israélienne va probablement plaider pour le maintien des centaines de checkpoints, dans toute la Cisjordanie , qui rendent impossible la vie quotidienne et le commerce pour les Palestiniens.
Les déplacements d'une ville de Cisjordanie à une autre – ce qui devrait prendre quelques minutes - peuvent souvent prendre des heures en raison des checkpoints.
L'ambiance en Israël semble maintenant être un mélange de peur et de satisfaction, ce qui sera probablement fatal aux chances d'un accord de paix.
La peur est un legs de la campagne d'actions terroristes des Palestiniens qui ont tué près de 1.000 Israéliens. Les souvenirs des attaques-suicide – ajoutées à la montée du Hamas - ont énormement diminué la volonté du public à prendre des risques avec la sécurité
Mais les attaques-suicides se sont arrêtées. Et à l'heure actuelle, la vie est agréable. La vie nocturne de Jérusalem Ouest - qui était morte en 2002 - est maintenant à nouveau très animée.
La semaine dernière, je suis allé à la Fête du Vin de Jérusalem, où les riches Israéliens ont goûté les tout derniers Cabernet et Riesling des établissements vinicoles du pays.
Les villes palestiniennes telles que Ramallah et Bethléem ne sont qu'à quelques kilomètres de distance.
Mais comme elles sont derrière le mur, elles sont hors de vue et hors de l'esprit de l'Israélien moyen.
Gaza est en fait encore plus bouclée.
En conséquence, malgré tout ce qui est dit au sujet de l'Iran et du Hamas, les Israéliens se sont rarement sentis autant en sécurité. Ils ressentent peu le besoin de prendre des risques pour la paix.
Mais le sentiment de sécurité est artificiel. Comme le reconnaît un responsable israélien : "Nous sommes assis sur une bombe à retardement dans les territoires occupés".
La colère et la frustration des Palestiniens a déjà mené à deux soulèvements. Les mesures de sécurité d'Israël signifient que l'économie palestinienne s'affaiblit de façon constante, alors que le déploiement des colonies israéliennes éteint petit à petit l'espoir d'un état palestinien viable.
La montée du Hamas est la preuve de la radicalisation croissante de la cause palestinienne. Et cela va encore augmenter.
Une direction israélienne véritablement audacieuse tirerait profit de la force relative du pays à l'heure actuelle pour garantir un véritable accord de paix - avant que les chances d'une solution à deux Etats disparaissent totalement.
Cela signifierait faire des concessions généreuses et douloureuses sur les principales questions : Jérusalem, les colonies, les frontières.
La route vers la paix entre Israël et la Palestine ne passe par Bagdad ou Téhéran.
Elle passe toujours par Jérusalem et la Cisjordanie . Et en ce moment, cette route est bloquée - littéralement et métaphoriquement - par un mur massif.
Source : The Financial Times
Traduction : MG pour ISM
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